« Ce n’est qu’un déjeuner un famille, ce n’est pas la fin du monde. »
mer, 09/28/2016 - 18:00 | Ajouter un commentaire
Après avoir obtenu le Grand Prix du festival de Cannes en mai dernier, Juste la fin du monde, le sixième long-métrage du réalisateur québécois Xavier Dolan est enfin à l’affiche depuis le 21 septembre.
Le jeune réalisateur se lance dans l’adaptation ou plutôt la « re-création »1 de la pièce du même titre écrite par Jean-Luc Lagarce (1990), à son retour de Cannes en 2014, dans l’idée de rendre hommage à l’esprit et au talent de ce dramaturge français. Toutefois, nous retrouvons aussi dans ce huis clos familial les thèmes qui sont chers à Dolan, voire emblématique de son cinéma : des rapports familiaux nocifs, une communication empêchée, une langue acerbe ou encore la recherche d’une enfance lointaine.
La « fin du monde » c’est celle de Louis (Gaspard Ulliel), 34 ans, éminent dramaturge. Il vient rendre visite à sa famille après douze ans d’absence pour annoncer sa mort prochaine. De ces douze ans, nous ne n’apprendrons presque rien, et pourtant nous sentons peser à chaque seconde, sur chaque image, le fardeau de cette séparation. Le vide laissé par Louis a cristallisé les déceptions et les amertumes en même temps qu’il a nourri l’espoir de son retour. Tour à tour, les personnages tâtonnent pour trouver les mots justes, pour livrer ce qu’ils ont sur le cœur et c’est cet ambitieux travail sur la langue lagarcienne qui confère au film son indéniable théâtralité.
L’esthétique du film, construite sur des gros-plans et des longues focales qui induisent une faible profondeur de champ, fait écho à cette réflexion sur l’incommunicabilité des sentiments et rend les spectateurs captifs de l’image. Nous suffoquons rapidement, nous cherchons une issue à ces gros-plans parfois éprouvants, comme Louis nous sommes dans l’écoute passive plus que dans la parole. Nous percevons les déclarations d’amour qui se cachent derrière les blessures de chacun, mais le sort de cette famille déchirée ne lui appartient déjà plus. 
Ce memento mori cinématographique est sans doute le film le plus mature du réalisateur, mais il est également un des plus clivants. Cependant, on ne peut que reconnaitre le talent de Dolan en matière de direction d’acteurs, auxquels il arrache une vérité bouleversante et exceptionnelle.
En salles depuis le 21 septembre.
Laureline Guilloteau
1 : Emission France Info L’heure Bleue par Laure Adler : Xavier Dolan pour « Juste la fin du monde » (Jeudi 22 septembre 2016)