Divine échappée
mer, 10/05/2016 - 17:13
Au dernier festival de Cannes, Houda Benyamina détonne et s'attire les faveurs de la critique, du public et du jury. Son premier film Divines obtient la caméra d'or 2016. C'est l'histoire de quatre femmes et un homme.
Ouverture : plan fixe graphique sur les tours d'une cité. Est-ce pour autant un film sur la banlieue ? Pas tout à fait, il s'agit avant tout d'un film tourné en banlieue. Elle reprend les stéréotypes de banlieue (trafic, drogue, violence) en renversant les stéréotypes de genre : les femmes sont au pouvoir. On ne peut s'empêcher de penser au premier abord à Bandes de filles de Céline Sciamma sorti en 2014. Il n'en est rien, ou si peu.
Chez Houda Benyamina, elles s'appellent Dounia, Maimouna et Rebecca. Leur point commun : créer leur propre chance. Pour elles, réussite rime avec richesse - "money, money, money". Dounia et Maimouna s'engagent dans différentes combines et trafics pour le compte de Rebecca, la dealeuse du quartier. Jusqu'où peut-on aller par appât du gain ? Et si au XXIe siècle Icare était une femme ?
Oulaya Amamra est Dounia. Rôle de composition et rôle d'exception, elle illumine le film. Une évidence. Elle apporte un naturel désarmant et une fraîcheur telle que le temps du film, tout nous semble possible. Oui il est possible de s'introduire comme on veut dans un théâtre pour s'y cacher ou conduire une Ferrari imaginaire sur un parking au bas des tours. Rendez-vous à la prochaine cérémonie des Césars.
Quatre femmes et un homme. Lui, c'est Djigui, Kevin Mischel dans la vraie vie. Danseur professionnel habitué du Théâtre de Suresnes, il s'essaie à la comédie sous la bienveillance d'Houda Benyamina. A contrepoint des codes habituels, l'homme incarne la sensualité et la fragilité. Vigile dans un supermarché le jour, son émancipation passe par la danse. Le temps d'instants volés, l'émotion transparaît en gestes.
Avec une incroyable direction d'acteurs et une fine maîtrise technique et esthétique, Divines pourrait bien être LE film de cette fin d'année. Houda Benyamina signe une fresque d'une grande violence et d'une folle poésie.
Tahiana Danel
Plus d'informations sur le film : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=244069.html
Extrait du discours à Cannes : https://www.youtube.com/watch?v=6IYm9AcVDhw