Le top 10 des temps forts du Pitchfork Music Festival
dim, 11/16/2014 - 05:50
Du 30 octobre au 1er novembre, la Grande Halle de la Villette accueillait la 4ème édition du Pitchfork Music Festival. Devenue une véritable franchise, le webzine musical américain Pitchfork Media crée en 1995 a lancé son propre festival en 2006 à Chicago avant de s’exporter à Paris en 2011. Le festival est devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs de musique rock indé, pop et électro. Pendant 3 jours, pas moins de 28 concerts se sont déroulés pour le plaisir de plus 20 000 spectateurs venants de toute l’Europe.
Que retenir de cette 4ème édition du festival ?
Nous y étions, et nous vous livrons les 10 temps forts de ce week-end exceptionnel de musique, entre découvertes de nouveaux talents et intronisation d’artistes confirmés.
10/ Kwamie Liv
Depuis la création du site, les fondateurs de Pitchfork mettent un point d’honneur à faire découvrir de jeunes groupes encore peu connus du grand public. Au fur et à mesure que leur magazine gagne en visibilité et en notoriété, ils jouent de plus en plus un rôle de tremplin pour ces artistes. C’est le cas pour Kwamie Liv, jeune Dano-zambienne dont le premier EP Lost in the Girl a été vivement remarqué par les critiques de Pitchfork, et qui lui offraient le 31 octobre l’occasion de se produire sur scène pour la première fois. Maniant le R’n’B avec une classe certaine, la chanteuse à la voix de velours et la beauté dangereuse alterne des morceaux intimistes à la sensualité éthérée avec des petits bijoux pop et dansants. Le set est trop court, le public conquis reste sur sa faim.
9/ Movement
Le R’n’B contemporain était définitivement bien représenté lors de cette édition du Pitchfork. A l’instar du trio australien Movement, qui a séduit la Grande Halle de la Villette. Leur musique à la fois minimaliste et luxueuse nous plonge dans une atmosphère à la fois froide et sensuelle. Le chanteur Jessie James Ward a une chaleur et une sensibilité dans la voix qui ne trahissent pas. A découvrir.
8/ Son Lux
Sous le pseudonyme de Son Lux se cache le producteur-compositeur américain Ryan Lott. Cet aventurier de la musique électronique n’a plus besoin de confirmation après avoir réalisé deux albums majeurs cette dernière décennie : We Are Rising en 2011 and Lanterns en 2013. Les compositions hantées et élégantes de Son Lux prennent une dimension supplémentaire en concert, accompagné d’un batteur et d’un guitariste tout aussi talentueux que lui. La Grande Halle était un écrin à la juste mesure pour laisser exploser ses symphonies complexes: un grand moment.
The War on Drugs est une des révélations pop-rock de cette année 2014, mettant au goût du jour le classic-rock, aux sonorités 70’s, dans leur album Lost in the Dream. La prestation des canadiens était une des plus attendues du festival. Le charisme tranquille du leader Adam Granduciel, la force de ses textes, son talent de guitariste, sublimée par une orchestration d’ensemble riche (le saxophone, c’est rock), ont suffi pour être à la hauteur de l’évènement. Ils ont offert aux festivaliers un vrai moment de musique fédératrice en clôturant leur concert avec le tube “Red Eyes”.
6/ Jon Hopkins
Jon Hopkins est un musicien et producteur londonien. Dans sa jeunesse, il pratique le piano à haut niveau, suivant une formation classique au prestigieux Royal College of Music. Son adolescence dans les années 90 correspondant au renouveau de la musique électronique du aux innovations technologiques dont bénéficient notamment les synthétiseurs, Jon Hopkins se passionne pour la musique électronique. Ses compositions trouvent rapidement un succès critique et public, le prodige de l’electronica compose ses morceaux avec la même rigueur qu’un compositeur classique: chaque son est pesé, chaque titre est un voyage nous plongeant avec virtuosité à travers différentes émotions. La variété atmosphérique de ses compositions se joue dans le contraste entre séquences mélodiques et fort usage de beats, empruntant des influences autant à la dream pop qu’au dubstep.
Chaque concert qu’il donne est une expérience unique, sa prestation du 30 octobre à la Grande Halle de la Villette était remarquable car produisant un spectacle total. En effet ,le DJ associe ses compositions avec des images, aussi bien des clips sous forme de courts-métrages (qu’il mixe en direct en même temps que la musique) que des images abstraites et formes géométriques colorées. La qualité du son et de la mise en lumière du concert (excellents durant tout le festival) ont fait toucher au sublime les compositions de Jon Hopkins.
Future Islands est un groupe de synth-pop de Baltimore formé en 2006. Les anciens camarades de classe des Beaux-Arts de Caroline du Sud ont patiemment accumulé de la notoriété dans la scène indé locale, avant de signer chez le label 4AD qui a produit leur dernier album Singles en 2014 qui va définitivement les propulser sur le devant de la scène médiatique. L’album regorge de morceaux à l’efficacité tubesque, et les apparitions live à la télévision du groupe suscitent un engouement sans précédent (cf. la performance sur le plateau de David Letterman devenue virale sur Internet notamment grâce au charisme décalé du chanteur Samuel Herring et ses audacités vocales et chorégraphiques. Future Islands a réussi à faire l’événement le 31 octobre en débarquant sur scène en costumes d’Halloween, bien que le maquillage de vampire de Herring ne tînt pas longtemps, balayé par la sueur. En effet, Future Islands communique une énergie sans pareille, et le public danse comme jamais, en empathie totale avec le groupe. Le Pitchfork est animé d’une ambiance foncièrement festive qui s’était fait attendre.
4/ Foxygen
Les californiens Foxygen, eux aussi, voient leurs concerts comme des shows à part entière. Le groupe rock psychédélique ne cesse de gagner en notoriété et ont créé l’événement dans la scène indé en sortant en octobre un double album Foxygen and Star Power acclamé par la critique. Ils sont surtout connus pour leurs performances live électrisantes.Le noyau du groupe les amis d’enfance Jonathan Rado (multi-instrumentiste surdoué) et Sam France (chanteur exubérant à la présence scénique explosive) sont accompagnés en concert par trois autres musiciens et trois choristes en baskets et robes pailletées. Pendant une courte heure défilant comme une comète, les californiens ont mis à feu et à sang la scène du Pitchfork ce 1er novembre, alternant rock tendre et réjouissant avec explosions psychédéliques. Pour la première fois, le festival est investi d’une énergie et d’un esprit punk, le chanteur Sam France adoptant une gestuelle à la Jagger, laissant libre cours à ses démons, invectivant même le public d’un “fucking hipsters!”. Une orgie musicale cathartique, un joyeux bordel libérateur.
Se sont hissés sur le podium les artistes qui ont prouvé lors de leur prestation au Pitchfork une classe supérieure, qui se sont élevés vers des cimes d’élégance. Annie Clark alias St. Vincent en fait partie. La chanteuse américaine de 32 ans a sorti 4 albums, dont deux figurants parmi les plus acclamés par la critique cette dernière décennie. Le dernier, éponyme, né d’une collaboration avec l’ex-Talking Heads David Byrne marque un tournant dans l’esthétique de l’artiste. Elle explore dorénavant un univers rock futuriste, avec des textes corrosifs, et un look bowiesque de prêtresse glam-rock. Elle livre au public du Pitchfork le 1er novembre un show ultra-maîtrisé, chorégraphié, sans faille. La chanteuse réussit tout de même à trouver une liberté au sein de sa propre mise en scène, et offre un moment d’une générosité incroyable, démontrant notamment sa virtuosité à la guitare et l’originalité renversante de ses chansons.
Pitchfork n’a pas choisi n’importe qui pour clôturer le premier jour du festival. Le jeune prodige anglais avait déjà livré une des performances les plus marquantes de l’édition 2012. James Blake est à la fois un compositeur-producteur de musique électronique, et un auteur-interprète au talent déjà unanimement reconnu, il a notamment remporté le prestigieux Mercury Prize en 2013. La richesse de sa musique tient dans l’alliance inédite d’un song-writing sensible, porté par une voix cristalline, avec une production électro et un traitement du silence d’une finesse infinie. C’est avec autant d’aisance que James Blake débute son concert avec une déferlante électro aux sonorités dance et hip-hop, enchaîne les tubes intimistes de ses deux albums James Blake et Overgrown comme “Limit to Your Love” ou “Retrograde”, et quitte le public avec un gospel a capella. Une grande leçon de classe.
1/ Caribou
Mais le tapis rouge était indéniablement déroulé à Dan Snaith, alias Caribou. Le compositeur-producteur canadien s’est affirmé ces dernières années comme un des grands de la scène électronique avec notamment le succès phénoménal de l’album Swim en 2010, disque inclassable entre electronica pointue et sensibilité pop affirmée. Cet été est sorti son nouvel album Our Love, également acclamé par la critique. Dan Snaith et ses trois compères de Caribou ont livré le 1er novembre un show de 1h30 à la hauteur des attentes. Le public a été transporté par leurs compositions hypnotiques et dansantes, aux textures et sonorités incroyablement variées. Le nouvel album de Caribou étant résolument moins introverti que le précédent, le set comprenait également des bombes deep house provoquant l’euphorie collective, dont le zénith fut un spectaculaire lâcher de ballons sur leur dernier tube "Can't Do Without You" qui acheva de déchaîner la foule. Une performance virtuose et triomphale qui restera dans les mémoires.
Le Pitchfork Music Festival a eu lieu du 30 octobre au 1er novembre 2014 à la Grande Halle de la Villette à Paris. Les concerts ont dans leur quasi-intégralité été filmés, il est possible de les visionner sur le site de francetvinfo culturebox.
Milena Mc Closkey.