Rencontre avec Agnès Noël, chargée des publics à Bétonsalon

ven, 01/21/2011 - 21:24 - Anonyme


Vendredi 19 décembre, onze heures du matin, le site de Bétonsalon s’éclaire. Les télévisions s’allument, les diapositives commencent à s’égrainer à un rythme régulier. Agnès Noël, chargée des publics, nous accueille tout sourire dans ce lieu artistique d'exposition et de recherche situé au coeur de la ZAC Paris Rive gauche. Assises à côté des tentes en fils de laine de l'artiste Mickaël Hopfner, nous commençons l’entretien.

MCEI : Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer votre parcours ?
A. N. : Mon parcours est un peu disparate mais dans l'ensemble tout est orienté dans la même direction. Après un baccalauréat scientifique, j'ai intégré une classe préparatoire publique en arts appliqués : je voulais être décoratrice d'intérieur. Par la suite, cette idée s'est évanouie et je me suis intéressée à la création textile, au motif, au graphisme,… J'ai donc entamé un BTS de design textile. Mais en voyant le peu de débouchés et le manque de créativité, j'ai décidé de passer une année à Montréal pour commencer des études d'Histoire de l'art. De retour en France, j'ai poursuivi ma formation par une licence 3 et un master 1 professionnel Métiers des arts et de la culture, en terminant par un master 2 Sciences et techniques de l’exposition.

MCEI : Durant ce master professionnel, avez-vous fait des stages ?
A. N. : Oui, j’en ai fait plusieurs au service des publics. Par ailleurs, j’étais à Montréal trésorière de l’association des étudiants en Histoire de l’art ; je montais des expositions, je m’occupais de la réalisation d’un journal et de la gestion en général. Dans le cadre de mon cursus, j’ai dû réaliser une exposition finale, mais ce projet était moins personnel. Mon stage à Bétonsalon a débouché sur le poste d'assistante du chargé des publics que j’occupe depuis environ un an et demi. J'ai découvert ce lieu grâce à une exposition organisée par le master Art contemporain et son exposition à Paris IV.


MCEI : Quel est le rôle du pôle public à Bétonsalon ?
A. N. : Notre pôle public a une fonction particulière car Bétonsalon est un lieu en marge. J'étais par exemple stagiaire au Palais de Tokyo, j'ai travaillé sur Monumenta : il s'agit là d'une grande structure qui a une réputation, le public vient de lui-même. D'autres structures sont plus petites, situées en banlieue, elles appellent à la proximité. Bétonsalon constitue donc un espace particulier, il n'entre dans aucune de ces deux catégories. Nous avons un public qui vient spontanément. Les professeurs ne sont pas au courant de notre existence qui les intéresse moins que les musées majeurs. Le service des publics des grandes structures telles que le Centre Pompidou fait tout pour eux, leur présente les expositions adaptées à leur programme. Les professeurs ne voient pas l'utilité de visiter une structure où il n'y a pas cinquante œuvres. Notre pôle public se définit donc différemment. Notre structure a moins d'ambitions pédagogiques. Cela demande un travail énorme pour peu de résultats. Pour contacter les scolaires, nous passons par le dispositifs Tick’art par exemple : il s’agit de chèques que l'élève peut acheter pour six euros afin de faire des visites, avoir des places de cinéma, acheter des livres. En amont on trouve tout un réseau. Il existe aussi de grandes manifestations nationales comme les Enfants du patrimoine, que nous ne gérons pas mais qui font venir des scolaires. Mais notre public est essentiellement composé d'amateurs d'arts et surtout d'étudiants avec lesquels nous travaillons beaucoup.

MCEI : Quels projets avez-vous réalisé avec ces étudiants ?
A. N. : Dans le cadre d'un cours, des étudiants de lettres modernes ont étudié les archives télévisuelles de Marguerite Duras, ce qui a donné lieu à deux semaines d'exposition. De plus, à la fin de cette année, pour les trente ans de la radio libre, je collabore avec une classe d'étudiants en cinéma. Ils font en effet partie d'une université qui est unique en son genre, le champ d'études qui y est proposé est très varié, on y enseigne aussi bien des lettres que de la physique et même de la médecine. Et Bétonsalon soutient l'idée que des disciplines telles que la science peuvent nourrir l'art. Et pour cette raison nous avons fait travailler des physiciens avec des artistes : les physiciens parlent de choses très abstraites, proches de l'art. En partenariat avec un artiste, des étudiants ont ainsi participé à une résidence artistique de six mois dont le but était de trouver un matériau qui peut être traversé sans laisser de traces. Un professeur de neuroscience a aussi mené un projet avec un artiste qui a fait une intervention vocale dans son cours.

MCEI : Et quel est concrètement votre rôle dans la réalisation de ces projets ?
A. N. : En tant que chargée des publics, je dois tout d'abord accueillir les étudiants. Mon objectif est de parler à toutes les personnes qui entrent, ce qui prend beaucoup de temps. La majorité des étudiants n'est en général pas intéressée par l'art, nous travaillons donc beaucoup avec des associations de l'université qui sont déjà organisées et motivées. En principe ma fonction est d'intéresser les étudiants, mais nous sommes une structure composée de trois personnes, chacune fait donc un peu de tout. La directrice s’occupe en particulier du commissariat et des relations avec les politiques pour les subventions notamment. Une autre personne est en charge de la communication et de l’administration et de mon côté je travaille à la coordination des projets et à la production des expositions, ce qui revient à rassembler et faire venir les œuvres, installer et désinstaller les expositions, mais aussi réaliser des demandes de subvention pour certains types de projet. Il y a en outre tout un aspect de gestion du lieu qui prend beaucoup de temps. Nous avons actuellement la chance d’avoir une personne supplémentaire qui s’occupe des publications pour certains projets ; elle vient du Portugal et elle est rémunérée par le Ministère de la Culture de son pays. Elle est très qualifiée car elle travaille depuis plusieurs années dans un musée.

MCEI : Quelle idée vous faites-vous de l'avenir ?
A. N. : En ce qui concerne l'avenir du lieu, il est toujours incertain car il fonctionne avec une convention renouvelable tous les ans pour le moment. Mais aussi bien les projets avec l'Université que les projets de recherche commencent à porter leurs fruits. Et ce lieu se veut avant tout un  lieu de recherche. Je souhaite y rester plusieurs années encore, mais j'ai aussi très envie de faire ma propre expérience en parallèle. Je n'ai par exemple jamais fait de commissariat d’exposition.

MCEI : Quelles sont les conditions à remplir pour obtenir une subvention ?
A. N. : Nous sommes bien-sûr tenus d'avoir un certain taux de fréquentation mais cela se décide au départ. Lorsque le lieu concerné se trouve en banlieue, la fréquentation peut être moins régulière mais ponctuelle, lors d'événements. La politique publique de lieux culturels varie en fonction de l'environnement. Les lieux situés à proximité de ZEP visent ainsi plutôt les habitants du quartier. Notre priorité, ce sont les étudiants, les habitants du quartier mais aussi le monde de l'art. Bétonsalon est en effet mentionné dans le Pariscope et l'Officiel des spectacles, ce qui fait venir les franciliens. En dehors des subventions publiques, dont la plus importante provient de la Ville de Paris, nous bénéficions par exemple d’un soutien de Leroy Merlin, qui est presque un mécène pour nous. Nous avons un compte chez eux qui nous permet d’acheter du matériel sans contrepartie. Nous les aidons simplement lorsqu’ils réalisent une exposition dans leur magasin. Bétonsalon a aussi produit une exposition qui a eu lieu chez eux.

MCEI : Vous évoluez au sein d’une association : comment fonctionne-t-elle ?
A. N. : Nous sommes une association de loi 1901, fondée par trois personnes dont la directrice et le président actuel qui est Cyril Dietrich, un artiste. Tous deux ont un pouvoir décisionnel. Bétonsalon emploie trois personnes. Notre Conseil d'administration se réunit une à deux fois par an et décide du budget suite à une proposition et un bilan de notre part. Le président est responsable financièrement en cas de problème, c'est pourquoi il est élu. Il est préférable d'avoir des personnalités dans le conseil d’administration comme Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou-Metz, et Bernard Blistène, directeur du développement culturel du Centre Pompidou.

MCEI : On parle de vous dans des revues spécialisées... De votre côté, comment vous faites-vous connaître ?
A. N. : Nous avons un journal bilingue français-anglais. La traduction s'est faite très naturellement, l'anglais étant la langue internationale. Des raisons de coût expliquent le regroupement des deux langues dans un seul journal. Nous avons un public de spécialistes internationaux. L'école des Beaux-Arts du Danemark nous a ainsi rendu visite dernièrement. Les visiteurs étrangers viennent également par le réseau Cultures France qui crée un lien entre Bétonsalon et les centres culturels étrangers. La presse spécialisée internationale parle de ce lieu. Et la communauté étrangère à Paris est tout de même assez importante. Nous travaillons aussi beaucoup avec des artistes étrangers comme Stephen Wright ou Tania Bruguera. Cela fait venir un public international. Nous avons beaucoup d'interventions en anglais. Ce journal reste à Bétonsalon, nous pouvons le distribuer mais il n'y a pas de dépôt dans des lieux spécifiques. On y laisse plutôt nos cartons d’invitation ou flyers.

MCEI : Vous faites donc des flyers. Pouvez-vous nous parler de la forme qu'ils prennent ?
A. N. : Il n'y a pas de graphiste ici, nous sommes donc restés sur des choses simples, des formes géométriques. Il n'y a qu'une couleur, ce qui coûte moins cher. Ces flyers servent aussi d'invitation. Mélanie Bouteloup garde une exigence de qualité, le texte n'est pas facile d'accès : il est très dense, prend beaucoup de place sur le flyer.

MCEI : Un petit mot pour conclure ?
A. N. : Travailler ici est un véritable enrichissement personnel. Jamais je n'aurais pensé pouvoir être régisseuse, m'occuper de la technique, rédiger des dossiers de subventions, des projets pédagogiques…. Je suis très heureuse de pouvoir toucher à tout.

 
Un grand merci à Agnès Noël pour nous avoir accordé de son temps et pour nous avoir appris davantage sur les acteurs et la vie d'un lieu culturel.
 
Janine Manguin et Marion Weber-Massenat

 

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