Visite à l'Historial de Péronne

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La visite de l’Historial de la Grande Guerre et du “circuit du souvenir” de la Somme par des collégiens

 

Photo : l'Historial de Péronne vu de l'étang du Cam

 

Professeur d’histoire-géographie au collège du Centre - Aimé Césaire de Villejuif, ayant repris des études en Master 2 sous la direction de Mme Becker, il me fallait trouver à la fois un projet compatible avec mon travail salarié, mais aussi avec mon travail de recherche axé sur la Grande Guerre. J’ai donc choisi d’organiser, pour ma classe de 3ème, une visite de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne, dans la Somme.

 

Les élèves de 3ème étudient la Grande Guerre au début de l’année scolaire (en 4 à 5 heures...) ; au coeur de l’étude se trouve la notion de guerre totale. Cette visite est donc l’occasion d’approfondir leurs connaissances, de prolonger le cours sur ce conflit, matrice du court et violent XXème siècle, mais aussi de réviser un chapitre pour le brevet.

 

Cette visite permet de prendre conscience de la multitude des sources utilisées par l’historien. Les textes, images de propagande et photographies dominent dans le manuel des élèves. Il s’agit ici de voir d’autres matériaux de l’historien : uniformes, pièces d’artillerie, mais aussi décorations de Noël à l’effigie du Kaiser ou kitschissime et terrifiante pendule fabriquée à partir de balles, qui pourrait être l’incarnation du “dieu sinistre, effrayant, impassible” de Baudelaire.

 

La visite de l’Historial a eu lieu le 12 juin 2012, par un temps très automnal. Le matin, nous avons visité le musée. Les élèves y ont travaillé en autonomie grâce à des fiches que j’avais élaborées après ma visite de reconnaissance. Pour les réaliser, je me suis en partie appuyée sur le très bon travail réalisé par le service pédagogique de l’Historial, disponible sur leur site internet. La visite s’est déroulée dans des conditions idéales : nous étions le seul groupe dans le musée, les élèves se sont montrés très intéressés, soucieux de trouver les réponses du questionnaire, et le personnel de l’Historial a été très accueillant.

Faute de temps, j’ai fait le choix, avant de quitter chaque salle du musée, de montrer à l’ensemble du groupe quelques documents significatifs que les élèves n’avaient pas eu le temps d’étudier en autonomie. J’ai donc terminé la visite par une affiche mêlant tourisme culturel et tourisme de guerre : cela faisait ainsi le lien avec le “circuit du souvenir” de l’après-midi.

 

Le “circuit du souvenir” est organisé par l’Historial, qui propose des lieux à visiter, en fonction des demandes de l’organisateur. Un guide nous accompagne donc toute l’après-midi, du cimetière français d’Albert aux tranchées de Beaumont-Hamel, en passant par le trou de mine de La Boisselle. La visite a débuté sous la pluie, mais cela n’a entamé ni l’intérêt des élèves ni leur participation très active. Le guide était très intéressant : il apportait de nombreuses connaissances et savait mettre les élèves en scène pour leur faire comprendre une situation particulière (les conséquences de l’explosion des tonnes de dynamite à La Boisselle, le volontariat chez les Britanniques...).

 

Cette journée a été une réussite et j’ai eu le plaisir d’être remerciée par plusieurs élèves pour cette sortie.

 

 Photo : les élèves sur le site canadien de Beaumont - Hamel

 

Le lieu : l’Historial, au cœur de la Somme

 

Photo : l'enceinte médiévale de l'Historial

 

L’Historial de la Grande Guerre se situe à Péronne, à la fois au cœur de la ville, mais aussi dans un paisible cadre champêtre, au bord d’un des nombreux étangs de la région. Il semble bien loin des déferlements de feu de 14-18 : c’est presque le “petit val qui mousse de rayons” de Rimbaud.

L’Historial, c’est d’abord l’austère architecture d’un château médiéval du XIIIème siècle, avec ses tours massives, son enceinte en briques et ses douves enherbées.

Passé l’étroite entrée du château, le bâtiment médiéval - très abîmé par les épreuves du temps et la violence des combats (notamment lors de la Grande Guerre) - s’efface, disparaît peu à peu pour laisser place à l’architecture blanche et contemporaine d’Henri-Edouard Ciriani.

 

Photo : la façade contemporaine de l'Historial

 

La façade contemporaine de l’Historial, ponctuée de petits cylindres, se reflète dans les eaux calmes de l’étang. Ces dizaines de cylindres évoquent les stèles des dizaines de milliers de soldats tombés sur les champs de bataille de la Somme. Les façades verticales et leurs cylindres-stèles font écho aux vastes étendues horizontales des nombreux cimetières militaires de la région.

 

À l’intérieur de l’Historial, la mise en espace, très sobre, est placée sous le signe de l’histoire culturelle. Dans les deux principales salles, qui évoquent respectivement les années 1914-1916 et 1916-1918, les fosses centrales dominent. Il faut baisser les yeux, et non les lever, pour découvrir l’univers combattant : uniformes, objets (réglementaires ou très personnels) des soldats, armes employées. On se trouve devant ces fosses comme devant une tombe : on s’y recueille.

 

Cette présentation évoque la violence des combats et du feu, où les soldats ont dû s’enterrer, se terrer, eux et leurs effets, afin de survivre. Le soldat de la Grande Guerre combat courbé, recroquevillé. Ces fosses font penser aux trous d’obus dans lesquels des soldats, encore vivants, blessés ou déjà morts, se trouvaient isolés.

 

Autour de ces fosses, des vitrines rassemblent de nombreux objets du monde civil, le “home front”. Des liens étroits relient le monde du front et de l’arrière ; les visiteurs sont invités à faire des allers et retours entre ces deux espaces. Même s’ils ont vécu des expériences très différentes, les soldats étaient très souvent des civils avant leur mobilisation, et les civils se considéraient eux aussi mobilisés.

 

L’Historial s’inscrit aussi dans une histoire transnationale : aux fosses française, britannique, allemande, américaine, coloniale... répondent des objets allemands, français britanniques exposés dans les vitrines. Ces objets traduisent une culture de guerre propre à chaque Etat : cela permet d’en appréhender les similitudes mais aussi les différences. Ainsi, parmi les objets du quotidien, des chopes allemandes et des théières anglaises sont exposées aux côtés de nombreuses assiettes françaises (est-ce une référence implicite à la gastronomie ?).

 

L’Historial accueille aussi des expositions temporaires : l’exposition actuelle porte sur les soldats britanniques disparus lors de la bataille de la Somme de 1916 ainsi que le tourisme de mémoire. “Missing of the Somme” a lieu jusqu’au 25 novembre 2012.

 

Photo : des "poppies" à La Boisselle

 

La visite de l’Historial ne serait pas complète sans un parcours sur les grands lieux de bataille et de souvenir de la Somme (le “circuit du souvenir”). Sur le site de Beaumont-Hamel, les tranchées sont encore bien visibles, bien que recouvertes de pelouse aujourd'hui. Les cimetières français, britannique et allemand permettent d’appréhender ce qu’a été la mort de masse, mais aussi de voir que les façons de commémorer les morts et disparus sont différentes selon les nations. Aux stèles uniformes des Britanniques répondent les stèles majoritairement en forme de croix des soldats de la France laïque.

 

Budget

 

Pour ce projet, il n’était pas envisageable de faire porter la totalité du financement sur les élèves (environ 900 euros), qui ont participé à hauteur de 8 euros par élève. Le car étant la part la plus importante du budget, j’ai donc fait appel, par voie hiérarchique, au Conseil Général du Val-de-Marne (dont dépend le collège où j’enseigne). Après de nombreuses tergiversations, et pour des raisons qui ne sont pas liées à mon projet, le Conseil Général n’a pas participé au financement.

 

J’ai donc fait appel au FSE (foyer socio-éducatif) de mon collège pour financer une grande partie de mon projet.

 

Bibliographie et sitographie

 

Audoin-Rouzeau Stéphane, Becker Annette, La Grande Guerre 1914-1918, Gallimard coll. “Découvertes”, Paris, 1998.

Ouvrage synthétique, très facilement accessible pour une première approche du conflit, il comporte de très nombreux documents iconographiques.

 

Fontaine Anne, Becker Annette, Audoin-Rouzeau Stéphane, Prévost-Bault Marie-Pascale (dir.), Les collections de l’Historial de la Grande Guerre, Somogy éditions d’art, Paris, 2008.

Cet ouvrage, auquel de nombreux spécialistes de la Grande Guerre ont participé, présente les collections de l’Historial. Il présente le lieu lui-même et permet aussi de découvrir des espaces inaccessibles au public, comme les réserves.

 

Desfossés Yves, Jacques Alain, Prilaux Gilles, L’archéologie de la Grande Guerre, éditions Ouest-France et Inrap, Rennes, 2008.

Cet ouvrage rend compte, depuis quelques années, du développement de l’archéologie des champs de bataille et des sépultures des soldats.

 

Audoin-Rouzeau Stéphane, Becker Annette, 14-18, retrouver la Guerre, Gallimard, 2000.

80 ans après la fin de la Grande Guerre, les auteurs reviennent sur ce conflit, loin d’être oublié. Ils interrogent la question du consentement, de la violence de guerre, du deuil.

 

Ory Pascal, L’histoire culturelle, PUF, 2004, mise à jour : 2011.

Pascal Ory fait le point sur l’histoire culturelle, qui est au coeur de la réflexion à l’Historial de la Grande Guerre. L’historiographie, les sources, les démarches propres à l’histoire culturelle sont abordées.

 

http://www.historial.org/

Le site de l’Historial de Péronne présente les collections permanentes, les expositions (comme “Missing of the Somme”), mais aussi des informations pratiques pour s’y rendre, pour connaître les horaires et les tarifs (qui sont très abordables).

 

www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

Ce site du ministère de la Défense permet, entre autres

- d’accéder aux fiches des soldats morts pendant la Grande Guerre

www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/spip.php?rubrique41

 

- de lire les journaux numérisés des unités combattantes

www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/jmo/pages/index.html

 

- de retrouver la sépulture d’un soldat

www.sepulturesdeguerre.sga.defense.gouv.fr

 

Sidonie TAFFLET