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Mozart en Afrique

Le Théâtre du Châtelet s’est lancé un défi sous le signe du dialogue des cultures pour cette rentrée 2009-2010. Jusqu’au 18 octobre, une version africaine de l’opéra de Mozart La Flûte enchantée était proposée par la compagnie Isango Portobello dirigée par Mark Dornford-May. Créée au Cap en 2006, elle est restée une saison à l’affiche à Londres et a reçu le prix Laurence Olivier.
Le livret initial de Schikaneder a été adapté en anglais par le chef d’orchestre de la troupe, Mandisi Dyantyis, avec des passages en langue xhosa, parlée en Afrique du Sud. La partition, quant à elle, a été réorchestrée pour marimbas et percussions. L’ensemble fonctionne parfaitement, redonne fraîcheur et modernité à la musique de Mozart. Car c’est bien du Mozart que l’on entend. Pas à la lettre, certes : certains passages ont été réduits, des parties chorales en gospel rajoutées et la fameuse flûte se transforme en trompette claironnante ! Dans cette relecture, la leçon d’humanité voulue par le compositeur touche toujours au but.
Ce mélange explosif des cultures commence par la scénographie musicale. Les douze marimbas ne sont pas dans la fosse, mais sur la scène, disposés de part et d’autre d’un plan incliné entouré d’un léger échafaudage et de palissades en bois. L’action se déroule sur cet espace nu en laissant une grande liberté aux protagonistes.


Ailes d'ange et lapins en peluche

Les musiciens, également danseurs, alimentent par leurs chorégraphies et chants a cappella le jeu d’interprètes étonnants qui n’ont rien à envier à des chanteurs classiques. Pamina (Portia Swana) est un soprano au timbre remarquable et Tamino (Sonwaba Ntshata) un ténor tout en finesse et en émotion. Mais le spectateur est surtout charmé et transporté par la gaîté communicative de la troupe. Les touches d’humour voulues par la mise en scène et les costumes sont savoureuses, avec une mention spéciale pour les trois esprits veillant sur Tamino et Pamina : non pas trois jeunes garçons, mais trois chanteuses toutes de rose vêtues avec ailes d’ange et lapins en peluche ! Les oiseaux de Papageno sont incarnés par des danseuses qui se déhanchent sur des rythmes chaloupés, un sticker « bird » scintillant dans le dos. La salle rit de bon cœur et en redemande !

La scénographie toute en simplicité, utilise presque les moyens du bord, ce qui tombe sous la main des chanteurs. Ce spectacle, créé dans un township du Cap, rappelle que la version originale vit le jour dans un petit théâtre populaire des faubourgs de Vienne et qu’elle s’adressait aux plus humbles comme aux initiés. Les lumières sont plus travaillées au second acte. Les couleurs bleues et froides de la nuit, celles chaudes et brillantes du jour, soulignent la lutte entre la Reine de la nuit et Sarastro, tout en mettant en relief les différentes épreuves que doivent passer Tamino et Pamina. Épreuves qui renvoient tout à la fois à l’initiation maçonnique et aux rites de passage très présents dans la culture africaine.
Le seul bémol à noter : à certains moments, les aficionados feront remarquer que les marimbas empiètent un peu sur la finesse musicale de Mozart, mais la performance scénique de la troupe, leur naturel et leur spontanéité rattrapent ces imprécisions haut la main.

Toutes les informations sur la saison 2009-2010 du Théâtre du Châtelet sur: www.chatelet-theatre.com/2009-2010/


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