C’est un homme fatigué et désillusionné qui arrive en Amérique, en 1947. Max Beckmann a vécu la première guerre mondiale et fut démobilisé en raison d’une dépression nerveuse. Il s’est exilé à Amsterdam en 1933, où il a connu la solitude et la pauvreté, pour échapper à l’oppression nazie. Son œuvre est intemporelle ; elle est pourtant le témoin des grands drames qui ont déchiré l’homme et son siècle. En cette fin d’année 2011, le Städel Museum de Francfort rassemble pour la première fois les dernières œuvres de Beckmann, venues du Metropolitan Museum of Art de New York, de la National Gallery of Art de Washington et du Städel Museum lui-même, afin de rendre hommage à l’un des plus grands artistes du XXème siècle.

L’exposition Beckmann & Amerika s’organise autour de 110 œuvres, dont 41 peintures, des sculptures, des dessins, des gravures et des monographies dont la plupart étaient déjà présents au Städel Museum, puisque Max Beckmann vécut à Francfort de 1915 à 1933 et enseigna l’art à la Städelschule. Les créations de cet artiste allemand s’inspirent de sa propre vie, de l’histoire – et de celle de l’Allemagne en particulier – et de la mythologie. Max Beckmann est un européen, mais aussi un artiste international. Au cours de sa vie ponctuée de voyage, il a acquis une renommée mondiale. Lorsqu’il est arrivé en Amérique, il était déjà considéré comme « the most powerful German Expressionists », formulation qui apparaissait dans le catalogue de l’exposition « Art in Our Time » (MoMA, 1939). Avec Beckmann & Amerika, le Städel Museum a pour projet de replacer l’œuvre de Beckmann dans son contexte, de montrer l’évolution de son art tout en s’intéressant à la psychologie du personnage. La découverte de l’Amérique fut pour l’artiste une riche source d’inspiration, et l’atmosphère de ses métropoles et paysages sauvages se ressentit de cette confrontation à l’étranger. Dans le théâtre de ce nouveau monde, théâtre qu’il aime tant à mettre en scène, il se replonge dans ses souvenirs, observe les gens, les villes et les campagnes, peint encore et encore la cruauté et la beauté de ce qui l’entoure. Beckmann reste fidèle à lui-même, mais sa technique évolue, si bien que ses œuvres tardives ne donnent jamais l’impression d’être une répétition du passé.

Trois tryptiques fascinants sont au cœur de l’exposition : The Beginning, Departure, et Die Argonauten. Aujourd’hui encore, Beckmann interroge son public à travers ses peintures, le dérange, et le place face au théâtre du monde et à sa propre intimité. « Dabei tritt den Besuchern der von Jutta Schütt kuratierten Ausstellung in Frankfurt der Mythomane und Symbolfetischist Beckmann in seiner ganzen Wucht entgegen »* écrivait Michael Hierholzer le 2 octobre dernier dans le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

* « Beckmann, ce mythomane et fétichiste du symbole, percute le visiteur de l’exposition organisée par Jutta Schütt à Francfort de toute sa violence »

              

 

 

Beckmann & Amerika au Städel Museum, Francfort. Du 7 octobre 2011 au 8 janvier 2012. Pour en savoir plus : http://www.staedelmuseum.de/sm/

 

 

 Laure Le Cloarec