Galerie de monstres au Jeu de Paume
sam, 11/26/2011 - 00:43
Il n’y a pas que des monstres dans les foires et les cirques. Les monstres parcourent les rues de New-York, les parcs, les camps de vacances, et rentrent ensuite chez eux, pour se réfugier dans leur intimité. Parce que ces monstres, ce sont nous, les hommes. Ou du moins les hommes des années soixante qu’a saisis Diane Arbus sur ses pellicules.
La photographe a en effet passé sa vie (1923-1971) à la recherche des freaks, personnages en marge et hors du commun. Géants, nains, transsexuels et transformistes, mais aussi jumeaux, triplés, siamois. Cependant, devant la sensibilité et la faiblesse – tellement humaines – de ces êtres, le spectateur s’interroge. Les femmes de la bonne société américaine qui se fardent, s’ornent de fourrures et de plumes, les participantes aux concours de beauté et les culturistes sont-il vraiment moins "monstrueux" ?
Diane Arbus montre à quel point les frontières entre beauté et monstruosité, entre familier et exotique, sont minces, à quel point les genres et les âges peuvent parfois se confondre. Alors, l’humanité ne serait-elle qu’une vaste galerie de monstres ? La photographe semble penser que non, comme en témoigne la pudeur et l’humour affectueux qui se dégagent de la série de clichés Untitled qui représentent des handicapés mentaux fêtant Halloween.
Si Diane Arbus a révolutionné la photographie et plus précisément l’art du portrait, c’est par la puissance de son œuvre, qui repose sur l’effet frontal, sans médiation, de ses photographies en noir et blanc. Elle montrait ce qui est, dressant le portrait brut d’une Amérique ambigüe et diverse, familière et bizarre.
La rétrospective organisée par le Jeu de Paume constitue une première en France, et on retrouve parmi plus de deux cents clichés les photos les plus célèbres de Diane Arbus (les Jumelles identiques, qui ont inspiré à Kubrick les jumelles fantomatiques de Shining, l’Enfant avec une grenade en plastique dans Central Park ou le Jeune homme en bigoudis chez lui) mais aussi des œuvres plus rares et même inédites (dont de surprenants autoportraits de la photographe enceinte).
Nulle organisation chronologique ou thématique des photographies. Choix délibéré des organisateurs de l’exposition, qui y voient l’occasion d’instaurer une intimité entre le spectateur et l’œuvre. Chacun opère ses propres rapprochements, tente de discerner le vrai du faux, et reste avec des questions sans réponse, à juste titre si l’on en croit l’artiste elle-même : « Une photographie est un secret sur un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en savez. »