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Les Dessous de l'Opéra Comique

Invités à visiter l'Opéra Comique de Paris, nous avons pu découvrir cette institution en suivant la voix et les pas de son dramaturge et conseiller artistique, Agnès Terrier. Cette dernière nous emmène d'abord dans la salle de spectacle, la salle Favart, troisième du nom (les deux premières ont brûlé). Les yeux s'écarquillent et les bouches s'arrondissent. Nous sommes tous stupéfaits par sa beauté. Reconstruite sur les modèles précédents, la salle Favart conserve l'architecture, le faste et l'acoustique des grandes heures du théâtre lyrique français.


Avec ses 1250 places, l'Opéra Comique est l'une des salles lyriques les plus intimes de Paris. La loge de Marie-Antoinette nous fait face, et avec Agnès Terrier, nous imaginons des liaisons qui se nouent et se dénouent derrière des portes dérobées, tandis que Don Giovanni ou Carmen se jouent sur scène. Balzac, Flaubert et Dumas sont dans la salle, peut-être dans les baignoires, là où les places sont les plus prestigieuses.


La dramaturge nous entraîne ensuite dans le foyer, sorte de vaste hall d'entrée retraçant l'histoire de l'opéra-comique. Les peintures qui s'étalent sur les murs évoquent la naissance de ce genre, constitué au départ de parodies, d'opéras à la mode ou de pièces de la Comédie Française jouées par des comédiens en costumes de commedia dell'arte. On chante, on parle (à cet effet, rappelons que  dans "opéra-comique", le terme "comique" ne signifie pas que le rire est obligatoire mais que les morceaux chantés s’intègrent à du théâtre parlé), et habillé en Arlequin, Scaramouche ou Pantalon, on emprunte des airs célèbres en changeant les paroles. Un art du décalage et du burlesque prend ainsi forme. Le succès ne se fait pas attendre, le public qui sort d'une pièce prend l'habitude d'aller voir sa parodie juste à côté, mêlé à la foule des badauds qui n'ont jamais mis les pieds à l'opéra. Face à cet engouement, le duc de Choiseul offre en 1780 un terrain destiné à l'édification d'un théâtre dédié à l'opéra-comique. L'inauguration a lieu trois ans plus tard. La salle Favart devient le berceau de l'art lyrique français, et l'Opéra Comique l'institution que l'on sait.


Notre guide nous emmène ensuite dans la salle Bizet. L'ancien atrium qui accueillait les abonnés au niveau des rues a été récemment aménagé pour accueillir des concerts et des colloques. C'est justement ici que nous allons avoir le privilège d'être initiés aux secrets de la régie de l'Opéra-Comique, grâce à Nicolas Jacquart et Hervé Barillet. Nicolas, directeur technique adjoint, précise d'abord que la salle Favart suit l'agencement d'un théâtre à l'italienne. Et comme tous les théâtres à l'italienne, elle possède un cadre de scène déterminant la frontière entre le plateau et la salle. Nous apprenons que le plateau est divisé en plusieurs segments qui le fragmentent, afin de dissimuler les éléments permettant de changer le décor. La scène est légèrement en pente, afin de donner une impression de profondeur à l'ensemble.


Nicolas Jacquart évoque ensuite l'équipe qui constitue la cage de scène. Ces techniciens se composent des machinistes, qui manipulent les ceintres, et  qui s'occupent des montages et des changements sur le plateau. Il y a aussi les accessoiristes, qui recherchent en amont les accessoires nécessaires au spectacle et s'occupent de leur  conservation pendant celui-ci, ainsi que les habilleurs, qui prennent en charge l'entretien des costumes et qui aident les artistes à se changer. On compte également des maquilleurs, des coiffeurs, ainsi qu'un régisseur général, qui coordonne tous ces corps de métiers au service de l'artistique. Ce régisseur général est chargé de rédiger une "conduite" sur toutes les actions à mener lors d'une représentation.


Si le directeur technique adjoint n'a pas parlé des éclairagistes, c'est parce qu'Hervé Barillet est spécialiste des lumières à l'Opéra Comique. Hervé nous apprend que la scène était d'abord éclairée à la bougie et au gaz avant l'arrivée de la fée électricité (d'où les incendies qui ont détruit les deux premières salles Favart). C'est l'électricité qui a permis de faire de la lumière l'élément artistique incontournable de la mise en scène qu'on connaît aujourd'hui. Les éclairagistes travaillent main dans la main avec le metteur en scène pour créer toutes les ambiances du spectacle, et les transitions entre chaque état lumineux. Les représentations actuelles nécessitent une installation qualifiée d'"industrielle" par Hervé : 3 à 400 projecteurs sont utilisés pour les spectacles, sans compter les lustres. 


L'Opéra Comique a pu rester autonome jusqu'en 1939, et posséder son répertoire, sa troupe, son orchestre et son personnel. Cependant, ses difficultés financières amènent l'Etat à le faire fusionner avec l'Opéra de Paris dans le cadre de la Réunion des Théâtre Lyriques Nationaux (R.T.L.N). Le budget alloué à l'Opéra Comique est dix fois inférieur à celui de son grand frère, ce qui lui fait perdre son caractère, sa qualité de production et son authenticité. En 1989, l'Etat décide de retirer à l'Opéra de Paris la gestion de la salle Favart. Seize ans plus tard, l'Opéra Comique retrouve son statut de Théâtre national, ainsi qu'une vraie subvention qui lui permet d'engager des "forces artistiques", selon Agnès Terrier.


L'institution prône depuis un véritable travail de reconstitution historique, en choisissant de programmer le répertoire créé originellement pour la salle Favart.


Vincent Dégremont et Dominique Dani