Les cafés de l'histoire (Kleio)

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Les cafés de l'Histoire

de l'association Kleio

            Dans le cadre de l'association Kleio, notre projet tente de donner un autre regard sur la pratique de l'histoire. Les cafés de l'Histoire de Kleio sont l'occasion de rencontrer des professionnels qui utilisent l'Histoire au quotidien sans pour autant appartenir au circuit universitaire habituel. Le but de ces rencontres est de mettre en avant différentes manières d'aborder l'histoire et de l'écrire. 

Le projet et ses objectifs généraux

            Il était nécessaire pour Kleio de proposer des rendez-vous réguliers afin de consolider l'association en lui donnant des objectifs sur le long terme. C'est dans cette optique qu'on été créés les cafés de l'Histoire, à un rythme bi ou tri-mensuel.

            Il nous semblait intéressant de prendre comme problématique générale l'étude de la « vulgarisation » en histoire, ou plutôt, de ce que Guillaume Mazeau appelle fort justement « l'histoire en partage » (1).  C'est en effet un thème qui passe bien souvent inaperçu au cours des études universitaires et qui est pourtant un des aspects essentiels du rôle de l'Histoire et de l'historien dans la société contemporaine. De plus, le thème de la « vulgarisation » permet de proposer des rencontres originales et de faire découvrir aux étudiants des métiers et des façons de faire de l'histoire qui s'éloignent des circuits académiques. Nous avons donc conçu les premiers cafés de l'histoire comme des espaces de rencontre et de discussion entre des historiens universitaires et des professionnels qui utilisent et produisent un discours sur l'histoire dans leur travail.

            Nous avons prévu trois rencontres pour l'année 2013 : « Wikipédia, quel outil pour l'historien ? », « Le crépuscule de l'empire aztèque : de l'histoire à la fiction », « Ancestors : Histoire et sources orales ». Le café sur Wikipédia a eu lieu le mercredi 20 février et celui sur les aztèques s'est déroulé le vendredi 19 avril. Le café sur l'usage des sources orales en histoire se déroulera à la rentrée universitaire 2013, dans le courant des mois d'octobre ou novembre. Des résumés des propos tenus pendant les séances seront disponibles dans le journal de Kleio et sur le site internet (2) dans le courant du mois de juin.

Les différents Cafés et leur réalisation

Wikipédia, quel outil pour l'historien ?

            Le café de l'histoire sur l'usage de l'encyclopédie participative Wikipédia est parti de l'idée d'une étudiante du département d'histoire, désireuse d'organiser des rencontres et des ateliers pour des amateurs d'histoire soucieux d'apprendre quelques techniques de recherche ou d'écriture. Il s’agissait de proposer, sans aucun dénigrement, des ateliers pour rendre l'histoire accessible à tous. Son projet cadrait donc parfaitement avec un de nos objectifs principaux : le partage de l’histoire. Au fil de la discussion, le thème de Wikipédia nous a vite semblé être le plus porteur pour aborder le sujet auprès des étudiants. Wikipédia est en effet l'outil de partage de connaissances le plus répandu auprès de notre génération.

            L'objectif de ce café était de rassembler des enseignants d'université et des personnes collaborant avec Wikipédia pour tenter de mieux cerner la nature de cet outil mais aussi et surtout ses avantages et ses limites. Pour ce faire nous recherchions d'abord un intervenant neutre sur Wikipédia ou quelqu'un qui aurait travaillé le sujet sans prendre parti. Nous nous sommes bien vite rendu compte que c'était presque impossible. Nous avons donc fait le choix de faire intervenir une personne « pro-Wikipédia » et une personne plutôt réservée sur la question. Grâce au concours des membres du groupe MuzeoNum (3) nous avons réussi à obtenir l'intervention de Rémi Mathis, conservateur des estampes à la BNF et président du groupe Wikimédia France. Pour répondre à son intervention et donner le point de vue d’historiens ancrés dans le milieu universitaire, messieurs Vincent Demont (Maître de Conférences) et Benjamin Quenu (ATER) ont accepté de venir nous exposer leur point de vue.

            En ce qui concerne l'organisation pratique, nous n'avons eu besoin d'aucun budget pour organiser cette rencontre. Nous voulions que les cafés de l'histoire se passent dans un cadre accueillant, une salle modeste qui ne sépare pas les intervenants du public pour laisser la possibilité au libre dialogue. Nous avions donc porté notre premier choix sur une des salles disponibles à la Maison de l'étudiant de Nanterre. Cependant diverses difficultés d'ordre technique nous ont contraints, au dernier moment, à déplacer la rencontre dans un amphithéâtre du bâtiment D. Nous avons donc perdu l'esprit que nous voulions donner au départ à la rencontre. Nous avons aussi eu du mal à attirer les élèves de Nanterre, malgré une communication mise en place près de trois semaines à l'avance sur les panneaux électroniques et les différentes plates-formes internet de l'université, ainsi que par des moyens plus traditionnels comme la diffusion de tracts dans les bibliothèques ou l'affichage. Nous nous sommes ainsi rendu compte qu’il faudrait réfléchir pour rendre les cafs de kleio plus attractifs.

            La rencontre s'est parfaitement déroulée, avec une vingtaine de personnes dans la salle. Même si elle fut peut-être un peu longue (près de trois heures), elle n'en fut pas moins passionnante.

Le crépuscule de l'empire aztèque : de l'histoire à la fiction

            Ce café est lui aussi né d'une rencontre avec un autre projet, celui de deux professeurs du Lycée Joliot-Curie de Nanterre. Madame Ludivine Gaffard (professeur d'histoire) et son collègue Jean-Louis Bonnaure (professeur d'espagnol) ont proposé un cours original aux élèves de seconde pour leur permettre d'approfondir dans un cadre pluridisciplinaire une partie de leur programme d'histoire : la découverte du nouveau monde et sa conquête. Il s'agissait de faire intervenir des spécialistes sur différents thèmes de la vie quotidienne des aztèques en classe afin que les élèves puissent rédiger collectivement une nouvelle à la fin de l’année. Ce projet passionnant mettait lui aussi en œuvre des problématiques intéressant notre thème de l'histoire en partage. Le passage de l'information historique et scientifique à la mise en fiction nous intéressait tout particulièrement (nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir avec le café Ancestors).

            Nous avons donc pris contact avec Madame Gaffard pour suivre la progression des élèves et pouvoir leur proposer une rencontre originale, différente de celles qu'ils avaient déjà eues avec des spécialistes scientifiques. Nous avons décidé de nous tourner vers la confrontation d'une spécialiste et d'un ou plusieurs auteurs, afin que les élèves puissent se rendre compte du processus de mise en fiction et de la manière d’aborder les informations historiques dans un contexte de création. Pour que les élèves puissent préparer la rencontre sans charge de travail supplémentaire, nous avons décidé de nous tourner vers la littérature jeunesse ou la bande dessinée.

            Si la phase de recherche du café Wikipédia n'avait posé aucun problème, celle du café aztèque fut plus délicate. En effet, nous fûmes vite confrontés au problème des clichés qui entourent cette civilisation dans la production artistique : violence, sang et sexualité. Outre ces thèmes qui abondaient et qu'il était difficile de proposer décemment en lecture à des étudiants, la plupart des livres et bande dessinées que nous avons trouvés étaient très loin d'un quelconque souci historique. Je me suis finalement souvenu d'un excellent livre que j'avais lu lors des mes années de collégienne : Moi Moctezuma de Claudine Roland et Didier Grosjean (4). Ce livre présentait tous les critères pour permettre une discussion de qualité : une intrigue proche des événements historiques (5), un univers construit sur la base de recherches minutieuses, des éléments historiques précis et concrets et enfin, un récit haletant et prenant. En continuant mes recherches sur ces deux auteurs j'ai découvert un autre de leurs ouvrages, La sorcière et le conquistador (6), tout aussi intéressant. Le livre Moi, Moctezuma présentait le gros avantage d'avoir des illustrations magnifiques, elles aussi très intéressantes pour notre propos. Nous avons donc contacté Claudine Roland, Didier Grosjean et Jean-Michel Payet (illustrateur de Moi, Moctezuma), qui ont tous les trois accepté de se prêter à l'expérience. Pour compléter leur intervention et garder l'esprit des cafés de l'histoire, nous avons invité Nathalie Ragot, ethnohistorienne spécialiste de la religion aztèque, pour nous parler des mythes qui ont permis aux aztèques de réinterpréter la conquête espagnole, sujet au cœur de l'intrigue des deux livres.

            En ce qui concerne la réalisation concrète, nous avons là aussi eu des soucis avec la salle de la maison de l'étudiant que nous avons réussi à devancer en réservant la salle de cours D04. Nous avons eu besoin d'un financement notamment pour l'achat des livres pour les lycéens, qui ont été remboursés via l'organisation Accordix (7) gérant les liens entre l'Université Paris Ouest Nanterre et le Lycée Joliot-Curie. Il nous fallait aussi rembourser les billets d'avion de deux de nos intervenants, qui ont été financés grâce à l'UFR SSA de l'Université.

            La rencontre s'est parfaitement bien déroulée et nous avons eu des retours favorables des intervenants et des professeurs du Lycée Joliot-Curie. Les élèves ont été très actifs et nous ne pouvons qu'espérer renouveler l’expérience. Faire se rencontrer lycéens et étudiants à l'université nous a apparu être très positif, notamment du point de vue du parcours d'orientation des lycéens.

Ancestors : Histoire et sources orales

            Comme pour les deux autres cafés, l'idée d'organiser une rencontre sur l'usage des sources orales en Histoire est née de la découverte du projet Ancestors (8) mené depuis 2012 par Christophe et Jean-Baptiste Evette. Les deux frères ont organisé à Grahamstown (Afrique du Sud) en juin 2012, un atelier d'écriture et de confection de marionnette pour monter une pièce de théâtre originale. L'intérêt de ce projet réside dans l'étape de collecte de témoignages qui a présidé à la rédaction et à la mise en scène de la pièce. Basée sur des récits historiques ou mythiques, la pièce Ancestors propose de redonner la parole à des populations souvent oubliées par l'histoire officielle (sans, khoisans, coloured ou xhosas) et leur offrir la possibilité de s’exprimer sur les événements et les phénomènes marquants de l’histoire de leur pays (notamment l’indépendance et l’apartheid). La pièce Ancestors, en plus de redonner la parole à des populations « oubliées » par l'historiographie traditionnelle et de proposer une autre vision de l'histoire de l'Afrique du Sud, met en exergue des problèmes inhérents aux sources orales : la rencontre des mythes et de l'histoire dans les récits, le problème de l'oubli, celui de l'occultation, etc...

            Le café Ancestors était initialement prévu pour le mois de février 2013. Cependant, nous avons eu beaucoup de mal à trouver des historiens disponibles pour venir réagir sur le projet des frères Evette. En effet, les chercheurs qui étaient intéressés ne résident actuellement pas en France et nous avons eu beaucoup de mal à nous mettre d'accord sur une date. Le projet est donc pour l'instant reporté, et nous faisons tout notre possible pour qu'il puisse voir le jour.

            Le public visé ne serait pas tout à fait le même que celui des précédents cafés de l'histoire. En effet, le thème est susceptible d'intéresser d'autres étudiants comme les anthropologues, ou les ethnologues. Nous sommes actuellement en train de contacter l'association des étudiants en anthropologie et ethnologie qui organisent eux aussi régulièrement des rencontres/débats, pour voir s'ils seraient intéressés pour participer au projet.

En résumé...

            Les cafés de l'histoire se sont pour l'instant déroulés sans réelles encombres -mis à part quelques petits cafouillages techniques sans grande incidence. Nous sommes plutôt satisfaits du résultat et n'avons eu que des retours positifs. Le plus gros bémol est l'absence de public conséquent. Les deux cafés qui se sont déjà déroulés n'ont attiré qu'une vingtaine de personnes. Il y a donc un gros travail de communication et d'attraction à organiser. Nous avons remarqué que les étudiants de Nanterre ne sont pas forcément habitués à ce genre de manifestations et n’y sont donc pas très réceptifs, sans pour autant y être hostiles (lors des diffusions de tracts, nous avons eu plusieurs réactions enthousiastes mais qui n'ont malheureusement pas été suivies d'une participation). L'expérience avec les lycéens ayant été très enrichissante, nous envisageons de la renouveler, ce qui nous permettra d'élargir le public. Cependant, des cafés comme celui prévu autour du projet Ancestors n'attireront peut être pas un public de lycéens, c'est pourquoi nous avons pensé à la coopération avec les associations étudiantes des autres départements de l'université (ethnologie, histoire de l'art, humanités, etc...). Nous attendons encore de pouvoir concrétiser réellement ces partenariats. Enfin, nous envisageons aussi de nous appuyer sur les séminaires dispensés en histoire pour orienter les prochains cafés.

            Si les expériences passées ont été concluantes, il nous reste beaucoup à faire pour que les cafés de l'histoire de Kleio deviennent des rencontres attractives et « institutionnalisées » sur le campus de Nanterre.

Pour aller plus loin

 

MAZEAU Guillaume, « l’histoire en partage », in La Révolution française. Un évènement de la raison sensible, 1787-1799, WAHNICH Sophie, Paris, Hachette, 2012, p. 27-29.

Wikipédia

GOURDAIN Pierre, O’KELLY Florence, ROMAN-AMAT Béatrice, SOULAS Delphine, von DROSTE ZU HULSHOFF Tassilo, La Révolution Wikipédia : Les encyclopédies vont-elles mourir ?, Paris, Mille et une nuits, 2007.

Aztèques

AIMI Antonio (dir.), Les Mayas et les Aztèques, Paris, Hazan, coll. Guide des arts, 2009

SOUSTELLE Jacques, Les Aztèques, Paris, PUF, coll. Que sais-je?, 2011 [10ème édition].

Page personnelle de Claudine Roland : http://www.claudineroland.com/

Page personnelle de Jean-Michel Payet :

http://jean-michelpayet.hautetfort.com/

Ancestors

Projet Ancestors :

http://www.lesgrandespersonnes.org/spip.php?article100

BONACCI Giulia, Exodus ! : L'histoire du retour des rastafariens en Ethiopie, Paris, l’Harmattan, 2010.

PERROT Claude-Hélène, Sources orales de l'histoire de l'Afrique, Paris, Editions du CNRS, 1989.

ROYER Patrick et SAUL Mahir, West African challenge to Empire : culture and history in the Volta-Bani anti-colonial war, Oxford, Ohio University press, 2001

 

Notes

(1). MAZEAU Guillaume, « l’histoire en partage », in La Révolution française. Un évènement de la raison sensible, 1787-1799, WAHNICH Sophie, Paris, Hachette, 2012, p. 27-29. 

(2).http://kleionanterre.jimdo.com/  Le journal de Kleio est d’ailleurs disponible en ligne sur ce même site, dans la rubrique « Journal de Kleio ».

(3).http://omer.mobi/muzeonum/

(4). ROLAND Claudine et GROSJEAN Didier, Moi Moctezuma, Paris, Casterman, coll. Moi, mémoires, 1989.

(5). Moctezuma, dernier empereur des aztèques, raconte l’arrivée des Espagnols et les événements ayant précipité la chute de son empire.

(6). ROLAND Claudine et GROSJEAN Didier, La sorcière et le conquistador, Paris, Hâtier, coll. histoires d’Histoire, 1991. Le livre raconte notamment l’histoire de la Malinche, jeune indienne devenue traductrice de Cortès. Il aborde aussi la progression des Espagnols en territoire aztèque et la chute de l’empire.

(7)https://entreprises.u-paris10.fr/collectivites/collectivites-182519.kjsp?RH=FR

(8)http://www.lesgrandespersonnes.org/spip.php?article100 et http://jeanbaptisteevette.free.fr/?p=396