Des Chiffres et des Lettres
lun, 10/22/2012 - 18:12
Un mathématicien dandy au look de chapelier fou qui court le monde avec une araignée sur l’épaule, ça n’existe pas. Un mathématicien noctambule, friand de mangas, qui prend la plume pour transformer en objet littéraire les recherches qui l’ont conduit à se voir décerner la très prestigieuse médaille Fields, ça n’existe pas… Et pourquoi pas ?
Théorème vivant est la genèse d’une démonstration mathématique de grande envergure, l’histoire d’une quête acharnée de l’esprit qui s’achève en triomphe : en obtenant la médaille Fields (l’équivalent, en mathématiques, du prix Nobel) en 2010, Cédric Villani est propulsé sur l’Olympe des hommes de Chiffres. Pendant plus d’un an, il a travaillé jour et nuit sur l’équation de Boltzmann, assisté par Clément Mouhot, l’un de ses anciens thésards et précieux collaborateur. Au gré du hasard, de conversations, de rencontres impromptues avec ses pairs ou d’illuminations inespérées, la démonstration avance, piétine, prend de l’ampleur, ramifie et s’étoffe pour aboutir enfin, juste à temps pour la médaille si disputée.
Le récit de Villani transporte le lecteur au coeur de la communauté mathématique. Son parcours professionnel est celui d’un chercheur de haute volée : professeur à l’ENS Lyon, éditeur d’une importante revue scientifique, il est nommé à la tête de l’Institut Henri Poincaré alors même qu’il mène ses recherches sur le fameux théorème à l’IAS (Institute for Advanced Studies), à Princeton, le « temple de la mathématique et de la physique théorique ». Il y croise de grands chercheurs dont il présente consciencieusement les travaux, jusqu’à faire de son livre un Who’s Who miniature des personnalités illustres du monde des mathématiques. Il y fait notamment la connaissance de John Nash, son « héros mathématique », connu du grand public sous les traits de Russel Crowe, qui l’incarnait dans le film Un Homme d’exception.
Théorème vivant ressemble à son auteur par son éclectisme. On y trouve de tout : des échanges d'e-mails, des passages de roman, un poème de William Blake, des paroles de chansons, des extraits de conférence ou des récits de rêve. On prend même un certain plaisir non à lire, ni à comprendre, mais à contempler les quelques pages d’équations insérées dans le texte, autant de signes ésotériques incongrus et fascinants. Du tableau noir au nombre d’or, un témoignage savoureux et une incursion passionnante dans la sphère mathématique.