Suite logique d’Alkohol - Sljivovica (2009) enregistré avec son Orchestre des Mariages et des Enterrements, Champagne for gypsies résonne comme un hommage des plus festifs à la culture tzigane qui a toujours bercé Goran Bregovic. Une culture qui a profondément marqué de son empreinte la musique mondiale et pourtant victime, aujourd’hui comme hier, d’un rejet à peine dissimulé. À l’heure où les gens du voyage subissent pressions et expulsions à travers l’Europe, Goran Bregovic proteste en fanfare : « Les Gitans ne sont pas un problème, ils sont un des talents de ce monde ! »

Compositeur classique, musicien traditionnel mais aussi rock star, le serbo-croate Goran Bregovic ne se laisse pas facilement enfermer dans une case. Sinon celle de l’ambassadeur des musiques balkaniques qu’il contribue depuis près de trente ans à diffuser en Occident et dans le monde entier, notamment à travers sa collaboration avec Emir Kusturica pour qui il compose les musiques du sublime Temps des Gitans (1989), d’Arizona Dream (1993) ou encore de Chat noir, chat blanc (1998).

 « Être musicien, c’est être gitan » clame Goran Bregovic. Né à Sarajevo en ex-Yougoslavie de parents serbo-croates, Bregovic sait que sa patrie n’est ni géographique ni politique, « c’est toujours un territoire émotionnel ». Un territoire qu’il retrouve, en voyage permanent, dans une musique faisant fi des frontières et des différences, nourrie des diverses cultures rencontrées. En effet, Bregovic transcende les styles, les traditions et les époques, mêle chants traditionnels et samples électro, voix bulgares et rythmes reggae, tango, rock, musique classique, chœurs religieux et fanfare gitane à la puissance joyeuse et fédératrice pour un mélange détonnant. Champagne for gypsies ne déroge pas ou peu à ce métissage. Ces douze morceaux nous entrainent dans un voyage jubilatoire où les cuivres intempestifs de l’Orchestre pour Mariages et Enterrements célèbrent sur des rythmes balkaniques enivrés ceux qui, malgré un contexte déplorable à leur égard, gardent un optimisme et une joie de vivre légendaire, communicative à qui veut bien la partager. Pour lever son verre à la santé du peuple musicien, Bregovic ne saurait commettre l’absurdité d’un album solo. Bien entendu, c’est accompagné qu’il porte un toast : des Gypsy King sur Presidente, de l’énergique et fantasque moustachu Eugène Hutz de Gogol Bordello, chef de file du gypsie punk, avec qui il livre un Be that man groovy et puissant à la fois, du roumain Florin Salam sur un Hopa Cupa effréné, de l’irlandaise Selina O’Leary sur Champagne for gypsies, ou encore de Stephan Eicher.

 Un hommage festif qui n’oublie pas son devoir de dénonciation. En soutien à ce peuple et cette culture opprimés, Goran Bregovic dédie sa version fanfaresque et vibrante du chant de résistance Bella Ciao… à faire se soulever les plus « légumes sur canapé » d’entre nous !

 Il serait trop facile de conclure par un écœurant « à consommer sans modération », pourtant, Bregovic et ses compères ont l’alcool heureux et il faut reconnaitre que l’abus de cet album, bien qu’inégal, est bénéfique pour le moral comme pour la mémoire.

 

Marion D.

 Champagne for Gypsies, Universal Music/Mercury Records, 45 minutes, sorti le 24 septembre 2012 ; en tournée dans le monde entier ; au Zénith de Paris le 24 janvier 2013

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