De la visibilité des Invisibles

En cette période où le droit à l’égalité pour tous est en plein cœur du débat, la sortie en salle des Invisibles de Sébastien Lifshitz ne pouvait passer inaperçue. Alors que le film devait être diffusé dans une quarantaine de salles seulement, au moment où une vingtaine de long-métrages prenaient en même temps l’affiche en France, son succès inattendu a déjà attiré plus de vingt-cinq mille spectateurs. Bel exploit pour ce petit documentaire sans prétention à présent réclamé dans le monde entier et sélectionné hors compétition au Festival de Cannes.  

C’est avec délicatesse et sensibilité que la caméra de Sébastien Lifshitz se faufile dans la vie de ses protagonistes et nous offre leurs souvenirs à partager. Au gré des scènes quotidiennes et des confidences émouvantes, ces femmes et ces hommes, homosexuels durant l’entre-deux guerres, nous invitent à découvrir leur histoire et surtout à en tirer une leçon de vie. A une époque où l’avortement était considéré comme un crime et l’homosexualité comme une maladie répréhensible, elles et ils choisissent de se battre pour leur liberté et d’aller contre une société ou une famille qui les ignorent. De la honte éprouvée dans les vestiaires des hommes au souvenir passionné d’une première rencontre, le film ne prétend pas à la reconstitution historique d’une période mais à l'évocation d'une aventure humaine méconnue. « La marginalité nous rendait libres » explique Monique en relatant rencontres et combats menés aux côtés d’autres femmes féministes. Ce qui touche le public, c’est la simplicité et la sensibilité avec laquelle chacun retrace son parcours. Entre éclats de rire et silences respectueux, on est au cinéma, mais le partage est authentique, et comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on assiste au dévoilement tellement intime d’une expérience sexuelle ou amoureuse ?

A l’heure où en France de nouvelles générations battent le pavé pour faire valoir leurs droits et combattre une homophobie qui persiste, ce documentaire poignant brise les stéréotypes et nous rappelle que l’homosexualité reste un tabou, et surtout lorsqu’elle touche des personnes âgées. Toujours à l’affiche dans de nombreux cinémas, ne manquez pas Les Invisibles car ils ne manqueront pas de vous charmer.