Django Magie, Django Folie, Django à l'infini
jeu, 11/08/2012 - 18:02 | Ajouter un commentaire
Cela fera bientôt soixante ans que le « doux fauve » aux griffes d’or s’en est allé. La Cité de la musique ne l’a pas oublié. La liste des flamboyants et glorieux solistes auxquels elle rend hommage depuis une dizaine d’années ne fait que s’allonger. Après Jimi Hendrix, John Lennon, Georges Brassens ou encore tout récemment Bob Dylan, c’est au tour du père du jazz manouche, Django Reinhardt, de prendre le relais et de nous faire vibrer au son de sa guitare. Coup de projecteur sur l’étoile filante du swing !
Au programme ? Un voyage musical à la découverte (ou redécouverte pour les plus Django-groupies) de l’itinéraire splendide du virtuose. De «L’enfance tzigane (1910-1924) » aux longues « Nuit de Saint-Germain-des-Prés (1951-1953) », l’exposition retrace les grandes lignes d’un fascinant parcours. Le nôtre démarre avec l’enfance dans la « zone » (terrain situé près des anciennes ‘’fortifs’’ où s’entassait le petit peuple de Paris), au cours de laquelle le jeu du jeune musicien se nourrit du répertoire tzigane dont père et oncles sont spécialistes. Il se poursuit sur les débuts prometteurs d’un Django, alors banjoïste, accompagnant Jean Vaissade et autres accordéonistes réputés dans les bals musettes et guinguettes de l’Est parisien ; l’incendie de la roulotte de 1928, lors duquel il perd l’usage de deux doigts de la main gauche ; sa renaissance et enfin, un tournant important : son initiation au jazz grâce à Emile Savitry. Le style Django est né, mêlant improvisations libres aux influences passées. De la java au swing, notre visite commence à trouver son tempo.
Place aux années fastes des orchestres retentissants : de « La Boîte à matelots » du Palm Beach de Cannes au prestigieux Quintette du Hot Club de France (association animée par des férus de jazz) aux côtés du violoniste Stéphane Grapelli, Django et sa bande parcourent les longs sentiers de la gloire. Minor Swing, Limehouse Blues, Shine, Tears…les succès se ramassent à la pelle. Suivent les années d’Occupation et d’engouement pour le swing ; la belle tournée aux Etats-Unis en compagnie de Duke Ellington après la libération ; un passage à vide au cours duquel Django préfère se consacrer à la peinture, qu'il pratique tout de même selon ses dires « en Fa dièse mineur, parce que c’est plus mystérieux » ; sans oublier le dernier grand retour à la guitare, cette-fois électrique, amplifiée et déchaînée au rythme d’un be-bop en vogue. Mais de cadences swing en dissonances bop, le fauve s’épuise. Il disparaît subitement, un beau jour de mai de 1953. Grâce au magnifique hommage qui vient conclure notre promenade - un film de Paul Paviot, Gentleman Manouche (1957), dont le commentaire délicat de Chris Marker vient épouser l’élégance d’un somptueux noir et blanc - nous le quittons tout en poésie : « Django se dépensait pour tous avec la générosité gitane, il jetait son or par la fenêtre et cet or n’était autre que lui. » (Jean Cocteau)
La scénographie conviviale imaginée par l’architecte Patrick Bouchain - adepte d’une architecture dite « nomade » - se conjugue parfaitement à l’univers du musicien. C’est avec une grande liberté que l’on se déplace autour d’imposantes tables creuses en bois brute, véritables cavernes d’Ali Baba où s’amassent pêle-mêle revues de jazz, programmes de concerts, vinyles, clichés, lettres. On aime surtout les cabines d’écoute intimistes aux sons desquels le visiteur peut se délecter de quelques accords fameux. Comme toujours, le parcours se veut sonore. Écoute en fond ou écoute au casque, la musique accompagne sans cesse nos pas. Les instruments empruntés à la collection du musée auxquels viennent s’ajouter des effets personnels de l’artiste - quelques guitares et un banjo - l’évoquent également. Photographies, affiches et peintures originales témoignent enfin du bain culturel de cette époque. Le périple se termine baigné de nostalgie. On aimerait pouvoir dire encore une fois, Musique Maestro !
Elsa R.
Django Reinhardt, swing de Paris | Du 6 octobre 2012 au 23 janvier 2013 | 221, avenue Jean Jaurès, 75019, Pairs | (4-9€) | Mini-concerts gratuits dans l'enceinte du musée, tous les vendredi et samedi soirs, 19h-20h.