Le cinéma a-t-il encore une âme ?
mer, 11/21/2012 - 18:00 | Ajouter un commentaire
Au vu du bilan 2011 publié par le CNC (Centre National de la Cinématographie) sur l’activité cinématographique en France et dans le monde, il semblerait que le septième art ne soit pas touché par la crise. L’année dernière est même marquée par ce nouveau record de plus de deux cents quinze millions d’entrées en salles dans l’Hexagone. Entrées en millions, recettes en milliards, fréquentations en courbes, des chiffres à n’ y rien comprendre. On penserait même tomber sur un document de la bourse.
Le cinéma art et industrie comme l’a défini Malraux n’est plus, ou est en voie de ne plus exister. L’art se servant de l’industrie, et l’industrie se nourrissant de l’art, sont en proie aux nouvelles lois qui en font une simple transaction financière, et passe par tout un processus. Le film est tout d’abord commandé par un producteur intéressé par sa partie commercialisable, et qu’il ne verra sans doute pas. Le produit est ensuite acheté, avant même sa réalisation, par des distributeurs qui s’empressent de le revendre, plus cher, à des opérateurs. Ces derniers décident que le titre, le nom du réalisateur ou des acteurs, peuvent attirer un public nombreux. Puis intervient une campagne promotionnelle menée par des spécialistes de marketing, qui asservissent l’inconscient d’un public devenu consommateur et pavlovien. Il s’agit là bien d’un commerce. Il faut fabriquer une matière qui plaise et qui réponde à une demande commune, celle du grand public. Et non produire un film personnel, audacieux, qui se distingue des autres, et qui a une portée significative, au risque de déplaire.
Qu’est qu’un film qui plaît ? C’est un film qui fait des millions d’entrées car le cinéma d’aujourd’hui est celui qui rapporte. Des millions d’entrées en salles enregistrées en 2011, seule une dizaine de films, dont Intouchables, Rien à Déclarer ou The Artist ont engrangé la majorité des recettes. Ainsi sur les deux cents soixante-douze films produits ou coproduits cette année là, seulement quelques-uns sont considérés comme de bons films, simplement en se basant sur le nombre d’entrées.
Une question fondamentale subsiste. La seule valeur du nombre d’entrées en salles est-elle suffisante pour juger de la qualité d’un film ? Le rôle des journalistes et critiques de cinéma est lui aussi, sujet à polémique. Supposés entreprendre un examen objectif et minutieux d’une œuvre, ces spécialistes n’osent plus mener bataille contre les médiocres grosses productions que le public ovationne.
Finalement, l’état actuel du cinéma peut s’apparenter à la citation de Vauvenargues : « L’art de plaire est l’art de tromper ».
O.D