El Gusto est le nom que donne Safinez Bousbia, réalisatrice et productrice, à l’orchestre et au film-documentaire réalisé sur la musique Chaabi (شعبي) qui veut dire en arabe : populaire. Safinez Bousbia native de cette grande ville, Alger, se promène dans les rues de la Casbah quand soudain attirée par un miroir accroché à une échoppe, elle se dirige vers le magasin pour l’acheter. De fil en aiguille, la discussion menée avec le marchand, qui connait bien la musique Chaabi, lui révèle une volonté de redonner à cette musique l’harmonie des années 20, une volonté ardente de réunir de nouveau Juifs et Musulmans connus avant l’indépendance et qui formaient un seul groupe, une seule force et une seule voix pour  interpréter cette belle musique. Après un vrai travail de recherche, établi par cette réalisatrice, les 42 musiciens, Algériens et Français, forment un orchestre inédit.

Musique populaire ou musique de la rue, Le Chaabi algérien est un type de musique parmi d’autres : l’Andalou, le chant bédouin, l’Achwwiq kabyle, l’Ahellil de Timimoune, le Tindé de l’Ahaggar, et le  Rai. Il est né aux alentours de 1920 à Alger, dans les rues de la Casbah, qui reste un quartier populaire et qui garde les traces de civilisations antérieures. Le mérite en revient au grand maître Hadj Mohamed El Anka (1907-1978), qui à partir d’un chant musical préexistant, le medh,  donne une nouvelle impulsion à cette musique. De surcroit, il introduit dans le medh le mandole algérien, typiquement conçu pour la musique Chaabi et qui diffère du mandole classique. Cette musique est appréciée partout et par tous en Algérie pour l’aspect moral et social de ses textes. Elle est aussi un point de rencontre et de partage : n’oublions pas le contexte socio-historique algérien de cette période où diverses populations cohabitaient.

 

 

Grâce à El Gusto, la musique Chaabi appelée aussi par l’un des musiciens, « le Blues de la Casbah », connait un essor important dans le monde occidental et acquiert une place considérable dans la musique et par la suite au cinéma. Le New York Times a écrit : « It’s a bewitching record with gorgeous naturalroom sound and powerful, guttural singing ». L’orchestre commence sa tournée avec un concert à l’opéra d’Alger et ensuite dans plusieurs villes de France : Paris, Marseille, Toulon… Mais aussi à Bruxelles, Londres et Berlin. Le projet de Safinez Bousbia réalisé avec un grand succès reste à jamais inscrit dans l’histoire de la musique Chaabi. Cette musique longtemps connue sous son aspect populaire, le public la découvre sous un autre jour.

LAGUER.H