On entre dans ce lieu de différentes façons. D’un pas assuré lorsqu’on y travaille; on le connaît, on l'habite presque. D’un pas tranquille et hésitant, les yeux écarquillés, quand on s’y rend pour notre plaisir. On s’y rend, dans ces deux cas, de notre plein gré - du moins je l’espère.

 


L’employé du théâtre arrive, tôt, se prépare et s’installe, prend connaissance du spectacle du jour, des spécificités du public et de la représentations. Les ouvreuses et contrôleurs débarquent un à un, quelques uns sont parfois en retard mais ça n’a pas grande importance, le stress n’est pas encore monté. Vient enfin le moment où, l’équipe au complet, le responsable peut présenter un condensé du déroulé de la soirée. Attentifs, les ouvreuses et contrôleurs écoutent et posent leurs questions, presque toujours les mêmes d’ailleurs car ils connaissent le théâtre par coeur. Les informations sont bien passées, ce soir, la salle sera presque complète, l’équipe se met en place.
C’est un spectacle de flamenco, il y a une danseuse, deux chanteuses, et cinq musiciens. La scène est encore vide, les régisseurs et techniciens terminent de placer les décors, d’ajuster les lumières. Le guitariste répète encore, une des chanteuses fait des vocalises. Les deux ouvreuses, haut perchées sur les gradins, se tenant prêtes à ouvrir les portes, profitent de ces chaudes notes emplissant la salle vide.
En bas, dans le foyer du théâtre, les spectateurs pénètrent doucement dans les lieux. Certains sont habitués, ils donnent l’impression de se sentir chez eux. Quelques uns vont même saluer le directeur. La salle n’est pas encore ouvertes, les premiers spectateurs en profitent pour boire un verre ou grignoter quelque chose. La file d’attente s’allonge devant la billetterie, espérons qu’il reste des places pour ceux qui ne l’auraient pas déjà prise. D’ailleurs l’attente commence à se faire longue pour l’hôtesse et le contrôleur qui patientent dans le foyer, jusqu’à l’ouverture de la salle. Les manteaux et casques de moto remplissent le vestiaire. Rapidement, le foyer du théâtre semble plein. Après un bref passage en salle pour prévenir les ouvreuses de l’ouverture des portes, le responsable file vers les contrôleurs en attente dans le foyer. Nous allons ouvrir les portes. En place, en bas des marches, armés des scanners pour contrôler les billets, les deux étudiants entendent l’annonce. “Mesdames, Messieurs, bonsoir. Les portes de la salle sont ouvertes, et vous pouvez dès à présent rejoindre vos places!”. La foule se sépare, en pair, en impair. Le spectacle commence dans 25 minutes, il est encore tôt. Tout sourire, les contrôleurs scannent les billets des spectateurs dans un vacarme assourdissant, essayant tant bien que mal d’être attentifs au son perçant émis par la machine. Un billet est invalide, le spectateur s’est trompé de soir. Le jeune s’excuse, heureusement le billet est valable pour le lendemain. L’homme, finalement amusé, repart en disant à demain. La salle se remplit, en haut, les ouvreuses distribuent les programmes du spectacle, et aident les spectateurs tâtonnant à s’installer. C’est une véritable aire de jeux pour les enfants, pressés que le rideau rouge s’ouvre. Dans le foyer, les pas sont de plus en plus pressés, on entend une deuxième annonce du responsable. “Mesdames, Messieurs, le spectacle commence dans 10 minutes, merci de rejoindre vos places!”. L’afflux s’accélère, chacun trouve sa place, les ouvreuses font du mieux qu’elles peuvent pour resserrer les places, elles veulent éviter les places vides afin de garder des places près d’elles pour placer aisément les retardataires. Les derniers arrivants courent, parfois, dans leur empressement, ils oublient même de dire bonsoir. Il est 21h02, peut-être n’auront-ils pas leurs places… Les portes sont désormais fermées, le foyer est vide, les contrôleurs ont pour ordre de faire patienter les potentiels retardataires.
La lumière s’atténue, les spectateurs sont tournés vers la scène, de la musique, du bruit, sortent du haut de la salle. La troupe de danseuses et musiciens font leur entrée du haut des escaliers. Les dos et les regards se tournent, on assiste à une arrivée triomphale, c’est l’heure de la fête. Les spectateurs, immergés dans l’univers du flamenco, se retrouvent au coeur d’une belle réunion festive.



Jeanne Jezequel

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