Le peigne de Cléopâtre : ce n'est pas ce que vous croyez
lun, 01/11/2016 - 21:19
Derrière ce titre énigmatique et apparemment inoffensif, se cache le nouveau roman drôle et cruel de Maria Ernestam. Deux ans après Les oreilles de Buster, l'auteure suédoise nous emporte à nouveau dans un récit psychologique haletant.
"Les gens ont des problèmes ? Nous les résoudrons". Telle est la vocation de la S.A.R.L. Le peigne de Cléopâtre, fondée par trois amis de longue date : Mari, Ana et Frédrick. La jeune PME se développe rapidement. Un jour, Elsa Karlsen, la vieille voisine d'Anna, vient les trouver afin qu'ils l'aident à éliminer son époux, un homme tyrannique et violent. Malgré l'alléchante récompense promise, les trois associés ne peuvent envisager de rendre un tel service.
Pourtant, quelques jours plus tard, l'aimable voisine vient leur exprimer sa gratitude : son mari est décédé, et elle ne manquera pas de venir les dédommager rapidement. "Je me suis rendu compte que l'imparfait était un temps merveilleux pour parler d'un époux comme lui" ajoute-t-elle avec joie.
Le ton est donné : avec un humour noir et grinçant, le récit entraîne le lecteur dans l'exploration des tréfonds les plus sombres de l'âme humaine. Alors que leur entreprise semblait se dérouler sans difficultés, la mort d'Hans Karlsen vient fissurer la belle amitié d'Ana, Mari et Fredrick. Chacun se trouve confronté à ses propres doutes, et, peu à peu, resurgissent des secrets d'enfance enfouis, des blessures amoureuses jamais cicatrisées, des anciens traumas refoulés.
Avec un froid détachement presque déstabilisant, Maria Ernestam nous décrit subtilement la psychologie de ses personnages. Peu à peu, à mesure que ceux-ci se perdent dans les affres du passé, l'auteure joue aussi à égarer son lecteur ; effaçant les noms, brouillant les pistes. Son style est vif, incisif, percutant : dans les moments les plus palpitants, les phrases se font de plus en plus courtes, jusqu'à n'être plus que des mots juxtaposés.
Si les personnages de Maria Ernestam nous émeuvent, nous étonnent ou nous terrifient, c'est qu'ils explorent pour nous le champ des possibilités humaines. "L'auteur, à travers des égos expérimentaux - personnages - examine jusqu'au bout quelques thèmes de l'existence" (L'art du roman, Milan Kundera). Dans Le peigne de Cléopâtre, l'existence n'est jamais banale ou insipide ; et il vous faudra attendre les dernières pages du roman pour que se défassent les derniers noeuds d'une intrigue diaboliquement et délicieusement bien embrouillée.
Juliette Pacalet, Gaëlle Vizy, Anna Koriagina