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Entretien avec Anne Marret, attachée de presse du Théâtre du Châtelet
Suite à la représentation de La Flûte enchantée africaine, nous nous sommes entretenus, jeudi 29 octobre, avec Anne Marret, l'attachée de presse du Théâtre du Châtelet.
MCEI : Quel a été votre parcours avant d'occuper le poste d'attachée de presse du Théâtre du Châtelet ? Avez-vous effectué des stages ?
Anne Marret : Je n'ai pas fait de stage ni d'école de communication. J'ai fait une classe préparatoire puis des études de philosophie et de chinois et je suis arrivée au Théâtre du Châtelet complètement par hasard. J'ai commencé par occuper des postes d'assistante et de remplaçante puis, de fil en aiguille, par le biais de rencontres, je me suis retrouvée ici. Au début, je ne me destinais pas à ce métier, ce n'était ni mon domaine d'études, ni mon univers de prédilection et j'avais même une image biaisée des attachés de presse, que j'associais au métier de RP, toujours entre deux cocktails !
MCEI : Alors justement, quelle est la différence entre un attaché de presse et un "RP" (relations publiques) ?
A. M. : On croit toujours que les attachés de presse ont fait des études de communication, qu'ils sont dans le superficiel, or c'est bien là la différence avec les relations publiques. Aucun des attachés de presse des grandes maisons comme l'Opéra, le Théâtre de la Ville, le Châtelet ou encore le Théâtre des Champs-élysées, n'est passé par une école. Ce sont tous des gens qui ont fait leurs armes sur le terrain et qui ont surtout réussi grâce à leurs rencontres. Il faut donc bien distinguer le marketing de l'information, c'est une autre forme de communication. Or malheureusement, ce métier tend de plus en plus à devenir complémentaire, voire entièrement marketing.
MCEI : Quelle est votre journée-type ?
A. M. : Tout l'intérêt de ce métier est là : il n'y a pas de journée-type. Nous travaillons avec cinq mois d'avance sur une première pour la communication, la rédaction et les relances des articles. Disons qu'une journée-type hors production consiste à se documenter sur une oeuvre, rédiger le dossier de presse, diriger l'équipe de rédaction. Pour chaque production, nous devons constituer des fichiers de base et des fichiers documentaires. Nous sommes donc presque constamment en production. Ensuite, nous devons mettre en place la stratégie de communication de presse : il faut se tenir au courant de l'évolution des médias et surtout savoir aborder Internet, outil extrêmement complexe. Tel est l'essentiel de notre travail : la collaboration avec les médias traditionnels.
A. M. : Nous avons la chance, grâce à la programmation variée du Châtelet, de pouvoir travailler sur des supports très différents : la presse écrite, la presse audio, la presse visuelle, Internet mais aussi la presse généraliste et spécialisée. Nous sommes donc en contact avec tous les types de supports et c'est, je trouve, un immense privilège, car on constate malheureusement que la place des médias dans la culture diminue et par conséquent, il y a de moins en moins de spectacles qui sont traités. A défaut d'être dans une structure où les spectacles sont suffisamment en vue ou bénéficient d'un marketing très fort, la presse s'y intéresse peu. Cette situation est problématique à plus d'un titre quand on sait que beaucoup de compagnies n'obtiennent pas de subventions, uniquement parce que la presse n'accorde pas assez d'intérêt à leurs spectacles.
"Décloisonner les arts"
A. M. : Nous travaillons avec la presse nationale, très peu avec la presse régionale. Nous avons beaucoup de chance, en étant à Paris, d'avoir accès à toute la presse nationale, ce qui nous permet une diffusion optimale de nos spectacles.
Pour l'international, nous travaillons essentiellement avec les pays anglo-saxons comme les Etats-Unis, l'Angleterre ; et l'Europe du Sud : Italie, Espagne. Il y a aussi les médias russes avec lesquels nous travaillons pour deux raisons très simples. Tout d'abord, le Théâtre du Châtelet est la salle qui a accueilli la première saison russe en 1909. Ensuite, les gens de l'Europe de l'Est sont très amateurs de musique classique, il y a un grand nombre d'opéras et de concerts à Vienne, Prague ou Saint-Pétersbourg, c'est ce qui nous conduit à communiquer avec ces pays-là. Et puis, plus ponctuellement, selon la programmation du Châtelet, nous pouvons être en contact avec des pays comme l'Afrique du Sud, c'était le cas avec The Magic Flute, montée par une troupe sud-africaine.
A. M. : Un spectacle comme The Magic Flute nécessite que l'on crée un fichier sur des émissions qui traitent de l'information par les médias traditionnels, les médias africains en France et les médias africains à l'étranger. Il faut savoir qu'un fichier de presse a une durée de vie de six mois : s'il n'est pas réactualisé au bout de ces six mois, il n'a plus de valeur. Il y a un travail en amont très important à faire. Pour La Flûte enchantée africaine, nous avons visé un public attiré par l'Afrique, les Français d'origine africaine en particulier. Ce sont des personnes qui ont plus d'affinités avec ce continent par rapport aux aficionados d'opéra traditionnel, friands des versions classiques. J'ai donc cherché à savoir ce qui était porteur, intéressant, original. C'était tout d'abord la constitution de la troupe, sa naissance, l'accueil qu'elle a reçu à l'étranger, notamment en Angleterre, l'histoire du producteur, militant contre l'apartheid en Afrique du Sud. Tous ces éléments rendent la pièce singulière. Il faut ajouter que ce ne sont pas des chanteurs professionnels, ils n'ont pas pris de cours de musique, n'ont pas cette tradition-là, ce sont davantage des chanteurs de blues et pourtant ils s'attaquent à un très gros morceau du répertoire lyrique. Une fois cette analyse faite, on doit informer les journalistes spécialisés de musique classique de l'existence de cette troupe et leur demander de venir réentendre La Flûte Enchantée. Puis, il faut travailler avec la presse africaine et l'informer de l'existence de cette version sud-africaine de Mozart.
A. M. : Le point fort de cet opéra, c'est la réorchestration, sur des marimbas. C'est cet angle-là qui était intéressant et j'ai vraiment eu l'impression en écoutant cette version, d'entendre quelque chose de complètement différent de l'originale alors que je la connais par cœur ! La liberté d'interprétation est époustouflante.
A. M. : Oui, entièrement ! Et je trouve que c'est essentiel pour une maison "noble" comme la nôtre d'avoir cette ouverture culturelle. Il ne faut pas tomber dans l'européocentrisme car c'est une position très dangereuse. Il y a trois ans, nous avons eu le bonheur de travailler avec l'Opéra du Sahel, en coopération avec le Ministère de la Culture du Mali et cette année, nous sommes davantage dans un axe Broadway-Afrique du Sud, notamment avec la programmation de The Sound of Music très prochainement. C'est, comme vous le dites, le parti pris de Jean-Luc Choplin qui a une réelle envie de décloisonner les arts et d'offrir une grande variété de programme pour toucher un public plus large.
A. M. : Je travaille sur The Sound of Music, c'est un spectacle qui va avoir lieu du 6 décembre 2009 au 3 janvier 2010. Nous célébrons cette année le 50e anniversaire de ce musical crée en 1949 à Broadway. Ce sera aussi la première fois que cet opéra se jouera à Paris !
"Dans les grandes maisons, les places sont chères"
A. M. : Dans ce métier, il y a toute une part de connaissance technique et aussi une très grande part d'instinct. Il faut se connaître soi-même suffisamment et avoir envie d'observer pour savoir réagir à l'information. C'est aussi un métier de timide où il faut savoir écouter, ne pas trop parler, et faire preuve de beaucoup de rigueur. Le but est de transmettre l'information et non pas de la faire, nous en sommes les vecteurs. Mon métier consiste à donner des informations objectives sur un spectacle et je ne peux pas mentir pour vendre mon papier en disant "allez voir ce spectacle, il est génial!". C'est un métier basé sur la relation et la confiance.
A. M. : Je leur dirais que c'est très risqué de le faire maintenant compte tenu de la situation de la presse et de la culture en France qui est extrêmement difficile. J'essayerais donc de les décourager car c'est un métier en crise en ce moment, du moins pour le spectacle vivant. En ce qui concerne l'industrie, c'est autre chose et il y a plus de perspectives évidemment. Maintenant, pour ceux qui veulent vraiment faire ce métier, tout ce que je peux leur dire c'est de s'accrocher. Dans les grandes maisons, les places sont chères et il faut être très motivé pour y arriver.