« Art du jeu, jeu dans l'art ». Un titre magnifique pour une exposition riche et originale. Le chiasme lie subtilement le jeu à l'art, comme sujet et objet artistique. Jusqu'au 4 mars 2013, le musée de Cluny dévoile des œuvres relatives au jeu, de l'Antiquité au Moyen Âge (et même parfois jusqu'au XVIIe siècle), de Babylone aux terre profondes de l'Écosse et de ses ancêtres Vikings. À découvrir absolument !
   

    Située dans le frigidarium du musée - après l'exposition consacrée à la Croatie médiévale et ses étonnants reliquaires anthropomorphes -, "Art du jeu, jeu dans l'art" attire et charme par ses couleurs rouge et noire. Chaleureuse et sobre. Les objets présentés sont très variés : jeux de tables, jeux d'échecs, cartes, dés, mais aussi peintures, enluminures, vitraux, miroirs gravés, vases antiques, etc. Ils viennent des musées de Paris, de certaines régions françaises, de Londres, de Bruxelles, de Rome et du Metropolitan Museum of Art de New York dont l'œuvre unique du « jeu du chien et du chacal » est la pièce maîtresse de l'exposition, sa tête d'affiche. 

   L'exposition est divisée en plusieurs parties, à la fois chronologiques et thématiques, si bien qu'on ne sait parfois pas trop de quel côté se diriger. Les œuvres numérotées semblent cependant indiquer un ordre défini, difficile à cerner. Les trois premières parties, « âges perdus, jeux retrouvés », « les jeux en occident » et « une archéologie du jeu », se focalisent sur les jeux de tables. Du croissant fertile aux pays d'Europe, de l'Antiquité au Moyen Âge, on peut voir les jeux évoluer, en gardant plus ou moins les mêmes formes : le jeu du serpent, mehen, n'est pas sans rappeler notre jeu de l'oie ! Après une petite partie de marelle, trictrac ou d'échecs, le visiteur peut s'émerveiller devant les cartes peintes, véritables tableaux miniatures où se mêlent feuilles d'or et d'argent.

     Le second temps de l'exposition s'interroge davantage sur la dimension symbolique du jeu. Si le jeu de hasard et de dés semble avoir fait l'objet de condamnation par l'Église et les monarques du Moyen Âge - sans succès ! -, les échecs, eux, deviennent un jeu noble, associé aux rois (Saint Louis ou Charlemagne) ou aux saints (saint Augustin). C'est Palamède, chevalier babylonien à l'écu échiquéen, qui initie ses compagnons occidentaux aux jeux d'échecs. Affrontement allégorique, ces derniers renvoient également à un "champ de bataille", et à "la conquête amoureuse". Une enluminure magnifique représente Tristan et Yseult dans leur barque, jouant aux échecs, cherchant à prendre le roi de l'autre. Prise d'un cœur au sens figuré, mais aussi littéral. De la vie à la mort il n'y a qu'un pas, et le jeu est aussi un pari pris avec la Mort, une figure qui vient remplacer celle de l'amante dans les parties d'échecs représentées dans les gravures de la fin du Moyen Âge. Ce dernier thème, « son destin sur un plateau », vient clore un voyage à travers le temps et l'espace.

 

 

  

 

 

 

 

    On ressort de cette exposition un peu plus savant, grâce à la richesse des panneaux d'informations et des petites anecdotes sur tel ou tel objet ; et peut-être manque-t-il au fond un aspect ludique. Pour les plus téméraires, qui osent affronter le froid et la pluie, un échiquier géant se trouve dans la cour. Le point fort de l'exposition reste sa mine d'informations et la beauté des objets présentés. On se souvient surtout des innombrables petites pièces et pions en bois de cerf, en os de cétacé, en ivoire de morse, en verre ou en cristal de roche ; tour à tour babouin, lion, petit homme, éléphant ; tous plus surprenant les uns que les autres.

                                                                                                    C.L

"Art du jeu, jeu dans l'art", au musée de Cluny jusqu'au 4 mars 2013. gratuit pour les moins de 26 ans, tarif réduit 6.5 euros, plein tarif 8.50 euros.