Bienvenue au Châ-te-let !
A la fois exigeant et populaire, le Théâtre du Châtelet revendique une programmation interculturelle destinée à toucher le plus grand nombre. L’institution historique passe outre certaines conventions pour faire bouger le tout-Paris. Pour notre plus grand plaisir, nous avons eu l’opportunité de rencontrer le directeur de cet établissement haut en couleur, Jean-Luc Choplin.
Directeur du Châtelet depuis près de six ans, Jean-Luc Choplin, nommé par le maire de Paris, a rompu la dynamique du théâtre pour lui apporter un nouveau souffle. Il nous raconte l’histoire du « petit château », prison et morgue, à ses débuts, où se pratiquait volontiers la torture. Laissé à l’abandon, il est rasé en 1801 par Napoléon et reconstruit, cinquante plus tard, sous l’impératrice Eugénie. Il ouvre avec Rothomago et se spécialise dans le genre de la féerie. Ces spectacles grandioses, qui regorgent d'effets spéciaux, le différencient de son voisin le Théâtre lyrique, futur Théâtre de la Ville. Il organise également les cérémonies célébrant les victoires militaires. En 1909, les premiers ballets russes investissent la scène avec des figures de proue de la danse contemporaine comme Diaghilev et Nijinski. S'ensuit une succession de créations : Salomé de Strauss, Le Martyre de saint Sébastien de Debussy, Daphnis et Chloé de Ravel, parmi d'autres plus populaires, inspirés pour certains de l'oeuvre de Jules Vernes. Dans les années 1930, le Théâtre préfère l'opérette. Maurice Lehmann, directeur du Châtelet pendant près de 40 ans, met, pour la première fois à l'affiche, Le Chanteur de Mexico ! Malgré tout, l'établissement ne résiste pas à l'après-guerre et au passage du noir et blanc à la couleur. Il devient un théâtre lyrique où l'on redécouvre Offenbach. Sous François Mitterrand, les politiques culturelles encouragent les projets, la création de festivals et de nouvelles salles, dont celle de l'Opéra Bastille. Le Châtelet doit alors faire face à la concurrence d'autres établissements.
Soucieux de la mémoire du lieu, Jean-Luc Cholpin ne pouvait donc ouvrir le bal, en 2004, qu'avec la célèbre et tant critiquée opérette de Francis Lopez. Un héritage revendiqué et un véritable succès pour l'établissement. Evénementielle et internationale, l'institution s'ouvre aux cultures du monde entier pour établir un dialogue interculturel riche et productif. Rien n’est impossible au Châtelet : Carl Barat, Monteverdi et Marc Almond dans un unique spectacle ; le plasticien Oleg Kulik chargé des décors des Vêpres de la Vierge, un hommage aux grandes comédies musicales américaines avec My fair lady, Sweeney Todd, The sound of music... L’improbable est le maître-mot. Avec ses Concerts Tôt en matinée, ses Concerts Tea l’après-midi ou bien encore les concerts de Jean François Zygel, "Mozart est là", "Beethoven on the rock", "Bach to the Moon"… la programmation éclectique repose sur la surprise et l'originalité. Une politique qui permet à l’établissement de se différencier des autres institutions opératiques de la ville. Le patrimoine lyrique est conservé mais revisité et surtout actualisé. Jean-Luc Choplin refuse ainsi l’idée d’un Paris muséographique et il préfère "jouer avec la mémoire pour raconter le futur". Un dynamisme qui laisse volontairement la place à la jeunesse, aux artistes d’aujourd’hui, comme la performeuse Michal Rovner. Le Théâtre du Châtelet produit ses propres créations avant d'accueillir des oeuvres déjà montées. Suite à une commande, le film de David Cronenberg, La Mouche a été adapté avec, pour l'occasion, des musiques créees par Howard Shore. En 2007, Le Verfügbar aux enfers se joue à partir de l'ouvrage de Germaine Tillon, écrit en déportation, Le Verfügbar aux enfers, une opérette à Ravensbrück.
L'établissement dispose de ses propres ateliers de costumes, de décors et rassemble sous son toit des sculpteurs, des peintres, des serruriers, des menuisiers, des régies... En tout, 150 personnes à orchestrer. Le "chef cuisinier de ce restaurant 4 étoiles" comme il s'est plu à le dire, est Jean-Luc Choplin. Il part à la recherche d'opportunités nouvelles, à la rencontre d'artistes et d'oeuvres méconnus pour satisfaire un public de tous horizons, dont l'effectif a doublé en l'espace de ces six dernières années. Une ouverture culturelle et sociale autour de la musique, de l’opéra à l’opérette, en passant par la comédie musicale : 10 000 enfants, souvent des quartiers défavorisés, assistent aux représentations, et des places sont réservées aux associations pour les Concerts Tôt du dimanche matin. Enfin, certaines productions tournent à l'étranger : Magdalena au Brésil et My fair lady au Théâtre du Mariiensky.
Bien dans son temps, le Châtelet est un théâtre du monde qui fourmille d'inventivité, où le secret de la réussite est sans nul doute, selon le mot de Jean-Luc Choplin, "l'audace" !
© Denis Lacharme-Théâtre du Châtelet.