Imaginer la ville de l'an 2000
mer, 11/30/2011 - 23:30
Les gratte-ciel de Manhattan, une nuit de 1925. Metropolis serait né d’un voyage à New York, même si le scénario avait déjà été écrit. Le film est tourné entre 1925 et 1926 dans trois des plus grands studios de Neubabelsberg, dans la banlieue de Berlin. Des décors gigantesques, des milliers de figurants, six millions de marks, 311 jours et 60 nuits de tournage, tout dans la genèse de ce muet apparaît hors-norme. Pourtant, dans les salles, le succès n’est pas au rendez-vous. Le film est jugé trop long, on le coupe, on change certains plans de place. En France, l'Alliance cinématographique européenne monte une version courte. Aux Etats Unis, le film, comme Les Rapaces d'Erich von Stroheim (1925) ou Napoléon d'Abel Gance (1927), est amputé de plusieurs scènes par les producteurs et financiers de l'époque. Et c’est cette dernière version, distribuée par Paramount et montée par le romancier Channing Pollock, qui servira d’étalon pour retailler toutes les autres copies. Le film sombre peu à peu dans l’oubli.
Ce n’est que vingt ou trente ans après qu’on le redécouvre, et, depuis les années 1970, tous les dix ans, une nouvelle restauration remet Metropolis sous les projecteurs. Cependant, jusqu'à présent, il manquait toujours des scènes importantes, disparues lors des remontages opérés à l’époque. Ce n'est qu'en 2008 qu'une version du film dans son métrage d’origine est découverte dans les collections du Museo del Cine de Buenos Aires. Aujourd’hui, grâce à cette trouvaille, quasiment tous les plans manquants, près de 25 minutes réparties sur tout le film, ont repris leur place. Restauré par Martin Koerber, le film de Fritz Lang a retrouvé presque tout son sens originel. Détail amusant, les qualités diffèrent entre la version que l’on était parvenue à obtenir et les plans que l’on a extrait de la copie de projection en 16mm, retrouvée à la cinémathèque argentine. Il est alors très facile de repérer ce qui appartient à ces derniers rushs, ce qu’on n'avait jamais vu.
Metropolis est donc ressorti dans cette nouvelle version en salle ainsi qu’en DVD et Bluray. A cette occasion, se tient à la Cinémathèque française jusque fin janvier une exposition autour de ce film, de Fritz Lang et des cités futuristes dans le cinéma. Elle propose des projections, mais aussi expose des dessins originaux des décorateurs, une reconstitution par Walter Schulze-Mittendorff du célèbre robot, d’autres costumes, et de nombreuses photos de plateau…
Si même le commissaire de l'exposition consent à dire que Metropolis ne constitue peut être pas l’un des plus caractéristiques des films de Fritz Lang, même parmi les muets, il a néanmoins marqué durablement l’imaginaire du film de science-ficton des années 1920 à aujourd’hui. On pense aux visions ahurissantes de gratte-ciel titanesque, entre deux tours se faufile une voiture volante... On pense aussi à cette ville à deux visages, les puissants qui toisent du haut de leur building les pauvres, une foule d’ouvriers qui marche en cadence dans les bas-fonds de la ville. Enfin, le robot dans son nid de cercles de feu annonce tous les fantasmes techniques à venir : robots, mais aussi machines télécommandées, clonage ou manipulation génétique et même conquête spatiale...