Feuilleton, ou le paradoxe du quotidien
lun, 11/14/2011 - 16:00
Entre crise économique et révolution numérique, les temps sont durs pour le monde de la presse, autant que pour celui du livre. L'écran remplace la feuille de chou, les caractères d'imprimerie font place aux pixels, l'information circule à haut débit et la page de papier semble bien morne face aux possibilités du multimédia. Dans de telles conditions, publier une revue trimestrielle consacrant plus de deux cents cinquante pages au reportage, à l'essai et à la nouvelle littéraire, dans un format livre élégant, n'est-ce pas de la provocation ? Dernier né de la famille des mooks (contraction de "magazine" et de "book"), Feuilleton a tout du phénomène de mode. Perplexes, ou déjà blasés, face à nos tablettes tactiles, on s'enthousiasme pour ces livres-revues : leur matérialité, quoique désuète, a quelque chose de rassurant, et le soin apporté à leur conception, quelque chose de fascinant. Objet de convoitise, Feuilleton ? Pas seulement ! Passer en revue le monde, telle est sa devise. Pour y parvenir, il propose de faire se rencontrer journalisme et littérature, et de mettre à l'honneur un genre encore peu connu en France : le journalisme narratif. Très prégnante dans le monde anglo-saxon, cette pratique journalistique met l'art du récit au centre de l'investigation du réel, et produit des enquêtes et reportages grand format. Imaginé et conçu par Adrien Bosc (Éditions du sous-sol) et Gérard Berréby (Éditions Allia), Feuilleton est une entreprise éditoriale à contre-courant. Ni édito, ni note d'intention, aucun commentaire, si ce n'est quelques indications bibliographiques : la revue est avant tout un espace dédié au texte et au temps suspendu de la lecture curieuse et attentive. Pour sa première livraison, Feuilleton nous emmène en Afghanistan, en Amazonie, à Tokyo... Entre journalisme et littérature, une mise en perspective captivante du monde tel qu'il va.
Feuilleton, revue à suivre en librairie, chaque trimestre (15 euros)
Louise Champiré