David Lynch : un clown fou au clavier

jeu, 11/24/2011 - 23:05

L’étrange mais fascinant artiste américain David Lynch sort ce mois-ci son premier album solo, électro pop space : Crazy Clown Time. Grand spécialiste de l’univers chimérique, il nous emmène par ses mélodies dans un univers qui n’est pas sans rappeler celui de ses films et leurs moments d’inquiétante étrangeté. Un album qui pourrait d’ailleurs être la bande originale d’une de ses créations cinématographiques.

L’atmosphère bizarroïde fait ainsi son effet : voix distordues, aigües, vieillies ou enfantines, murmures lointains, guitares résonnantes, sons de machine vaporeuses et mélodies mélancoliques donnent des chansons cosmico-brumeuses. Des paroles qui se répètent en boucle rappellent l’esthétique du tourment dans les films de Lynch, où la folie est reine. On retrouve aussi de nombreux thèmes chers à l’artiste et souvent rencontrés dans ses œuvres. Le rêve, évidemment, est d’emblée introduit avec l’entraînant titre Pinky’s dream (en duo avec Karen O, chanteuse des Yeah Yeah Yeahs), le sexe ensuite, avec la chanson éponyme Crazy Clown Time et ses paroles dérangeantes : « Molly getting her rip shirt/Suzie had hers off completely/Danni poured beer all over/Bobby screams so loud and spit ». Et l’adultère n’est pas loin avec Football Game où l’artiste rumine en boucle « I saw you with an other man ». La mort est omniprésente, évoquée de manière implicite à travers des « so tired of fearing, so tired of dark » dans Good day today ou plus explicitement quand l’auteur chante « You said you wanted me dead » dans Speed Roaster. L’absurdité, inhérente à l’œuvre de Lynch, se ressent enfin via des refrains illogiques tels que celui de These are my friends : I got a truck, and a single bed/ Got a stove, got a cable painted red/ Got some beers, oh yeah/ And a cube/Got two good ears, and my mind on you.

Lynch avait auparavant exposé son art plastique torturé à la Fondation Cartier en 2007 (« The Air is on Fire ») et a récemment inauguré son club Silencio (réplique du café dans le magnifique Mulholland Drive). L’artiste aux multiples facettes qui expérimente l’art sous toutes ses formes nous offre maintenant une œuvre musicale empreinte de cette atmosphère un peu morbide mais très envoûtante propre à son style. On se laisse embarquer dans cet univers auquel on ne comprend pas grand chose, certes, mais aux assonances chimériques ensorcelantes. À écouter les yeux fermés, on pourrait presque imaginer les créatures étranges de l’esprit lynchien. 


Sorti le 7 novembre. Durée : 1h08. 14 Titres.
Téléchargement gratuit du titre éponyme.

Site officiel de David Lynch.

 
Marie Devier