En douze coups de cuillère à pot !

Face de cuillère est une petite fille qui a le « cerveau spécial » et une figure toute ronde : elle est « attardée » qu’ils disent, et même toute mangée de l’intérieur par un cancer, elle nous dit son monde et ses plaies avec ses mots d’enfants. 

Elle nous raconte les personnages autour d’elle qui s’agitent comme des petites poupées de chiffons : Madame Patate, la femme de ménage qui nettoie partout même là où ça ne se voit pas, Papa, prof de philo partit depuis longtemps avec sa « pouf » et laissant Maman broyer du noir et s’arsouiller à la vodka… Elle nous raconte l’hôpital, sa rencontre avec le docteur Bernstein, les rayons x mais aussi les rayons des projecteurs : passionnée d’opéra, elle nous explique combien elle aime voir les solistes « mourir dans la lumière ». Et c'est justement la Callas qui l'accompagnera tout du long vers cette « lumière ».

Le texte de Lee Hall (célèbre scénariste du film culte Billy Eliott) n’emprunte jamais le chemin du pathos, de la sensiblerie mièvre où des sujets tels que la mort, l’autisme ou l’inceste pourraient si facilement servir de raccourcis : la langue de Face de Cuillère – virevoltante, sans ambages, crue, cocasse aussi – nous écorche et nous accroche, avec humour parfois.

Dans une mise en scène d'Alain Batis faites de petits moyens et de grandes idées, Laetitia Poulalion - lumineuse et mise en lumière par Jean-Louis Martineau - nous épate dans la peau de cette petite fille condamnée mais qui conserve en elle une étincelle de vie. Maniant parfaitement le ryhtme imposé par le texte (tantôt logorrhéique, tantôt dans la retenue), la comédienne chante avec justesse cette hymne à la vie ! On en ressort plus que remué...

Face de Cuillère de Lee Hall, traduction française de Fabrice Melquiot
Mise en scène : Alain Batis
Avec Laetitia Poulalion