Skip to Content

Ciné-concert au Balzac : Faust de Murnau

C'est dire si Murnau aime explorer l'univers des personnages maléfiques. Aprés Nosferatu, c'est Méphistophélès qu'il a mis en scène dans Faust. Et aujourd'hui, grâce à un partenariat avec le Théâtre de l'Athénée, qui nous avait présenté un autre grand nom du diable : Nick Shadow, sorte de Faust "don-juanisé" dans The Rake's Progress d'Igor Stravinsky, c'est dans un concept de ciné-concert que nous allons redécouvrir un des grands classiques du cinéma muet. Pour cela, deux interprètes musicaux, deux frères : au piano, Rami Khalifé, qui, à 25 ans, enregistre déjà son troisième album : le concerto n°5 pour piano de Prokofiev, et Bachar Khalifé, diplômé du Conservatoire National de Paris, aux percussions.


La séance est introduite par Julia Peslier, maître de conférences à l'université de Besançon, qui nous précise le lien entre l'oeuvre de Stravinsky et celle de Murnau, et esquisse un tableau des influences de Goethe dans la littérature : Pessoa, Boulgakov, Mann, Valéry... Le fameux mythe a inspiré plus d'un écrivain, et leur a ouvert un chantier fécond pour des interprétations diverses.


Place au film, les musiciens font très humblement leur entrée et s'installent sur le côté de la scène.


Histoire sans paroles, couleur noir et blanc, et le Faust de Murnau prend vie sur l'écran du cinéma Le Balzac, abreuvant nos oreilles de musique mi-expérimentale mi-rock, aux accents parfois straussiens, parfois tzigane ; les frères Khalifé nous livrent non sans audace une variété surprenante de mélodies primesautières. L'oeuvre silencieuse fait mystérieusement corps avec cette prodigieuse prestation musicale. Les interprètes profitent de cette projection pour nous prouver l'étendue de leur talent. Le Faust de Murnau prend une nouvelle naissance grâce à cet accompagnement musical. Et le noir et blanc devient soudain éclatant, intemporel.


La tentation méphistophélique


Vieillard en fin de vie, à la longue barbe chenue, Faust se livre à des lamentations métaphysiques sur son sort et sur celui du monde ; musique rêveuse, impromptue, quand un enchaînement de saccades tribalistiques se fait entendre. Faust sort définitivement de son solipsisme. Méphisto fait son entrée : maléfique, gouailleur. Il lui présente son terrible pacte ; Faust, héros de la connaissance, philosophe respecté et respectable, succombe. Le pacte est signé. La descente aux enfers commence. Mais la belle et gracieuse Marguerite, teint diaphane et bouche vermillon, tourne son radieux visage vers Faust : l'amour vaincra le mal, même s'il doit se traîner dans la fange, la luxure, le meurtre, l'abandon, le feu... Final grandiose et piano crescendo.


Nos sens encore en éveil, la respiration reprend lentement son cours, après ce tourbillon d'effets spéciaux fantasmatiques, cette surexpression des personnages qui crève l'écran. L'oeuvre est bouclée. Fin du film et de la prestation improvisée. Le tout : un chef-d'oeuvre éphémère... Et c'est ce qui fait son charme.


 Cinéma Le Balzac le 23 Novembre 2009