Il était un spectateur qui marchait jusqu'au guichet. Il y dépensait quelques euros parce qu'il voulait voir du cinéma. Mais après avoir assisté à Rengaine, il devait réfléchir à ce qu'est le cinéma et à comment il aime son septième art. Car, messieurs les gourmets, si Rachid Djaïdani cuisine ici du brouillé savoureux et parfaitement assaisonné, pour les accros aux œufs au plat, en revanche, tout peut sembler un poil indigeste.

La caméra à la main, à l'épaule ou sous le coude -on ne saurait dire-, Rachid Djaïdani transporte le public dans un conte moderne où la fluidité esthétique n'est que rare et souvent malvenue. Dans l’imprécision de ses plans et son lot de mouvements abrupts, il parvient à lui présenter Sabrina et Dorcy, deux jeunes amoureux fraîchement fiancés. Le conte se met alors en route mais laisse son spectateur nauséeux sur le trottoir. Puis, comme dans tout conte, vient l'obstacle accrocheur. Slimane, le quarantième grand frère de Sabrina apprend les fiançailles de cette dernière et décide de remuer ciel et terre pour les faire annuler. Selon lui, au nom de l'honneur familial, une Franco-maghrébine musulmane ne peut pas épouser un Français noir et chrétien. Clichés paroxystiques et dialogues attendus tissent alors la toile centrale du contre conte féérique. Si bien que, à mesure du parcours de Slimane, le récit amoureux s’essouffle et dessine un tout autre graal.

Ironie et situations aussi accablantes qu'hilarantes transforment ainsi ce conte moderne en un pot-pourri de valeurs archaïques finement dénoncées. Une foultitude de rencontres et de débats « entre potes Â» animent sans fausse note une saisissante approche de la mixité et du tant désiré melting pot français. Même les maladresses de cadrage et de mise au point semblent faire corps avec l'âme du film. Après tout, qu'importent la quantité de jolis plans et la dextérité du réalisateur quand un nÅ“ud de la société est si adroitement analysé. Et pour cause, neuf années ont été nécessaires à Rachid Djaïdani pour faire ce film. Neuf années invisibles dans le long-métrage final mais probablement adjuvantes dans la justesse de son propos. Exit les clichés et les méchants qui restent méchants ou qui deviennent gentils par enchantement. Place à une réalité dont l'absurdité est habilement soulignée par les accessoires du genre merveilleux. Et, ô douce utopie, gloire à l'espoir réamorcé d'une mixité brouillée, généreuse et apaisée.

 
Rengaine, un film de Rachid Djaïdani, en salle depuis le 14 novembre 2012.
 
Christelle F. 

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