Ami lecteur qui hais viscéralement les enfants, peut-être t'es-tu déjà demandé entre deux écrabouillages de bambins hurlants ce qui te pousse année après année à revenir arpenter le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil. L'ennui ? Le masochisme ? Traînant ta hargne et ton esprit de destruction à travers les allées surchauffées, tu envisages déjà une retraite précipitée mais digne vers le métro, quand, tout à coup, tu te souviens. L'échoppe d'une petite maison d'édition indépendante calme et colorée te rappelle que si tu aimes tant le livre jeunesse, c'est que Max et les maximonstres est plus beau, plus séduisant, plus intemporel que La Recherche du temps perdu. Tu saisis un livre et c'est le coup de foudre.



 


Papillon et papier de soie fascine d'abord par les images. Chaque page a son harmonie de couleurs, douce ou vive. Le trait, délicat et minutieux, dépeint une multitude de détails qui poussent le lecteur à s'arrêter longuement sur chaque page. Cette méticulosité se retrouve dans les dédicaces d'Edwige Planchin et d'Anne Cresci, qui prennent tout leur temps pour offrir une œuvre personnalisée. L'auteure et la dessinatrice ensemble en dédicace, c'est rare, profitons-en ! Mais ce qui intrigue le plus est la parfaite adéquation entre l'image et le texte. Papillon, le héros de l'œuvre, est un enfant gravement malade. Sa fragilité est représentée par les ailes translucides qu'il porte dans le dos et menacent de se déchirer à tout moment. Ses angoisses sont matérialisées par une forêt d'épineux peuplée d'yeux inquiétants, tandis que les mots se tordent à leur tour, suivant le chemin sinueux des ronces.


Ce traitement optimiste d'un sujet grave est suffisamment émouvant pour cuisiner un peu l'éditeur. Les éditions pour penser à l'endroit s'attaquent à des questions difficiles à aborder avec les enfants comme l'écologie, la philosophie, la maladie, la mort ou la confiance en soi. Loin de l'image de jungle qu'on peut avoir du monde de l'édition, cette petite structure de quatre personnes publie selon des valeurs sociales et écologiques. Ainsi, les livres sont imprimés sur des supports recyclés et les droits d'auteur de Papillon et papier de soie sont reversés à l'Association Mucovisidose Innovation.


 


Et c'est pour ce genre de livres qu'année après année, malgré toutes tes bonnes résolutions, tu viens vider ton portefeuille dans les stands du salon de Montreuil, heureux finalement qu'il existe toujours des enfants pour que les adultes écrivent pour eux.


 


Hélène Courau


Papillon et papier de soie, éditions pour penser à l'endroit, octobre 2011, 9,50 euros.