Les Orientales, cap sur les musiques et traditions d’Orient
mar, 09/10/2013 - 10:57 | Ajouter un commentaire
Chaque année depuis 1999, les bords de Loire se parent des plus beaux apparats d’Orient pour cinq jours de découvertes et d’échanges interculturels. Une centaine d’artistes venus de Méditerranée, d’Inde, d’Asie et d’Afrique investissent la petite commune de Saint-Florent-le-Vieil : bienvenue aux Orientales. Retour sur un festival atypique, dépaysant à plus d’un titre.
« Redonner une âme et un sens à des traditions qui font constamment face à l’hégémonie urbaine, à la folklorisation, […] montrer que l’acte musical est l’expression de l’homme depuis le temps de la préhistoire. » Ces mots d’Hervé de Charrette, président du festival, disent au mieux l’essence de cette manifestation unique. Découvrir un patrimoine culturel en s’immergeant dans une atmosphère envoûtante où poètes, conteurs, musiciens, danseurs et acrobates nous plongent dans les raffinements des traditions orientales, de la bestialité à la spiritualité des rites.
Du 26 au 30 juin 2013, cette quinzième édition célèbre le monde pastoral. Liesse des fêtes de l’Épire, enfants musiciens du désert du Thar, chants de complaintes des montagnards albanais, monstrueux masques des bergers sardes, poètes cavaliers de Mongolie, femmes amazones des steppes… Cette année, le voyage nous mène sur les routes de ces peuples nomades de bergers.
Au cœur de la cité de Saint-Florent-le-Vieil, plus précisément aux abords de son abbaye bénédictine, une cinquantaine de spectacles, concerts, conférences, rencontres et films nous invitent à ce voyage initiatique. Pour compléter l’immersion, deux expositions : Chants de Rossignols ouvre notre regard sur l’Afghanistan grâce aux photographies de Jean-Charles Blanc et Musiques et rituels du Monde conçue par le Centre du Patrimoine de la Facture Instrumentale et le Centre de documentation de la Maison des Cultures du Monde à Vitré. Cette exposition d’instruments et d’objets sacrés issus des cinq continents nous livre les clés pour apprécier les coutumes, croyances et mythes qui rythment les danses masquées, sacrifices et autres rituels. On y découvre notamment la curieuse flûte à nez ou encore le vali, cithare tubulaire malgache entièrement faite de bambou dont les cordes sont réalisées par décollement des fibres de l’écorce. Une corde cassée et l’instrument est inutilisable.
C’est sous le chapiteau de la grande scène, le Café Oriental, que l’on retrouve le vali, entre les mains d’un musicien du Ny Malagasy Orkestra. Dix artistes sur scène pour un concert enflammé de musique et chants de l’île rouge. L’éclectisme est de mise : à une queue leu-leu exaltée initiée par les musiciens succède une polyphonie traditionnelle ; le déchaînement des spectateurs laisse place en quelques minutes seulement à une écoute recueillie et captivée. Un mélange des genres à l’image de la programmation. Jovialité festive et mysticisme s’enchaînent sous le chapiteau : chants épiques et lyriques de la tradition albanaise, prodige des nouveaux petits princes du Rajasthan, Chota divana ou encore la poésie héroïque des poétesses de l’Asie centrale Bardic Divas célèbrent tour à tour un Orient de fête, de musique et de méditation.
La magie se poursuit sous le bivouac berbère, point de chute des musiciens après leur concert au Café Oriental. Tout en savourant un thé à la menthe ou un enivrant café berbère aux épices, on se laisse surprendre et émouvoir par la grâce d’Emilia, jeune et envoutante chanteuse de Montargis qui nous coupe le souffle en nous délivrant le sien, si pur et délicat. Ici aussi l’ambiance varie au gré des rencontres et des « bœufs ».
La magie se mêle parfois à l’effroi, comme lors du cathartique rite sacrificiel du village de Sorgono, en Sardaigne, présenté sur les rives de la Loire à la lueur de la lune. Rituel ancestral encore pratiqué par la communauté pastorale sarde, cette mascarade dionysiaque et chamanique initie le passage à la nouvelle année. Une expérience inédite et déroutante à tous les sens du terme.
Malgré ces vingt mille festivaliers, Les Orientales conservent une taille humaine et il n’est pas rare de croiser le directeur artistique, Alain Weber, babouches aux pieds et drapé d’une tunique indienne, déambulé aux alentours du café orientale où ne sont servis ni sodas ni hamburger mais karkadé (infusion rafraichissante à base d’hibiscus), thé à la menthe, bière locale et pour se restaurer : mets népalais.
Authenticité et simplicité composent ce tableau parfois accusé d’élitisme… Peut-être à raison. Cependant, si c’est le prix à payer pour s’épargner les clichés exotiques, ce sera sans rancune. Le parti pris des Orientales est de nous emmener ailleurs sans toutefois nous tenir la main jusqu’au bout du voyage. Á nous de faire le chemin restant pour apprécier l’art et les traditions, aussi brutes soient-elles, de ces peuples de montagnes ou de déserts. « Dans l'idée indienne du théâtre, l'art est un moyen de lier émotion et connaissance, c'est précisément ce à quoi Les Orientales vous convient... » explique Alain Weber. Plus que jamais, l’invitation ne se refuse pas.
Marion D.
Festival Les Orientales, du 26 au 30 juin 2013 à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) -
Renseignements : +33.(0)1 42 22 66 46 - www.lesorientales.fr/