Des prostituées au musée
mar, 11/03/2015 - 01:00 | Ajouter un commentaire
Actuellement et jusqu'au 17 janvier 2016, les prostituées sont à l'honneur au Musée d'Orsay. L'exposition Splendeurs et misères. Image de la prostitution, 1850 - 1910 est la première grande manifestation sur le thème des amours tarifés. Cette profession aux multiples visages inspira les artistes qu'ils aient été peintres, photographes ou cinéastes.
Au XIXe siècle la prostitution se révèle être un sujet moderne et digne d'être peint. Ce renouvellement de l'esthétique se concentre principalement à Paris où les splendeurs et les misères de la prostitution fascinent les artistes français et étrangers. Le nom de l'exposition est d'ailleurs une référence directe au roman Splendeurs et misères des courtisanes d'Honoré de Balzac.
La rue, les boutiques à surprises, les brasseries à femmes, les cabarets et café-concerts, les maisons closes et même l'opéra. Les lieux de prostitution sont multiples.
À cette époque, la prostitution clandestine envahit l'espace public alors même que les maisons closes sont légales depuis 1804. Le racolage étant interdit en journée, les femmes à vendre inventent des codes pour se faire reconnaître. Ainsi, une femme devant un café découvrant ses chevilles ne pouvait être qu'une prostituée. Visible de l'intérieur comme de l'extérieur, cette femme seule, à cet endroit, ne pouvait être " honnête " selon les dires de l'époque. Octave Uzanne écrira : " Attablées, dès l'heure de l'absinthe, sur le devant des cafés, provocantes, le visage plâtré, la lèvre rouge, humant la cigarette, elle montraient, le genou levé sur un petit banc, leur bottine à talon haut. ". Vendeuses et femmes ordinaires se prostituent occasionnellement afin d'arrondir leurs fins de mois. Ainsi, une ambiguïté règne dans les rues. Un simple regard échangé peut vous apprendre si une femme est disponible ou non. Ce jeu pour décoder les intentions des femmes devient alors un vivier d'inspiration pour les artistes qui veulent représenter les codes du ballet des amours à vendre.
Dans les maisons closes, la prostitution est plus qu'affichée. Dans l'exposition sont présentés différents objets qui ont servi à leur communication bien rodée : cartes de visite, invitations, annuaires, réclames publicitaires. Ces lieux étant très réglementés, les filles sont soumises à des examens médicaux très stricts. Elles ont par ailleurs une hygiène irréprochable et des préservatifs leur sont fournis. Ce rituel autour de la femme est largement représenté par les peintres. L'artiste phare de cette tendance, Toulouse Lautrec, représente le quotidien de ces filles de l'ennui de l'attente à l'effervescence des soirées pleines de clients. Les fantasmes autour de la profession s'effacent donc pour laisser place à l'intimité et à l'humanité de ces femmes.
Le XIXe siècle c'est aussi les débuts de la photographie et du cinéma. Ainsi, dans des boites noires interdites aux personnes âgées de moins de dix-huit ans, l'exposition nous dévoile des photographies de nu et les premiers films pornographiques.
La bienséance interdisant aux " femmes honnêtes " d'être modèles pour les photographes, les prostituées deviennent le sujet privilégié de ces nouveaux artistes. Cet art permet une nouvelle découverte du corps, une nouvelle façon de le mettre en scène.
Avec l'amélioration des techniques, la photographie voit apparaître des amateurs. Eux aussi s'intéressent au nu. Il s'agit pour eux de prolonger le plaisir offert par les prostituées grâce à la photographie. C'est ainsi que naît la carte postale photographique prostitutionnelle.
La prostitution, " mal nécessaire destiné à combler la brutalité des passions de l'homme " selon des propos recueillis par le Musée d'Orsay, se retrouve donc dans toutes les classes sociales et dans tous les arts. Le verbe " prostituer " signifiant montrer au public, il n'est pas surprenant que cette profession ait fasciné les mondes de l'art.
Juliana Féral et Noémie Soyez
Quoi ? Splendeurs et misères. Image de la prostitution, 1850 - 1910
Quand ? Du 22 septembre 2015 au 17 janvier 2016
Où ? Musée d'Orsay