L’analyse des règles prohibitives de l’adoption internationale en France et en Italie 

L’adoption internationale constitue une mesure de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, il ne s’agit pas d’une mesure de protection universellement accueille. Des États posent des statuts prohibitifs face à l’adoption, d’autres l’ignorent.

Les régimes juridiques français et italien adoptent des approches différentes face aux lois prohibitives de l’adoption internationale. Le législateur français a fait le choix de prêter allégeance aux lois prohibitives et de poser à l’art. 370-3 du code civil tant un principe d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif qu’un empêchement bilatéral de l’adoption par les lois des membres du couple adoptant. À l’inverse, le législateur italien a adopté une approche de dépassement des lois prohibitives en accordant une place « minimaliste » à ces lois. Ces deux approches donnent lieu à des critiques en ce qu’elles peuvent conduire à la méconnaissance de la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et la non-reconnaissance à l’étranger de la décision d’adoption internationale. Afin de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, seront analysées les critiques de chaque régime et les solutions envisageables pour tenter de résoudre les conflits de lois sans encourir les risques susmentionnés.

 

Mots-Clefs : Adoption internationale -Lois prohibitives - Intérêt supérieur de l’enfant

 

L’adoption internationale est le résultat d’une conciliation entre plusieurs lois. Ces lois peuvent donner lieu à des conflits. Dès lors, il convient d’opérer une conciliation entre les différences culturelles des États, et ce dans le but d’assurer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Des États posent des règles prohibitives, interdisant l’adoption internationale. Dans ce cadre, il n’est pas facile de déterminer la place à accorder à la loi du pays d’origine de ces enfants, car l’ignorer signifierait entraîner le risque que l’adoption ne soit pas reconnue dans leur pays d’origine et devienne ainsi une adoption « boiteuse ». Au contraire, la respecter entraînerait le risque de condamner de nombreux projets d’adoption et donc de méconnaitre l’intérêt de l’enfant. Les États doivent donc chercher à trouver un compromis entre les différentes lois en présence, pour ne pas encourir de tels risques au détriment de l’enfant et pour trouver la meilleure manière de résoudre ces conflits de lois.

Le législateur français, par le biais de la loi n° 2001-111 du 6 février 2001, a introduit à l’alinéa 1 de l’art. 370-3 du code civil un empêchement bilatéral de l’adoption par les lois des membres du couple adoptant, et à l’alinéa 2 dudit article le principe d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif. En revanche, dans le régime juridique italien, il n’y a pas d’équivalent à ces principes et la loi du pays d’origine de l’enfant se voit accorder une place minimale par rapport à celle retenue dans le régime juridique français, mettant ainsi en œuvre un dépassement des lois prohibitives.

 

À cet égard, la question se pose de savoir si dans le cadre de l’adoption internationale, à l’occasion d’un conflit des lois, il convient de prêter allégeance aux lois prohibitives de l’adoption et conduire une juridiction à refuser le prononcé de l’adoption, ou s’il convient de passer outre ces législations pour obtenir une plus forte protection de l’intérêt supérieur de l’enfant à être adopté ?

Nous verrons d’abord l’allégeance aux lois prohibitives (I), avant de développer les critiques de cette allégeance (II) et d’envisager le dépassement des lois prohibitives (III).

 

I.  L’allégeance aux lois prohibitives

Dans le cadre de l’adoption internationale, il existe différentes façons de concevoir l’intérêt de l’enfant qui divergent selon les cultures. Il n’existe pas un droit à l’adoption. Chaque État est tenu de mettre en place son système de protection de l’intérêt de l’enfant et adopter des mesures de nature à permettre l’établissement de liens familiaux conformément à ses obligations internationales. Toutefois, ces choix sont par nature sensibles et souvent plus culturels que juridiques. Les législateurs français et italien ont décidé de la même façon de soumettre les conditions pour obtenir le prononcé de l’adoption internationale à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple ou à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune. Cela a été établi respectivement, en France par la loi n° 2001-111 du 6 février 2001, en Italie par la loi n.218\1995.

Néanmoins, le législateur français a choisi de poser par le biais du premier alinéa de l’article 370-3 du code civil un empêchement bilatéral du couple adoptant face à l’adoption, en énonçant que : « L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale des deux membres du couple la prohibe ». De surcroît, par le biais du deuxième alinéa de l’art. 370-3 du code civil, le législateur a posé le principe d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif, en énonçant que : « L’adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi nationale prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».

En revanche, dans le régime juridique italien en matière d’adoption internationale, principalement constitué par les lois n.184 du 4 mai 1983, n. 476 du 31 décembre 1998 de ratification de la Convention de la Haye du 1993 et enfinn.218\1995, il n’existe pas un principe équivalent à celui du régime juridique français d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif ni non plus un équivalent à l’empêchement bilatéral du couple adoptant face à l’adoption. L’article 38 de la loi n.218\1995, à l’alinéa 2, énonce « qu’en tout état de cause, l’application de la loi nationale de l’enfant majeur à adopter est assurée, pour ce qui concerne le régime du consentement éventuellement requis par celle-loi ». Par conséquent, le régime juridique italien, non seulement ne prévoit pas une solution équivalente à celle française, mais en plus prend en considération la loi du pays d’origine de l’enfant, seulement s’il est majeur et seulement pour ce qui concerne le régime du consentement. Les justifications de l’allégeance prêtée par le législateur français aux lois prohibitives résident dans « la volonté d’éviter le risque de trafic des enfants, le souhait de ne pas imposer unilatéralement les conceptions d’adoption des pays occidentaux »[1] et le fait de vouloir empêcher la réalisation d’adoptions « boiteuses » au détriment de l’intérêt des enfants. Un autre fondement de cette allégeance aux lois prohibitives pourrait découler de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants, en particulier de son article 4 qui dispose que « les adoptions visées par la convention ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine ont établi que l'enfant est adoptable ».

Toutefois, des critiques peuvent être adressées aux justifications de l’allégeance prêtée par le législateur français aux lois prohibitives par rapport au but d’assurer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

II. Les critiques de cette allégeance

Premièrement, la thèse selon laquelle les principes de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sont posés comme l’un des fondements de l’allégeance prêtée aux lois prohibitives, pourrait être infirmée, car nous pourrions soutenir que la « Convention de la Haye n’est qu’un instrument de coopération »[2], qui ne pose pas de règles de conflit et dont les règles ne se substituent pas à celles des Etats parties. En outre, la loi du pays d’origine au sens de la Convention de la Haye est avant tout la loi de résidence habituelle de l’enfant et non pas celle de sa nationalité. Nous pourrions conclure qu’utiliser les principes de la Convention comme fondement de cette allégeance pourrait donner lieu à des critiques et nous amener à penser que ce choix ne semblerait pas être faite pour rester dans le sillage de la Convention de la Haye de 1993. Si, en revanche, nous analysons la nature des règles prohibitives opposées par les États d’origine des enfants à statut prohibitif, on pourrait remarquer d’autres points critiquables par rapport à l’allégeance qui y est prêtée par le législateur français. D’abord, il y a une différence d’appréhension injustifiée de ces lois prohibitives, entre le domaine de l’adoption internationale et celui de l’établissement de la filiation hors mariage, car dans ce dernier domaine la Cour de cassation  a considéré dans l’arrêt du16 décembre 2020[3] que la loi étrangère qui interdit l’établissement de la filiation hors mariage est contraire à l’ordre public français lorsqu’elle a pour effet de priver un enfant mineur du droit d’établir sa filiation ,alors qu’en revanche en matière d’adoption internationale nous prenons en considération ces lois. De cette façon, l'appréhension des lois prohibitives serait appelée à varier selon la nature du lien de filiation et de cela, découle également une manière différente de concevoir et de protéger l’intérêt de l’enfant. En effet, on pourrait considérer qu’il est davantage protégé dans le cadre de l’établissement de la filiation hors mariage que dans celui de l’adoption où il y a une sorte « d’instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant pour harmoniser les relations diplomatiques entre les États »[4]. Deuxièmement, au-delà de cette différence d'appréhension, toujours sous l’angle de l’analyse de la nature juridique de ces règles, mais cette fois au regard du premier alinéa de l’art.370-3, nous pourrions même constater une ambiguïté de la qualification juridique de ces lois, au titre desquelles il peut y avoir un effet de « paralysie » de l’aboutissement du projet d’adoption par effet des lois nationales du couple adoptant face à l’adoption. La nature juridique de ces règles est en effet controversée sous certains aspects, car certains auteurs y ont vu un « empêchement bilatéral »[5],d'autres une « règle matérielle de droit international privé prenant en considération la loi étrangère »[6] ou encore un « jeu d'ordre public »[7] pas étranger mais transnational, c’est-à-dire commun aux deux systèmes juridiques dont relèvent les époux. Au vu de cette dernière qualification, on pourrait s’apercevoir d’une autre ambiguïté : le fait que l’effet traditionnel de substitution de l’exception d’ordre public soit écarté, en raison des lois qui paralysent le prononcé de l’adoption. Enfin, au titre du premier alinéa de l’article 370-3, si l’adoption est effectuée par un couple dans lequel seulement la loi de l’un interdit l’adoption et l’autre l’autorise, la loi prohibitive d’un adoptant peut être neutralisée par la loi permissive de l’autre. Cela représente un moyen pour passer outre la loi prohibitive et l’adoption demeurera possible. En revanche, si nous passons à l’analyse des règles prohibitives d’un point de vue moral, il a été reproché au législateur d’un État laïc « de prêter main-forte au respect d’un interdit d’origine le plus souvent religieuse »[8] car la plupart de ces règles prohibitives représentent la traduction, dans les législations algérienne et marocaine, des règles issues du droit coranique « la Charia ». Le verset 4 de la sourate 33 du Coran énonce : « Dieu n'a pas mis deux cœurs dans la poitrine de l'homme. De même que vous pouvez répudier vos épouses parce qu'elles ne sont pas vos mères, de même vous pouvez répudier vos fils adoptifs parce qu'ils ne sont pas vos fils ». Ces prohibitions ont donc comme fondement l'interdit de l'inceste et renvoient à l'histoire personnelle de Mahomet. Pour ces raisons, l’introduction par la loi du 6 février 2001 du principe d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif à l’alinéa 2 l’art.370-3 du code civil a fait l’objet d’une critique de la part de la Défenseure des enfants, qui a critiqué la nouvelle disposition dans son rapport annuel de 2004, d’après une question dont a été saisi le Conseil supérieur de l’adoption.[9]

L’allégeance aux lois prohibitives présente pour ces raisons des aspects critiquables tant d’un point de vue juridique que moral mais de la même façon, passer outre ces lois dans l’appréciation des conditions du prononcé de l’adoption pourrait entraîner autant de risques et aspects critiquables.

 

III. Le dépassement des lois prohibitives

Il y a différents exemples de dépassement des lois prohibitives auxquels nous pourrions nous référer et plusieurs solutions envisagées pour relativiser le risque d’adoptions boiteuses. En effet, même si le législateur français en 2001 a posé le principe d’inadoptabilité de l’enfant de statut prohibitif, il a assorti ce principe d’une exception en faveur de l’enfant né et résidant en France. L’article 370-3 alinéa 2 du code civil prévoit que : « L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi nationale prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ». Cette exception permet de trouver un moyen pour contourner les prohibitions posées par ces lois. Nous pourrions considérer qu’une telle exception permet simplement « d’anticiper l’application exclusive de la loi française à la demande d’adoption »[10]. En même temps, elle serait révélatrice d’une discrimination en fonction du lieu de naissance de l’enfant, plutôt qu’en fonction de la nationalité d’origine, puisqu’il pourrait être critiqué le fait que par le biais de cette exception, deux enfants qui se trouvent dans une situation comparable soient traités de manière différente en fonction de leur lieu de naissance et de résidence, en faisant découler des conséquences différentes sur le plan de la reconnaissance des effets de l’adoption. Si en revanche on pose la question de la possibilité de relativisation du risque d’adoption « boiteuse », c'est-à-dire le risque que la décision rendue en France ne soit pas reconnue à l'étranger,  il convient de mentionner que l’article 21-12 du code civil offre, depuis la loi du 26 novembre 2003, une possibilité de contourner l’interdiction de l’adoption posée par l’article 370-3 du code civil, par l’effet de l’acquisition de la nationalité française. Cet article a été modifié par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant et il suffit désormais que l'enfant ait été recueilli en France, depuis au moins trois années, sur décision de justice et qu’il ait été élevé par une personne de nationalité française, pour enfin réclamer la nationalité française. À ce moment-là, l’enfant devenu français pourra alors s'affranchir de la prohibition de sa loi nationale d'origine, qui pourra être neutralisée par le changement de nationalité de l’enfant. La dimension internationale se trouvera donc effacée et cet enfant-là ne pourra être distingué aucunement d’un enfant biologique né en France. En conséquence, les autorités du pays d’origine « n’auront aucun moyen de faire un lien entre lui et l’enfant qu’il fut avant son adoption car il y a défaut d’un point d’ancrage entre le pays de nationalité de l’enfant et la situation familiale adoptive »[11]. De surcroît, la Cour de cassation a admis dans l'arrêt du 4 décembre 2013 que « l'interdiction d'être adoptés frappant au départ les enfants recueillis en kafala peut être levée lorsqu'ils acquièrent la nationalité française »[12]. Nous pouvons nous apercevoir que, même si en effet il y a un moyen pour contourner le risque d’adoption « boîteuse », la France adopte toujours une approche beaucoup plus stricte vis-à-vis des prohibitions de l’adoption internationale, par rapport à l’approche retenue dans le régime juridique italien. Précisément en Italie, nous pouvons constater soit une absence d’équivalent du principe d’inadoptabilité de l’enfant à statut prohibitif, soit une approche assez « minimaliste » par rapport à la place qu’on accorde à la loi du pays d’origine de l’enfant dans le cadre de l’adoption. En effet, comme nous montre l’alinéa 2 de l’article 38 de la loi n.218 du 1995, la loi personnelle de l’enfant à adopter est prise en compte seulement dans le cas où l’enfant est majeur et elle permet simplement de déterminer le régime des consentements à retenir dans l’adoption, dans si sa loi d’origine le requiert. Une approche similaire se retrouvait dans le régime juridique français antérieur à la loi du 6 février 2001, consacré dans l’arrêt Torlet du 7 novembre 1984[13], selon lequel « [..] les conditions comme les effets de l'adoption sont régis, lorsque l'adoption est demandée par une seule personne, par la loi nationale de celle-ci, la loi de l'enfant devant simplement déterminer les conditions du consentement ou de la représentation de l'adopté [..] ». Dans le régime juridique italien, en outre, il n’y a pas non plus un équivalent de la condition d’empêchement bilatéral de l’adoption en cas de prohibition par la loi nationale de deux adoptants, prévue par l’alinéa 1 de l’art. 370-3 du code civil français. Aux termes du premier alinéa de l’art. 38 de la loi n.218 du 1995, à défaut d’une loi de nationalité commune des membres du couple adoptant, l’adoption s’opère sur le fondement du droit de l’État dans lequel les adoptants sont tous les deux résidents ou sur le fondement du droit de l’État dans lequel leur vie matrimoniale est essentiellement localisée au moment de l’adoption. Dès lors, l’adoption ne pourra pas être empêchée par la loi nationale de l’un des deux membres du couple adoptant. Nous pourrions tirer une confirmation supplémentaire de l’analyse des conditions requises par la loi italienne, permettant aux adoptants d’être aptes à l’adoption. Il existe une parité d’évaluation des conditions requises aux adoptants tant pour l’adoption nationale que pour l’adoption internationale. En conséquence, pour obtenir l’aboutissement du projet d’adoption, les membre du couple adoptant doivent respecter les conditions communes aux deux types d’adoption visées à l’art. 6 de la loi n.184\1983, soit dans le cas où ils sont de nationalité italienne, soit dans le cas où ils sont simplement résidents en Italie. De surcroît, l’article 29-bis de la loi 476 du 1998 vise plus spécifiquement la situation des « personnes résidentes en Italie qui envisagent d’adopter un mineur étranger résidant à l’étranger ». Il énonce qu’il faut de manière identique que pour l’adoption nationale, respecter les conditions prévues à l’article 6, présenter une déclaration de disponibilité à l’adoption délivrée par le Tribunal des mineurs du district où ils résident et demander que le Tribunal déclare leur aptitude à l’adoption. Il n’existe donc aucune spécification des possibles interdictions d’adoption qui pourraient être opposées par les différentes lois nationales des membres du couple adoptant, étant donné que dès lors qu’il y a respect desdites conditions, l’adoption internationale comme celle nationale demeure possible. En conclusion, en raison de l'absence d’équivalent en Italie de l’article 370-3 du code civil français, nous nous concentrons sur la recherche des fondements du dépassement des lois prohibitives dans le régime juridique italien. Un fondement ultérieur pourrait être trouvé dans l’alinéa 2 de l’article 36 de la loi n°476 du 1998, qui énonce les conditions pour déclarer efficaces en Italie les adoptions internationales ou les placements d’enfants en vue d’adoptions, prononcées dans un pays non-partie à la Convention de la Haye de 1993 ou dans un pays non-signataire d’accords bilatéraux avec l’Italie. Cet article révèle l’approche assez élastique retenue par l’Italie, soit dans la prise en considération des lois prohibitives, soit dans l’éventuelle reconnaissance des décisions étrangères prononcées dans l’un des pays qui posent des lois prohibitives de l’adoption, au motif que l’alinéa 2 de l’article 36 de la loi n°476 du 1998 énonce parmi les conditions permettant la reconnaissance de ces décisions étrangères l’abandon du mineur étranger. Cela impliquerait que, dès lors qu’on constate l’état d’abandon du mineur, même s’il est originaire d’un pays à statut prohibitif, la décision étrangère portant sur le placement d’enfant en vue d’adoption pourra être déclarée efficace en Italie, permettant de passer outre les lois prohibitives. Les cas des pays musulmans à statut prohibitif pourraient bien être inclus dans le régime posé par cet article, comme ils ne sont ni parties à la Convention de la Haye ni signataires d’accords bilatéraux avec l’Italie. En outre, les décisions de Kafala prononcées dans ces pays pourraient être assimilées en Italie à une décision de placement d’enfant en vue de son adoption, comme l’a confirmé la Cour de cassation italienne dans l’arrêt du 4 novembre 2015[14]. Dans cet arrêt, elle a énoncé que la « kafala» est essentiellement assimilable au placement d’enfant à des fins d’adoption, en énonçant que « la kafala donne aux personnes en charge un pouvoir de garde, pour une durée essentiellement indéterminée, avec le contenu éducatif d’un véritable placement d’enfant en vue d’adoption ». Au-delà de l’exemple juridique italien, d’autres exemples normatifs passent outre les lois prohibitives : c’est le cas de la solution proposée par le Projet de Code de droit international privé remis au garde des Sceaux en mars 2022, qui permet tant à l’adoptant qu’à l’adopté de se prévaloir de la loi française de leur domicile, alors même que les adoptants ou l’enfant à adopter sont originaires d’un pays à statut prohibitif. Le projet de code énonce cette possibilité à l’article 66 :« Toutefois, l’application de la loi française peut être demandée par l’adoptant lorsqu’il est domicilié en France » et à l’article 67 : « Toutefois, l’application de la loi française peut être demandée par l’adopté lorsqu’il est domicilié en France ». Par la possibilité accordée par ce projet de se prévaloir de la loi française de son propre domicile et de la substituer à la loi nationale de l’adoptant, l’application de la loi prohibitive est neutralisée. En conclusion, dans un panorama juridique si vaste et articulé, réunissant une très grande diversité d’intérêts et des solutions, il faut trouver un juste équilibre pour prévenir le risque de méconnaitre l’intérêt de l’enfant.

Bibliographie 

Ouvrages :

Audit et L. d'Avout Droit international privé : LDGJ, 2e éd., 2022

Treccani Enciclopedia -Adozione e immigrazione

Textes et projets officiels (classement chronologique) :

LEGGE 4 maggio 1983, n. 184  Disciplina dell'adozione e dell'affidamento dei minori. (GU Serie Generale n.133 del 17-05-1983 - Suppl. Ordinario n. 28)

Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale

LEGGE 31 maggio 1995, n. 218 (GU n.128 del 03-06-1995 - Suppl. Ordinario n. 68)
LEGGE 31 dicembre 1998, n. 476 (GU n.8 del 12-01-1999)
Loi n° 2001-111 du 6 février 2001 
LOI n° 2003-1119 du 26 novembre 2003
Défenseur des Enfants -2004
LOI n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant
Projet de code de droit international privé- Ministère de la justice-2022

Articles :

 Corneloup Sabine -III. «  Conflits de lois », Revue critique de droit international privé, 2013, n°1, p ?

Godechot-Patris Sara « Art. 370-2-1 à 370-5 - Fasc. unique : ADOPTION. – Conflits de lois  », Source ?, Première publication : 1er novembre 2022

E. Poisson-Drocourt, Codification des règles de droit international en matière d'adoption : D. 2001, spéc. p. 1406) .

2 P. Lagarde, La loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale : une opportune clarification : Rev. crit. DIP 2001, p. 275 , spéc. n° 7)

4 (M. Josselin- Gall, Adoption internationale : changement de logique : JCP N 2002 , p. 1255 , spéc. n° 12)

5(M. Josselin-Gall, Adoption internationale : changement de logique : JCP N 2002, p. 1255 ),

6 (M.-L. Niboyet et G. Geouffre de La Pradelle, Droit international privé : LGDJ, 7e éd., 2020, n° 284).

7 B. Bourdelois, Le nouveau régime de l'adoption internationale : les articles 370-3 à 370-5 du Code civil : Gaz. Pal. Rec. 2001, spéc. p. 1928).

8 (Fr. Monéger, Le prononcé d'une adoption en France. Les règles de conflit énoncées par la loi du 6 février 2001 : RID comp. 2003, p. 819 , spéc. p. 828)

9 H. Muir Watt, La loi nationale de l'enfant comme métaphore : le nouveau régime législatif de l'adoption internationale : JDI 2001, p. 981 , spéc. p. 1013).

10 (B. Bourdelois, L'adoption internationale : Travaux comité fr. DIP 2000, spéc. p. 151 et 152 et les nuances apportées dues au fait que l'enfant possède toujours un acte de naissance à l'étranger. – M.-L. Niboyet, dans les débats consécutifs à la communication préc de B Bourdelois, spéc. p. 172 et 173)

 

Jurisprudence :

Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 novembre 1984, 83-12.897, Publié au bulletin

Corte di Cassazione, sentenza del 4 novembre 2005, n. 21395

Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-26.161,

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-22.103, Publié au bulletin

11Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-26.161,

12 Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 novembre 1984, 83-12.897, Publié au bulletin

13Corte di Cassazione, sentenza del 4 novembre 2005, n. 21395

 

 

 

[1]  E. Poisson-Drocourt, Codification des règles de droit international en matière d'adoption : D. 2001, spéc. p. 1406) .

[2] P. Lagarde, La loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale : une opportune clarification : Rev. crit. DIP 2001, p. 275 , spéc. n° 7)

[3] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-22.103, Publié au bulletin

[4] (M. Josselin- Gall, Adoption internationale : changement de logique : JCP N 2002 , p. 1255 , spéc. n° 12)

[5] (M. Josselin-Gall, Adoption internationale : changement de logique : JCP N 2002, p. 1255 ),

[6] (M.-L. Niboyet et G. Geouffre de La Pradelle, Droit international privé : LGDJ, 7e éd., 2020, n° 284).

[7] B. Bourdelois, Le nouveau régime de l'adoption internationale : les articles 370-3 à 370-5 du Code civil : Gaz. Pal. Rec. 2001, spéc. p. 1928).

[8] (Fr. Monéger, Le prononcé d'une adoption en France. Les règles de conflit énoncées par la loi du 6 février 2001 : RID comp. 2003, p. 819 , spéc. p. 828)

[9] Défenseure des enfants. Rapport annuel 2004, Documentation fr

[10] H. Muir Watt, La loi nationale de l'enfant comme métaphore : le nouveau régime législatif de l'adoption internationale : JDI 2001, p. 981 , spéc. p. 1013).

[11] (B. Bourdelois, L'adoption internationale : Travaux comité fr. DIP 2000, spéc. p. 151 et 152 et les nuances apportées dues au fait que l'enfant possède toujours un acte de naissance à l'étranger. – M.-L. Niboyet, dans les débats consécutifs à la communication préc de B Bourdelois, spéc. p. 172 et 173)

[12] Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n° 12-26.161,

[13] Cour de cassation, Chambre civile 1, du 7 novembre 1984, 83-12.897, Publié au bulletin

[14] Corte di Cassazione, sentenza del 4 novembre 2005, n. 21395