Anywhere out of the world
ven, 11/04/2011 - 22:07
Le musée d'Orsay, en collaboration avec le Victoria Albert Museum et le Fine Arts Museum de San Francisco, convie le public à une longue promenade dans l'Angleterre de la seconde moitié du XIXₑ siècle. Se perdre dans le labyrinthe de l'aesthetic movement, surprendre le langoureux regard de ces femmes immortalisées par Leighton ou Rossetti, rêver d'un autre paysage en dehors du temps devant les toiles de Whistler, que de délices nous offre l'exposition Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde en ce début d'hiver ! Les papiers-peints, les objets raffinés et les meubles d'époque nous invitent au voyage...
La beauté, c'est celle que nombre d'artistes, lassés du sérieux et de la rigidité de la mode victorienne, élèvent au rang d'idéal. Peintres, sculpteurs, architectes et écrivains se mettent en quête d'une nouvelle esthétique. Ils s'éloignent des règles de l'Académisme, passées de mode, pour développer des théories et des techniques révolutionnaires. Les années 1870 verront alors fleurir ce mouvement bien connu qu'est " l'art pour l'art ". La morale, c'est celle que réfute les nouveaux dandys, la morale matérialiste de l'époque victorienne. L’Angleterre du XIXₑ siècle a elle aussi droit au rêve, au sensualisme, à la liberté, à l'excentricité et à la beauté. Whistler, Wilde, Leighton, Godwin, Beardsley, et bien d'autres artistes choquent la morale britannique en exposant ou publiant des œuvres qui préfigurent le décadentisme. Mais grâce à eux s'opèrent aussi de nombreux changements dans les esprits. Certains bourgeois deviennent rapidement sensibles à cette nouvelle beauté, dont ils feront leur mode de vie. La volupté, c'est celle dont ces esthètes parent leurs œuvres et le monde qui les entoure. Femmes alanguis, éphèbes enamourés, jeunes filles provocantes et sensuels peuplent leurs toiles. Les fauteuils élégants et les tables excentriques se dressent comme un appel à savourer la volupté du moment présent.
Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde est une exposition extrêmement riche, qui mêle aux chefs-d’œuvre picturaux de nombreux éléments de décoration intérieure, des citations du célèbre auteur de The Picture of Dorian Gray (en français, malheureusement) ainsi que des vêtements d'époque. Elle nous offre une perspective globalisante de l'aesthetic movement et de son évolution. Grâce à cette disposition ingénieuse, le visiteur développe une relation plus intime avec les œuvres, il se sent plus proche de cette époque et des grands esprits qui l'ont marquée.
Le musée d'Orsay nous invite à nous interroger sur l'esthétique moderne. Qu'en est-il de la beauté dans les sociétés contemporaines ? Sommes-nous encore capable de concevoir un objet sans utilité ? Pouvons-nous encore prendre le temps de nous arrêter devant un tableau qui ne dit autre chose que lui-même ? Nous est-il encore possible de savourer la volupté d'un visage endormi, même s'il est hors du monde ? Dans ce paysage de questions, une certitude subsiste peut-être, celle qu'avait formulée Oscar Wilde en 1891 dans The Soul of Man : " The public should try to make itself artistic " (" C'est au public de se faire artiste lui-même ").
Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde, du 13 septembre 2011 au 15 janvier 2012. Musée d'Orsay, 1 rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris. www.musee-orsay.fr
Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre... par musee-orsay
Laure Le Cloarec