Punk & Beer
jeu, 10/25/2012 - 18:11 | Ajouter un commentaire
Aller à un concert organisé par une marque de bière, ce n’est pas très hype, certes, mais qu’importe si c'est pour y voir une légende vivante du rock. Le 25 septembre dernier, Iggy Pop et son groupe The Stooges étaient sur la scène du Casino de Paris pour un show signé Pression Live (Kronenbourg). Les fans pouvaient s'inquiéter. D'abord parce que le " Parrain du punk ", soixante-cinq ans, a sorti un album de variété française au début de l'année, ce qui en a déçu plus d'un. Ensuite parce qu'un concert organisé par Kronenbourg dans le cadre d'une campagne de marque, ça sent l'artiste démotivé. Pourtant, on a assisté à un véritable événement rock.
Iggy and The Stooges : né en 1967, précurseur de la musique punk-rock, le groupe développe un genre nouveau, fondé sur des riffs simples, des guitares saturées, et un chant qui, loin d’être mélodieux, exprime de manière viscérale la liberté et la révolte. Il connaît les succès et les déboires du Star System, les déchirements, les drogues, les excès en tous genres, se sépare en 1974 avant de se reformer trente ans plus tard. Aujourd’hui, des Stooges de la première heure, il ne reste qu'Iggy. Et malgré quelques dérapages expérimentaux, il a su garder l'esprit de la formation originelle.
Les titres qui ont fait la notoriété du groupe étaient presque tous au rendez-vous. Dans une salle en délire, il entre en scène, ou plutôt surgit sur scène, torse nu et bombé, bondissant comme un aliéné, et entame un " Raw power " survolté. Les grands titres de la bande s’enchaînent ensuite, de " Lust for life " à " I feel alright ". La température s’élève lorsque les premiers accords de " I wanna be your dog " se font entendre ; le public surexcité devient complètement hystérique avec " The Passenger ", qui clôt le concert. Toute la rock attitude qu’on lui connaît était là. Sa pose célèbre (le bassin en avant et sur le côté), son énergie débridée, sa voix puissante, grave, aiguë, éraillée, son jeu démesuré. Son âge n'est pas une barrière. Il court, gigote dans tous les sens, saute dans la fosse et se fait porter par la foule (c'est à lui qu'on doit l'invention du slam), fait monter ses fans sur scène, jette son micro à terre, le reprend, le rejette, profère d’incompréhensibles logorrhées entre les chansons, sourit à l'assemblée tout en jurant comme un charretier : tous les ingrédients qui ont façonné le mythe d'Iggy Pop étaient rassemblés.
Au-delà du show, le leader des Stooges est l'une des figures fondatrices de l'esthétique punk, ce mouvement culturel contestataire défini en opposition à toute forme d'autoritarisme, qui dépassa la sphère musicale pour devenir un phénomène social. Manifestations de cette idéologie : désordre, violence des mots, refus des codes, transgression des règles et des conventions. Elle s'exprime par une musique brute, destinée à éveiller les instincts primaires, les pulsions vitales, et à affirmer un idéal libertaire.
Et pour rassurer les sceptiques qui ont cru un instant que le pape du punk s'était définitivement rangé du côté de l'ordre établi, en pactisant avec la célèbre marque de bière, la star sponsorisée conclut son concert par un grand bras d'honneur : il ouvre une cannette de Kro, en boit une demi gorgée, en renverse la moitié sur sa tête et finit de la vider sur le public avant de s'enfuir de la scène. Punk par-delà le paradoxe.
E.d.L.