Alors que la Lulu de Berg quitte les planches de l'Opéra Bastille, la revoilà au Théâtre de la Ville où elle pousse également la chansonnette : à croire que l’héroïne de Wedekind se prête bien au genre musical ! La troupe du Berliner Ensemble, dirigée par Bob Wilson, présente une nouvelle adaptation de l'oeuvre du dramaturge allemand. Lulu devient une icône rock. Et qui d’autre que Lou Reed pour signer la bande originale de cette réinvention survoltée ?
   Egérie de toute une génération et compagnon de voyage du metteur en scène, le rockeur new-yorkais a écrit pour son compatriote dix textes inédits dédiés à la célèbre femme-enfant victime de sa beauté, mis en chant de manière plus ou moins égale par la troupe du Berliner. Ce choix, outre qu'il amplifie indéniablement le côté blockbuster de la pièce (on tentera de me racheter ma place pour la modique somme de 200 euros), vient contraster avec l’esthétique wilsonienne. Le rock tantôt électrique, avec ses riffs explosifs et anguleux, tantôt lyrique à la limite du kitsch, joué en live par un orchestre que dirige Stefan Rager, vient réchauffer une mise en scène en noir et blanc, froide, aseptisée. Et si la chronologie décousue de la pièce en perd certains au passage, la reprise de Sunday Morning pourra servir de repère éphémère, teinté de nostalgie. 
   Mais Lou Reed ne se contente pas de composer la musique pour son ami Bob. Il choisit de garder la trace de ce travail à travers une collaboration pour le moins surprenante avec le groupe de heavy metal Metallica. Très mal reçu par la critique, l’album se distingue de la pièce : Lou Reed chante (dit ?) ses textes sur une musique aux sons saturés qui ravira certainement les métalleux, mais décevra peut-être les fans du leader du Velvet Underground.  
   Une chose reste indéniable, pourtant : Lou Reed se plaît à traverser les genres – expression qui, on peut le dire,  sied parfaitement à la mythologie du chanteur. De la scène de concert à la scène de théâtre, du glamrock des années 1970 au heavy metal des années 1990 : à soixante-dix ans Lou se réinvente encore et toujours.


Lulu était joué jusqu'au 13 novembre au Théâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d'Automne. Durée : 3h entracte compris. En allemand et en anglais, surtitré.
À lire : Lulu de Lou Reed. Textes du CD Lou Reed et Metallica et textes additionnels écrits pour le spectacle de Robert Wilson. Collection Fiction & Cie, au Seuil, 2011 (8€).


Et pour écouter l'ensemble de l'album, c'est par ici!

Marie Bédrune