Portrait-chinois d'une iranienne

ven, 01/29/2016 - 12:17 - Alice Sammut

Si Marjane Satrapi était un pays ?

Il paraît difficile, en réalité, d'en choisir un seul. Elle fait partie de toute une génération exilée à la suite de l'instauration de la République Islamique en Iran. Le récit de sa vie d'adolescente illustre l'adaptation et l'intégration à d'autres cultures et identités. Elle a bénéficié, dès son plus jeune âge, à une ouverture culturelle très forte dans son éducation : des influences russes côté paternel et chiites du côté maternel. Sa fréquentation d'un lycée franco-iranien de Téhéran et ses différents séjours en Europe, jusqu'à son installation définitive en France, ont activement participé à ce multiculturalisme.


Si Marjane Satrapi était une fleur ?

Elle serait probablement un jasmin, une fleur marquée par le souvenir de sa grand-mère qui en glissait dans ses vêtements pour se parfumer. Ces fleurs sont représentées en cascade, tombant de la poitrine de la vieille femme ou de manières ponctuelles dans son œuvre, notamment dans le générique de début et de fin de Persépolis. La fleur de jasmin ouvre le bal, comme un fil conducteur sur une musique aux sonorités orientales, et entraîne le spectateur à travers des paysages. Le voilà  propulsé dans un générique à l'univers poétique, proche de celui des contes.


Si Marjane Satrapi était un art ? 

Elle serait la peinture. Marjane Satrapi a développé une relation particulière avec la couleur, le spectateur le ressent dans ses créations, que se soit dans la bande dessinée ou le cinéma. Elle attribue à ses créations, une identité de couleurs et travaille chaque plan comme une peinture. Le film The Voices, par exemple, a été travaillé dans des teintes rosées, Persépolis est un roman graphique uniquement en noir et blanc, pour Poulet aux prunes elle a voulu retranscrire une ambiance et des couleurs du Téhéran des années 50. 


Si Marjane Satrapi était une forme d'esprit ? 

Elle serait l'humour. Ses créations traitent de sujets à la fois sombres et difficiles comme la guerre, la folie ou la dépression mais toujours avec une touche d'humour. C'est grâce à l'humour qu'elle permet aux plus démunis de préserver leur humanité et rassembler les gens. Il est un des points centraux de ses créations. Elle aime créer des décalages entre l'attitude de ses personnages et la situation. La scène de la dépression de Persépolis est devenue mythique par ce mélange de tension dramatique et d'humour : le personnage de Marji est plongée dans une terrible dépression une fois revenue en Iran après son séjour à Vienne, elle décide de se reprendre en main sur la musique The eye of the tiger des Survivor sur laquelle se juxtapose la voix, atrocement fausse, de Chiara Mastroianni.


Si Marjane Satrapi était un personnage de fiction ?

Elle serait Dark Vador, chevalier de l'apocalypse et un de ses personnages de fiction préférés. Il est l'incarnation d'un mal nécessaire qui rassemble les Hommes en lutte contre lui et ses idéaux. Ce personnage emmène le spectateur au-delà d'une vision manichéenne, où l'être humain serait simplement gentil ou méchant. Il est la représentation d'une certaine conception du monde qui intéresse l'artiste. Dark Vador apparaît comme un personnage complexe oscillant entre deux états. C'est une caractéristique que nous pouvons retrouver dans ses œuvres. Lorsqu'elle est interrogée sur le personnage le plus antipathique de Persépolis, elle se désigne elle-même comme étant ce personnage, pourtant gorgée d'idéaux libertaires.


Si Marjane Satrapi était une chanson ?

Elle serait My Way lz classique de Frank Sinatra. Mais si Marjane Satrapi était un classique, elle serait un classique revisité. C'est pourquoi Satrapi elle serait My Way, interprété par Sid Vicious, bassiste du célèbre groupe punk Sex Pistols. Une version impertinente, en partie improvisée au moment de son enregistrement en 1978, qui en a déstabilisé plus d'un. Sid Vicious déconstruit l'image du crooner libre assumant pleinement cette vie qu'il a vécu à sa façon, avec seulement quelques regrets « Mais une fois encore, trop peu pour les mentionner ». Le chanteur nous livre une version pleine d'ironie, à l'opposée de celle de Sinatra, sur les bassesses d'un homme.


Si Marjane Satrapi était un des sept péchés capitaux ?

Elle serait la gourmandise. Toutes ses œuvres sont traversées par la nourriture et la boisson. Dans ses tableaux par exemple, il n'est pas rare de voir une femme sirotant un café. Dans ses films la nourriture et l'alcool reviennent fréquemment, Persépolis l'alcool est prohibé alors les personnages en fabrique par des moyens détournés et il est un moyen efficace d'oublier la guerre, de nombreuses discussions ont lieu également autour des repas de famille, la redécouverte des produits dans les étalages des supermarchés autrichiens est une étape important de la nouvelle vie du personnage principal. Son film Poulet aux prunes comporte également des scènes de repas où se prennent de nombreuses décisions et où se créent de nombreuses tensions. Le poulet aux prunes, repas préféré du personnage principal, est concocté par la femme de se dernier pour tenter une dernière fois de le séduire. 

Alice Sammut

 



 

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