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Le diable à Montpellier



Une scène traversée par des projections de courses de nuages dans un ciel azur épousant la course de la musique, un chœur d’anges comme suspendu dans le vide ; voilà l’ouverture du Mefistofele d’Arrigo Boito dans la mise en scène de Jean-Louis Grinda présenté à l’Opéra National de Montpellier les 29 avril, 2 et 4 mai derniers. Cette reprise de la production de l’Opéra Royal de Wallonie créée à Liège en 2007 sous la direction de Patrick Davin est une belle réussite.

 

Cet « opéra-manifeste » créé en 1868 est l’œuvre d’un jeune musicien de vingt-six ans aux multiples talents : poète, librettiste de Verdi et traducteur de Shakespeare entre autres. Boito choisi de réunir les deux Faust de Goethe en privilégiant la personnalité du diable à l’histoire entre Faust et Marguerite qui est prépondérante dans l’opéra à succès de Gounod en 1859.

L’opéra de Boito met l’accent sur les spécificités mythiques du nord et du sud de l’Europe au travers des deux nuits de sabbat qui sont représentées et de l'union entre Faust et Hélène de Troie au quatrième acte. La nuit de Walpurgis au pied du Brocken en Allemagne et celle du sabbat classique dans un temple au bord du fleuve Pénée se veulent être une synthèse des influences classiques et romantiques de l’esthétique occidentale.

Jean-Louis Grinda n’est pas homme qui tourne autour du pot. Quand il raconte une histoire, il va droit au but. La mise en scène, une  suite de tableaux galopant du ciel aux enfers, avec ses personnages multiples et ses mouvements de foule, constitue une solution assez juste et efficace. Nuées célestes sur grand écran, lumières rouges pour les apparitions de Mefistofele et la nuit de sabbat au Brocken, fêtes carnavalesques énumérant les sept péchés capitaux, sabbat antique sous une lumière éclatante, les contrastes de couleurs utilisés pour définir les différents lieux de l’action mettent en valeur la musique et les chanteurs… Les décors de Rudy Sabounghi ont de la saveur et de l’humour tout comme les costumes de Buki Shiff, rutilants d’invention et souvent de drôlerie.

Les principaux personnages n’ont peut-être pas chez Boito toute la dimension philosophique des héros de Goethe, mais le ténor Gustavo Porta est un Faust d’une profonde humanité et la basse Konstantin Gorny qui campe un Méphisto vêtu de velours rouge est sataniquement solide et subtil. L’exception, tant dans l’écriture musicale que dans l’interprétation, vient de Margherita. Son air de la folie est de toute beauté et la sculpturale soprano Takesha Meshé Kizart, ancienne lauréate du prestigieux concours « Voci Verdiane », présence hallucinée et timbre entre ombre et lumière, le rend tout simplement poignant.

Pour sublimer l'inspiration de Boito, étrange, inattendue parfois, avec des alliages voix-orchestre surprenants et des contrastes magnifiques, les chœurs de Liège et de Montpellier impressionnent et font vibrer la salle pendant tout le spectacle.

Mefistofele de Arrigo Boito, Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon, chœurs de l’Opéra National de Montpellier chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie, direction Patrick Davin, mise en scène Jean-Louis Grinda, décors Rudy Sabounghi, costumes Buki Shiff, lumières Laurent Castaingt. Avec Konstantin Gorny, Gustavo Porta, Takesha Meshé Kizart, Christine Solhosse, Maurizio Pace. Montpellier – Opéra berlioz , les 29 avril, 2 et 4 mai 2010.

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