On se souvient de la chaise vide de Jafar Panahi lors de l'avant dernier festival de Cannes, le réalisateur poursuit toujours ses démêlés avec la justice iranienne. Arrêté en mars 2010, il est accusé de « propagande contre le régime » pour avoir préparé un film sur le mouvement de protestation suite à la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Libéré sous caution en mai 2010, le verdict tombe en décembre : six ans de prison, interdiction de tourner des films pendant les vingt prochaines années, quasi assignation à résidence, interdiction de sortir du territoire et de donner des interviews. Quant à Mojtaba Mirtahmasb, le co-réalisateur de Ceci n'est pas un film (In Film Nist), il a été arrêté le 18 septembre dernier, et emprisonné. Officiellement il est inculpé d'espionnage pour le compte de la chaîne britannique BBC. Les deux réalisateurs attendent maintenant que leur sort soit scellé par la justice.


Ancien assistant d'Abbas Kiarostami, qui a co-scénarisé certains de ses films, Jafar Panahi compte parmi les plus influents réalisateurs de la nouvelle vague iranienne. Pour Le ballon blanc, en 1995, il avait obtenu le Prix de la Caméra d'Or au Festival de Cannes, avant de se voir décerner le Lion d’Or à la Mostra de Venise pour Le Cercle, en 2000, et en 2006, pour Hors Jeu, l'Ours d'Argent au Festival du film de Berlin. Clin d’œil insolent à Magritte, le titre de ce nouveau « film » prend au pied de la lettre l'interdiction de réaliser un long-métrage que subit Jafar Panahi. Il n'a peut être plus le droit de réaliser, mais rien ne l'interdit d'être acteur, de mimer et raconter le film qu'on l’empêche de tourner. La légende raconte que le film serait sorti d'Iran sur une clef USB cachée dans un gâteau. Avec son téléphone portable, Jafar Panahi nous montre l'actrice qu'il avait retenu, les lieux de tournage qu'il avait choisis... Un tapis, du ruban adhésif et un coussin : le décor du film est planté. Le cadre se dessine. L'histoire d'une jeune fille cloîtrée dans un appartement par ses parents apparaît. Cependant, comme il le dit lui-même « un film n'est jamais ce qu'on raconte mais ce qu'on réalise ». Finalement, le véritable sujet de ce non-film devient la situation du réalisateur, sa réclusion se faisant l'écho ironique du scénario original. Le film, tourné à l'aide d'une petite caméra numérique, devient l'autoportrait de Jafar Panahi, la chronique d'une journée de sa vie. Petit-déjeuner, conversation téléphonique avec son avocate... Son ami documentariste Majbata Mirtahmasb, dont on aperçoit brièvement le visage à la fin, le filme dans ses gestes quotidiens. Jafar Panahi raconte le scénario, mais le met également en perspective avec des extraits de ses précédents films. Il oscille entre légèreté, désœuvrement, angoisse et tristesse, mais le simple fait de filmer marque le refus de la résignation :
« Ce qui compte, c'est que les caméra restent allumées ». Le réalisateur est peut-être enfermé, mais ouvert sur le monde. L'extérieur fait irruption de toute part, une voisine qui essaye à tout prix de lui faire garder son chien, les écrans de télévision évoquant la catastrophe de Fukushima en direct à la télévision, et l’impressionnante Fête du feu, plus bas, dans la rue... Le tout forme un véritable cri de survie, un sursaut de créativité devant la répression. La tentative pourrait sembler vaine ou ridicule, mais elle s'avère pourtant essentielle...
 
 

Ceci n'est pas un film de Mojtaba Mirtahmasb et Jafar Tanahi.
Sortie le 28 septembre 2011. Durée : 1h15.
 
S.E.

 

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