Vincent Macaigne amène un vent d'idiotie libératrice à Nanterre-Amandiers
jeu, 11/13/2014 - 19:53 | Ajouter un commentaire
L’Idiot est un roman fleuve de l’auteur russe Fiodor Dostoïevski écrit en 1869. Il raconte les tribulations du Prince Mychkine. Ce personnage bon et naïf, élevé loin de la cour moscovite pour raisons de santé, revient en Russie et se confronte non sans difficulté à la cruauté et au cynisme de ses pairs. Adapté librement au théâtre par Vincent Macaigne une première fois en 2009, le spectacle est repris dans le cadre de ce 43e édition du Festival d’Automne sous le titre d’Idiot! parce que nous aurions du nous aimer.
Ayant d’abord fait un carton au Théâtre de la Ville, la joyeuse bande de Macaigne investit désormais le théâtre Nanterre-Amandiers. Précédé par sa réputation, le jeune metteur en scène remplit les salles et les représentations affichent toutes complet. En effet, après avoir créé l’événement au Festival d’Avignon en 2011, avec une adaptation de Hamlet intitulée Au moins nous aurons laissé un beau cadavre, Macaigne s’est imposé comme une personnalité hors du commun dans le champ théâtral hexagonal, à l’esthétique hors norme à la fois trash et mélancolique, pop et underground.
Rappelant la Nouvelle Vague -en plus énervée- le récit dostoïevkien est malmené, la langue banalisée et le verbe jeté dans une fureur de vivre consumante. On peut regretter que la seule communication entre les personnages se fasse sur le mode de l’agression, de l’accusation, bien que l’énergie des comédiens soit époustouflante. Rares sont les respirations et les moments de tendresse, puisque les quelques contrepoints à l’action-agression sont eux aussi dans la démesure, avec une utilisation de musique mélo pour pléonasmer l’émotion et donc la mettre à distance. Après l’euphorie et la dynamique dans lesquelles Macaigne veut plonger son public, la descente est rude : aucun répit n’est accordé ni aux acteurs ni aux spectateurs. L’entracte est court-circuité par un nouvel happening, même le texte expliquant l’ellipse temporelle entre la première partie du spectacle et la deuxième ne comporte aucune virgule. On ne peut que louer une opposition à un théâtre ronronnant plongeant le spectateur dans une passivité, mais faut-il forcément en arriver à créer un théâtre événementiel, où des accidents et micro-catastrophes scéniques se succèdent plus que de véritables actions ? Macaigne créé véritablement du spectacle, dans une théâtralité pure qui a la vertu de rassembler. Et certains moments, tels que les élégies à vif de la princesse Nastassia- impressionnante Servane Ducorps- sont d’une force indéniable. Cependant le nihilisme brûlant qui ressort du propos de l’Idiot semble en décalage avec la débauche matérielle de la mise en scène.
Le prince Mychkine avoue dans un sublime monologue final ne pas avoir le sens de la mesure. Macaigne non plus. C’est probablement pour cela qu’on aime le détester ou qu’on déteste l’aimer. La fête finie il remporte tout de même notre adhésion par la sincérité et l’urgence de son théâtre.
IDIOT ! PARCE QUE NOUS AURIONS DÛ NOUS AIMER
Du 4 au 14 novembre 2014 au Théâtre Nanterre-Amandiers
D’après L’Idiot de Fiodor Dostoïevski
Avec