Les Jardins Suspendus de Clignancourt

Après vous avoir trimballé aux quatre coins du 18^e, vous avez les crocs. Vous avez besoin d’une pause ? Tant mieux ! On vous emmène vous restaurer …

Encore un effort, le lieu se trouve au bout du bout du boulevard Barbès, qui soit dit en passant, change de nom pour devenir le boulevard Ornano. Voilà. On arrive porte de Clignancourt, juste avant les Puces de Saint-Ouen. Sur cette grande place en plein milieu du périphérique, entre les  étals de ceintures vendues à la sauvette et les caddies remplis de maïs grillé, une devanture sort du lot. Caché derrière un grand rideau en plastique, se trouve un lieu bien insolite. C’est la Recyclerie. Cette ancienne gare désaffectée est reprise en main au printemps 2014 pour devenir le nouveau lieu alternatif du quartier Ornano. A la fois bar, restaurant, et lieu de pratiques artistiques débrouillardes, la Recyclerie s’implante très rapidement comme espace de culture et d’échanges. L’esprit de la Recyclerie, c’est la biodiversité, la réparation, la récup’, l’éco-responsabilité … Bref, les valeurs respectueuses de la nature dans un cadre urbain. Parmi les espaces aménagés dans la halle, il y a notamment l’atelier Chez René, qui permet à tout un chacun de venir réparer ses bricoles grâce à des outils en libre accès. On trouve aussi une « ferme urbaine », avec une basse-cour, un jardin d’aromates, et un potager collectif. Les ateliers organisés chaque semaine (jardinage, dégustations de vin, vide greniers, soirées tricot, séance d’upcycling etc.) permettent de créer du lien social. La Recyclerie propose également des temps forts citoyens tout au long du mois de décembre, à l’occasion de la COP21.

Le décor façon chalet de sports d’hiver, très chaleureux, rappelle les grandes tablées des dimanches en famillle. Le restaurant (surnommé le Corner) propose une cuisine faite maison à base de produits frais et de qualité. Les déchets sont triés et donnés aux animaux de la Ferme Urbaine. Le service est rapide et ludique (un petit biper est fourni à l’entrée, et sonne pour signaler que les plats nous attendent au comptoir). Chacun récupère son dû, et se sert dans les couverts dépareillés. Envie de tester une bière bio au quinoa sans gluten ? Demandez l’Altiplano, toute légère et sucrée. Elle accompagnera à merveille le sauté de veau aux tagliatelles et aux olives, gouteux et copieux. En revanche, la tarte végétarienne aux champignons et aux marrons laisse à désirer et ressemblerait plutôt à une omelette posée sur un fond de tarte humide. Le pain est bio, fabriqué à partir de levain naturel. Une  précision, affichée au comptoir : « c’est pour ça qu’il est dense ». La notre : c’est pour ça qu’il est dégueu. On regrette également l’absence de formule et le refus des tickets restaurant le soir.  La Recyclerie se doit cependant d’avoir une politique transparente, auquel cas son ambition passerait à la trappe. Tout est annoncé : cochon 100% francilien, volailles de Sologne, charcuterie iséroise et bœuf normand.

On notera que le propriétaire, Stéphane Vatinel, et son armée d’investisseurs privés, sont déjà en charge de plusieurs bars très branchés de la capitale, dont le Comptoir Général, le Glazart, le Divan du Monde et de la Machine du Moulin Rouge. On décèle bien qu’ici, l’éco-responsabilité, c’est aussi et surtout, un business. Toute cette poudre aux yeux est bien évidemment l’argument marketing de la Recyclerie : consommer différemment (plus cher ?), en respectant l’environnement (le coût des travaux en énergie ?) et la production locale (la Sologne, c’est pourtant pas la région parisienne tout de même !). La cerise sur la gâteau (sans gluten s’il vous plaît !) : en faisant des recherches, on comprends qu’il y a des failles dans ce projet. Les propriétaires louent quelques mètres carrés au fast food KFC situé sur en face. KFC, le symbole ultime de la consommation éco-responsable. Pas vrai ?

On quitte la Recyclerie, l’estomac sur les talons et le portefeuille plus léger. Du reste, on n’en a quand même pris plein les yeux. On reconnaît que les activités culturelles sont de qualité, et le cadre est exquis.  La grande baie vitrée sur les rails de la Petite Ceinture et la terrasse pleine de plantes et de lampions multicolores présagent des moments conviviaux, animés et gourmands … pour ceux qui en ont les moyens.

Même si la chronique du 18 s’achève sur un petit bémol (prenez le comme un gage de notre intégrité !), on souhaite que cet avant-goût de l’arrondissement vous ait conquis.

Où?