Le gamin et le paradis perdu

lun, 12/05/2016 - 20:03



 

 

 

 

 

        "Les hommes n'ont nul besoin de mots, ici, en pleine mer. La morue se fiche des mots, même des adjectifs comme sublime. La morue ne s'intéresse à aucun mot, pourtant elle nage dans les océans, presque inchangée, depuis cent vingt millions d'années. Cela nous apprend-il quelque chose sur le langage? Eh bien, nous pouvons peut-être nous passer de mots pour survivre, mais nous en avons besoin pour vivre."

Entre ciel et terre, d'une force hypnotique, parcoure les gouffres de l'âme et de la pensée humaine. C'est aussi une déclaration d'amour aux mots, ces "cohortes de sauveteurs", qui détournent Barour et le gamin, pêcheurs à la morue en Islande, de l'adversité de la vie et de la mer. Une passion, une connivence, incomprise des autres pêcheurs. C'est dans ces contrées lointaines que les deux garçons vivent, entre ciel et terre, entre l'aprêté des eaux froides et le répit des nuits. 

Barour, trop occupé à réciter les vers du Paradis perdu de Milton, oublie sa vareuse en mer. Une erreur qui lui sera fatale. Les mots nous éveillent au monde mais nous mettraient, aussi, en danger. Le gamin, choqué par la perte de cet ami qui lui est cher, se donnera pour mission de rendre le livre à son propriétaire, le capitaine Kolbeinn ; tout comme eux passionné de poésie. Un voyage périlleux et initiatique, une manière aussi pour le gamin de savoir s'il veut continuer à vivre.
Mais le centre de leur monde est un pays dans lequel "les montagnes sombrent dans l'eau", et parfois, les gens avec.

Un roman sur la rudesse de la vie de pêcheur, une métaphore qui touche en réalité à l'universalité de notre condition.

Entre ciel et terre - Jon Kalman Stefansson
Editions Gallimard