La Fabrique des Images
ven, 01/21/2011 - 00:26
Le monde occidental nous apparaît chaque jour de plus en plus uniforme et neutre. Malgré un espace dédié réduit, cette exposition temporaire du Quai Branly tente de redonner sa grandeur et sa diversité au monde et se propose de débattre avec l’uniformisation.
Philippe Descola est un grand anthropologue français. Il occupe aujourd’hui la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France et est directeur d’études à l’EHESS. L’exposition la Fabrique des Images dont il est l’instigateur est une vulgarisation de ses actuelles recherches. Celles-ci s’inscrivent dans la lignée de celles de Claude Lévi-Strauss qui tentait de nous faire prendre conscience de la richesse culturelle du monde non occidental. Cette exposition se propose d'atteindre l’objectif premier du Quai Branly : soumettre au monde occidental une approche décentrée de notre point de vue européen. En effet son devoir initial était de nous faire prendre conscience de l’ethnocentrisme dont nous sommes à la fois victimes et responsables. En d'autres termes, le musée des Arts Premiers devait nous inviter à nous intéresser non seulement à l'art de ces sociétés, mais aussi à leurs culture et modes de représentations sociales. Si le Quai Branly n’a pas su dès le départ affirmer cette ambition, cette exposition tente de s’en rapprocher. La Fabrique des Images se divise en cinq parties : les quatre visions du monde que Philippe Descola a définies : animisme, naturalisme, totémisme, analogisme ; pour terminer la cinquième partie intitulée le Mirage des ressemblances a une vocation comparative. Les œuvres exposées sont observées selon des angles de vue différents (ce qui est novateur). Chacune de ces visions nous est présentée successivement, avec des œuvres souvent sculptées, parfois peintes, ou encore rapportées lors de reportages vidéo.
Limite entre l'homme et l'animal
Hélas, le visiteur est trop fortement traité comme un passant. On nous suggère des visions différentes mais il manque les moyens pour y entrer. Ces mondes sont pourtant extraordinairement variés et riches. Les œuvres exposées sont pour certaines magnifiques comme le masque yup’ik de corbeau. D’autres demandent un investissement important comme les représentations picturales aborigènes incroyablement complexes et colorées. Ce qui fait le plus défaut dans cette exposition est sans doute la parole. Car si ces cultures existent, elles ont la particularité de raconter des histoires, des rêves… Elles ont pour point commun le dialogue entre la voix (humaine) et le cri (animal). Or il n’y a aucun son dans cette exposition. On aimerait portant entendre, écouter et entrer dans ces univers où la limite entre l’homme et l’animal n’existe pas. Un exemple de notre avancée technologique est donné avec une vidéo montrant des images par RMF (images par résonances magnétiques fonctionnelles). On peut apercevoir les lieux de production d’une idée dans notre cerveau. Si l’on voit clairement les zones cérébrales utilisées, ce qui est certes formidable quelque part, nous pouvons surtout voir notre incapacité à visualiser cette idée ainsi que notre incapacité à la partager. Cette exposition tente de nous enseigner que malgré nos avancées technologiques, certaines questions demeurent inconnues, et les réponses sont rares. Une invitation au respect de la diversité du monde.
Si l’homme occidental cherche à rationaliser son environnement, au travers notamment de cette dualité nature-culture, cette exposition a le mérite de donner des arguments à ceux qui voient le monde différemment de nous. Et demandons-nous une fois pour toutes : que peuvent-ils nous apporter ?
Jules Le Fèvre
Du 16 Février 2010 au 17 Juillet 2011
Mardi, mercredi et dimanche de 11h à 19h - nocturne le jeudi, vendredi et samedi jusqu'à 21h
Informations : 01 56 61 70 00
Tarif : billet 7 € (plein tarif) / 5 € (tarif réduit)
Gratuit pour les 18-25 ans
Gratuit pour les 18-25 ans
Musée du quai Branly
37, quai Branly
75007 Paris
37, quai Branly
75007 Paris
Métro 9 : Alma-Marceau