" Children of revolution ", version World Music

Gnawa Diffusion, le groupe franco-algérien, est comme une déferlante qui détruit sur son passage toute forme de cloisons entre les cultures et les peuples, pour les rassembler. Abolition des frontières, réunion des mondes. La fusion est éblouissante, festive, insolente, révolutionnaire, et généreuse. Suite à la vague de colère qui ébranle depuis quelques années les régimes arabes et nord-africains, Gnawa Diffusion s’est reformé et a donné le 21 novembre dernier un spectacle pour chanter une fois encore l’affirmation de la liberté, dans un monde étriqué en proie à toutes sortes d’excès. 

Émerveillement pour les yeux et les oreilles. Gnawa Diffusion mélange les genres : musique gnawa, chaâbi, mais aussi reggae, ragga, funk, rock et dub… Les paroles mêlent l'arabe, le français et l'anglais. À la guitare électrique, la basse et la batterie se joignent un guembri - guitare gnawa - un mandole algérois, des karkabous - castagnettes algériennes - , et un djembé. Certains musiciens sont en jean basket, d’autres en vêtement traditionnel berbère. Les couvre-chefs : casquette, tarbouche ou bonnet rasta. Le spectacle est envoûtant : les musiciens sur scène interagissent entre eux dans une symbiose époustouflante, échangent leurs instruments et dansent au rythme de leurs chansons. On sent une unité sacrée entre eux, quelque chose qui relève de la magie que seule la musique, portée ensemble, peut créer. Mais le groupe, simple, authentique, reste proche de son public. La Cigale se transforme en lieu de fête et de communion. Les artistes sont déchaînés. Le public, surchauffé, et l’atmosphère… enfumée. L’ambiance se calme pendant les chansons reggae et dub, au rythme lent, et le concert prend des allures de messe rasta hybride. Pour citer quelques titres joués : " Ouvrez les stores ", " Bab el Oued Kingston ", la reprise de " L’Auvergnat " de Brassens, version chaâbi, et beaucoup de chansons de leur nouvel album, Shock el Hal, " Epine de l’âme ", sorti en octobre et dédicacé aux enfants des révolutions arabes. 

Car Gnawa diffusion, c’est une musique très engagée et très contestatrice. Tout y passe : Wall Street, la musèlement de la pensée, les excès du fondamentalisme, ceux de l’idéal laïc avec " les bien-pensants qui pensent pour nous ", la bureaucratie... Les thèmes de l’exil et de la mémoire habitent également leurs chansons, sans oublier l’amour et un hommage aux femmes comme motif récurrent. Tout cela avec la signature Gnawa Diffusion : l’humour et la poésie métissés que le groupe insuffle à son art, notamment grâce à Amazigh Kateb, fils de l’écrivain Kateb Yacine, charismatique fondateur et leader du groupe, dont le prénom signifie " homme libre " en berbère. Pour lui, électron insaisissable gravitant autour du monde, la culture n'est pas un héritage figé, mais un syncrétisme qui se bâtit dans l'échange, dans le partage : " c’est l’avenir de la culture car on ne peut plus la fragmenter aujourd’hui. [...] Plus on voyage et plus on communique, et plus on s’aperçoit que sa culture, on la construit tous les jours "*. 

À l'image du groupe, à celle du public, le spectacle est une rencontre d'identités singulières. Ivre de musique et de danse, la salle se rend soudain compte que l’heure a tourné, que l’office dure depuis plus de deux heures, et qu’il est désormais temps de se quitter, de s'en retourner au monde, pour lequel il faudra œuvrer. Des torrents d’applaudissements auxquels se joignent des youyous berbères et arabes inondent alors la Cigale et les musiciens reviennent une dernière fois interpréter leur titre le plus célèbre : " Ombre-elle ", pour un dernier moment de synergie musicale. Un feu s'est allumé dans tous les cœurs : mission accomplie pour Gnawa Diffusion.

* interview de Amazigh Kateb pour Radiochango.

EdL

Gnawa Diffusion était en concert le 21 novembre 2012 à la Cigale, à Paris. Le groupe revient sur scène au MC2 Auditorium - Grenoble le 18 janvier 2013.

Semaine des Orients
De l'Orient des Mille et Une Nuits aux Orients modernes, l'Europe nourrit depuis longtemps le fantasme d'un ailleurs envoûtant, parfois inquiétant, toujours mystérieux. Cette semaine d'automne lui est consacrée.