Transmettre la mémoire et l'histoire de la Shoah.

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Initier aux études d’histoire, au métier d’historien et aux enjeux du temps présent.

Visite du Mémorial de la Shoah le mercredi 2 mai 2012.

Intervention au lycée Joliot Curie le mercredi 9 mai 2012.

 

par Raphaël Chemama, étudiant à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense dans le cadre du projet Accordix/Les Cordées de la réussite.

 

Année universitaire 2011-2012.Séminaire « Histoire en action » dirigé par Monsieur François Regourd.

 

I Bilan de la visite

Le mercredi 2 mai, une classe de première littéraire du lycée Joliot Curie de Nanterre visitait le Mémorial de la Shoah à Paris. Inconnu pour la plupart, le Mémorial de la Shoah, premier centre de recherche sur le sujet en Europe, reçoit toute l’année des classes afin de les initier à cette part sombre de l’histoire de France et de l’Europe, les soumettre à des témoignages de rescapés et les préparer aux voyages dans les camps, en particulier Auschwitz-Birkenau. Le mémorial est un lieu de mémoire et de deuil, mais aussi un musée (inauguré en janvier 2005).

Etudiant en histoire contemporaine, plus précisément en master 2 recherche sous la direction d’Annette Becker, j’achève un mémoire sur le militantisme de la mémoire porté par les anciens déportés juifs en France depuis 1987 à aujourd’hui. Sensibilisé aux enjeux du temps présent posés par l’étude d’un tel sujet, conscient des questions de pédagogie inhérentes à l’enseignement des génocides et de la Shoah, paradigme génocidaire, j’ai entrepris, depuis plus d’un an, un travail d’accompagnement, de présentation au public universitaire des lieux de mémoire de la Shoah en France. Cette année, dans le cadre du séminaire Histoire en action, sous la direction de Monsieur François Regourd, maître de conférences en histoire moderne à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, j’ai orienté mon projet pédagogique, parce que c’est de pédagogie dont il s’agit, vers un public scolaire des lycéens.

Deux étapes. Deux défis, un seul et même cadre, un objectif : faire réfléchir des jeunes à la notion de mémoire, à celle d’histoire et aux problèmes qui se posent aux chercheurs de l’histoire du temps présent.

Le premier moment du projet fut donc la visite du mémorial. Dans l’ensemble, la visite s’est bien passée. Le seul bémol fut la réserve du mémorial quant à ma proposition de guider les élèves au sein des expositions permanentes. Des guides expérimentés, salariés du mémorial, ont été imposés pour la visite. Il faut le reconnaître : ils sont d’une grande qualité. Notre guide, volubile, nous a bombardés d’informations, de références. Il a surtout réussi à gagner l’écoute des élèves. Il a même suscité chez certains des questions, des discussions. En d’autres termes, la visite a permis l’éveil des consciences, la naissance (ou le retour) de la curiosité. Ce fut un réel succès pédagogique.

II Bilan de l’intervention en classe

En m’inscrivant dans le séminaire « histoire en action, » je ne pensais pas qu’il s’agissait vraiment d’un cours de préprofessionnalisation. Bien sûr, monter un projet culturel, organiser une visite, une exposition, une table ronde, etc. tout cela donne à l’étudiant un aperçu, et disons-le, une petite expérience du monde du travail. Mais, il manquait quelque chose, il me manquait quelque chose. Et cette chose est indispensable à notre formation d’historien : l’enseignement de l’histoire, la rencontre d’un public jeune, l’échange, la transmission des connaissances—et des valeurs.

A l’heure de la casse de l’école publique, du mépris affiché pour la corporation des enseignants, et de la désertification par les étudiants du métier, j’ai donc fait l’expérience de me mettre à la place du professeur le temps d’un cours d’histoire-géographie, le mercredi 9 mai de 10h30 à 12h30 au lycée général Joliot Curie, à Nanterre.

« Expérience concluante », dirait un employeur, ravi de sa nouvelle recrue. Si au départ, je sentais, légitimement le trac, la pression qui reposait sur mes épaules avant l’entrée dans la classe du professeur, Madame De Cock, à l’arrivée, à la fin du cours, de mon cours, c’est une certaine satisfaction qui pouvait se lire sur mon visage selon le même professeur. Satisfaction d’avoir réussi à capter l’attention, l’écoute, d’une classe de trente élèves ; satisfaction d’avoir su mobiliser mes connaissances et de les avoir exposées avec une relative facilité. Confirmation aussi. Confirmation de la noblesse du métier d’enseignant, confirmation de mon avenir professionnel, confirmation, pour ne pas le cacher, de mon aisance à l’oral, et peut-être plus que tout, mon plaisir de communiquer avec des jeunes en pleine formation intellectuelle.

C’est aussi le sentiment d’avoir participé, avec les maigres moyens dont je dispose et à l’échelle la plus réduite, à l’entreprise de mixité sociale, réclamée mais pas toujours proclamée au sein des établissements d’enseignements supérieurs, grandes écoles et universités. En présentant aux élèves les parcours menant aux grandes écoles, c’est-à-dire les classes préparatoires, puis mon parcours, les différentes voies pour étudier l’histoire, les domaines de savoir qu’elle recèle, j’ai l’impression d’avoir, comme le Petit Poucet, laissé des cailloux sur le chemin de la réussite et du mérite. Peut-être que certains des lycéens entendront mon message ? S’il y en a qu’un, c’est déjà une victoire.

 

Illustrations de la visite au mémorial le 2 mai 2012.

 

Les lycéens devant le mur des noms.

Les lycéens dans la salle des enfants.

Le lycée Joliot Curie

Source : http// : lyc-curie-nanterre.ac-versailles.fr

Quelques pistes bibliographiques

 

  1. Récits de déportation

Albert BIGIELMAN, J’ai eu douze ans à Bergen-Belsen, Paris, Editions Le Manuscrit ,2008. [cote BU : Z30423]

Récit d’un rescapé du camp de l’Etoile à Bergen-Belsen. Je l’ai rencontré avant sa mort. Il a fondé l’association des anciens déportés de Bergen-Belsen. Il était un militant actif de la mémoire de la Shoah, toujours prêt à dénoncer les injustices, les dérives, le non-respect des droits de l’homme. Dans ce livre, Albert Bigielman raconte son arrivée à Drancy en 1943, sa déportation avec sa mère à Bergen-Belsen en Allemagne. Une fois rentré en France, Albert essaye de reprendre le cours de sa vie, rompue par la guerre et le génocide. Son témoignage est un vibrant appel à la tolérance, mais aussi à la jeunesse, pour qu’elle tire les leçons d’un passé douloureux.

 

Sam BRAUN, Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu, (Entretien avec Stephane Guinoisseau), Paris, Albin Michel, 2008. [non disponible à la BU, ni à la BN. En vente chez Gibert)

Ecrit sous la forme d’un entretien avec un professeur histoire-géographie, le récit de Sam Braun, déporté à Auschwitz III, Monowitz puis Birkenau, est une source essentielle pour comprendre ce que signifie être juif en France et en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. L’originalité du récit tient à la personnalité extraordinaire de l’auteur. Après avoir vécu l’enfer, les difficultés du retour, Sam Braun n’a jamais perdu confiance dans la vie, dans l’amour de l’autre. Ce récit est un hymne à la tolérance et aux valeurs universelles de paix, de respect, de fraternité.

 

Henry BULAWKO, Les jeux de la mort et de l’espoir : Auschwitz-Jaworzno - Auschwitz, 50 ans après, préf. de Vladimir Jankélévitch, 3e éd. revue et augmentée, Paris, Montorgueil, 1993, 255 p., 1ère éd : 1955. [cote BDIC : O 183.482]

Henry Bulawko, résistant juif, déporté en 1943 à Auschwitz, décédé en novembre 2011, fut un des plus grands témoins du XXe siècle. Parce qu’à lui seul, il participa à la construction de la figure du témoin, de ce que l’on entend aujourd’hui par « témoin ». Militant associatif et politique, président de l’Amicale d’Auschwitz et vice-président à vie du CRIF, H.Bulawko participa à la diffusion de la mémoire collective de la Shoah en France. Il fut celui qui dénonça et qui combattitles négationnistes et l’antisémitisme en France. Il donna à son existence un sens, celui du combat, de la lutte contre les idéologies totalitaires et racistes. Son récit de déportation, précoce (publié en 1954 !), donne à lire le parcours d’un militant de la mémoire de la Shoah et des droits de l’homme.

  1. Le génocide. Généralités

 

Georges Bensoussan, Histoire de la Shoah, Que-sais-je ?, Paris, PUF, 1996.

Un petit ouvrage de vulgarisation, très synthétique, avec cartes et graphiques à l’appui, écrit par l’un des plus grand spécialistes en France de la question, Georges Bensoussan, rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah.

Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Paris, Fayard, 1998 (1er ed : 1961).

L’ouvrage majeur sur la Shoah, publié en aux Etats-Unis en 1961. Réédité au Seuil en 2004 (3 tomes), l’ouvrage d’Hilberg continue de faire référence sur l’extermination des Juifs. Si sur certains points,  il est dépassé (notamment parce que les sources sont presque exclusivement celles des bourreaux), mais le monument d’Hilberg inspire aujourd’hui encore de nombreux travaux. Ouvrage à lire avant tous les autres, véritable point de départ.

  1. L’enseignement de la Shoah et ses problèmes

Jean-François Forges, Eduquer contre Auschwitz. Histoire et mémoire, Paris, ESF, 1997.

Ouvrage de vulgarisation de l’histoire et de la mémoire de la Shoah.

Corine Bonafoux, Laurence de Cock-Pierrepont, Benoit Falaize, Mémoires et histoire à l’école de la République, Paris, A.Colin, 2007.

 

Petit ouvrage collectif, qui propose une synthèse sur les questions de l’enseignement de l’histoire du temps présent. Surtout, c’est l’avantage de l’ouvrage écrit par des enseignants et des historiens (Laurence de Cock), il analyse la place de la mémoire « chaude » dans l’enseignement, celle des guerres, des génocides, etc. au centre des questions, des enjeux, des interrogations qui touchent la mémoire dans notre société.

Pour aller plus loin

  1. Site Internet :

http://www.enseigner-histoire-shoah.org/

Site réalisé par les équipes d’historiens, de pédagogues du mémorial. Il est «le premier portail pédagogique sur l’histoire de la Shoah entièrement destiné aux professeurs » comme le dit si justement l’ancien ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel. Proposant de nombreuses ressources, des plans, des cartes, une chronologie numérique, des illustrations, des textes, des fiches thématiques et même des conseils destinés à l’organisation de visites pédagogiques sur les lieux de mémoire de la Shoah en France et en Europe, le site s’avère être incontournable pour réalisation d’un projet pédagogique, éducatif autour de l’histoire du génocide des Juifs.

  1. Emission de radio

Europe 1, Bienvenue chez Basse diffusé le 09 novembre 2010 - 20:00 L'Histoire contre l’impossible mémoire de la shoah. Téléchargement gratuit sur le site :

http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Bienvenue-chez-Basse/Sons/L-Histoire-contre-l-impossible-memoire-de-la-shoah-306853/

Cette émission, en deux parties, est destinée à présenter au grand public, sur une chaine de radio généraliste, ce lieu en mouvement qu’est le Mémorial de la Shoah. Le thème de l’émission est présentée de la façon suivante : «Le mémorial est d’abord l’histoire de quelques hommes soucieux de résister à l’antisémitisme. A toutes les exclusions. Une aventure humaine devenue au fil du temps mémorielle, historique et pédagogique.» Basse s’entretient dans la crypte avec des acteurs prestigieux de la mémoire et de l’histoire : Serge Klarsfeld, Sarah Mimoun, Denis Peschanski, Jacques Fredj (directeur du Mémorial).

  1. Témoignages de déportés juifs

Sur le site Internet du Mémorial de la Shoah, une grande quantité de ressources est disponible. Il y a entre autre les témoignages de déportés issus du fonds de témoignages Derniers témoins. Entre la mémoire et l’oubli.

http://www.memorialdelashoah.org/b_content/getContentFromTopNavAction.do;jsessionid=BDFCE639A08DD5368E5FC28B7E8B059E?navId=16