Les films d’espionnage sont aujourd’hui souvent de grosses productions regorgeant d’effets spéciaux et de moments d’action. Exception à la règle : La Taupe, du Suédois Tomas Alfredson, adapté de la trilogie de John Le Carré.

Dans les années 1970, le chef des services secrets britanniques, Control (John Hurt), soupçonne l’existence d’une taupe de l’Union soviétique au sein même de son conseil. Après une opération désastreuse, il est évincé avec son second, Georges Smiley (Gary Oldman), alors que les autres membres du conseil sont promus. Mais après sa mort, c’est à Smiley que le ministre confie le soin de débusquer le traître.

Les seventies comme vous ne les avez jamais vues ! Pas de hippies, de fleurs, ou de discours sur l’amour contre la guerre. Dans des plans en demi-teintes, Tomas Alfredson filme des hommes qui tiennent l’équilibre de la Guerre froide entre leurs mains. Au détriment d’une quelconque vie privée.

Les comédiens sont tout en retenue : Gary Oldman en tête, bien sûr, mais également Colin Firth, Mark Strong et Benedict Cumberbatch. Ils incarnent des hommes recrutés pour leurs capacités exceptionnelles (dans une des meilleures universités du monde, Oxford), mais aussi pour leur résistance à l’émotion. Ils sont dévoués à une cause. Bill Haydon (Colin Firth) explique que son aventure avec la femme de Smiley n’avait « rien de personnel », c’était une stratégie. Néanmoins, il y a des failles : Jim Prideaux (Mark Strong), Peter Guillam (Benedict Cumberbatch), Ricki Tarr (Tom Hardy), et même Smiley lui-même. C’est l’histoire d’une fraternité brisée, fréquemment évoquée lors des analepses sur les soirées du MI6 (une scène particulièrement jubilatoire montre les agents britanniques chanter en chœur l’hymne soviétique au cours d’une fête).

De manière extrêmement intelligente, Tomas Alfredson mêle l’histoire de Le Carré à l’affaire des Cinq de Cambridge, ces agents britanniques pour la plupart homosexuels qui trahirent parce qu’ils croyaient sincèrement que l’U.R.S.S. était un monde meilleur, notamment pour les homosexuels. Le choix de Colin Firth, qui jouait dans Another Country (film qui traite de l’adolescence martyrisée de ces agents à Cambridge), est significatif à cet égard.

Des comédiens exceptionnels : Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Mark Strong, David Dencik, Kathy Burke, Ciarán Hinds, John Hurt, Benedict Cumberbatch, Toby Jones, Stephen Graham. Une mise en scène sobre et sans nostalgie (cf. l’entretien avec Gary Oldman dans Première, et la comparaison qu’il fait avec la série télévisée adaptée du même roman). Une adaptation réussie (rare). Une intrigue solidement construite et bien menée. Résultat ? Une nomination aux Oscars pour Gary Oldman (la première ; il est cité par The Guardian comme l’un des meilleurs acteurs au monde à n’en avoir jamais reçu). Qui a dit : "le film qui décrédibilise le jury des Oscars" ?

Mathilde LOUARN

La Taupe, de Tomas Alfredson. Avec Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Mark Strong, David Dencik, Kathy Burke, Ciarán Hinds, John Hurt, Benedict Cumberbatch, Toby Jones, Stephen Graham. Sortie le 8 février 2012.

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