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Quand le Théâtre du Châtelet s'exprime : Anne Marret et Thimotée Chaîne

Après une première rencontre avec Jean-Luc Choplin, le sémillant directeur du Théâtre du Châtelet, s'annonçait pour notre classe de MCEI un entretien a priori moins palpitant. Et pourtant, Anne Marret et Timothée Chaîne, respectivement attachée de presse et rédacteur web, transmettent aisément le plaisir qu'ils ont à exercer un métier moderne et passionnant.
 

Timothée commence par nous présenter son métier. Rédacteur web, a priori, cela peut sembler un peu obscur. En fait, il s'agit contrôler la communication internet du Théâtre du Châtelet afin qu'il soit au maximum émetteur de ses propres informations. Cela se traduit concrètement  par l'entretien actif des réseaux sociaux et surtout par l'alimentation du site, sa principale vitrine publique. Le site a deux fonctions principales : être le reflet de la politique du théâtre, de ses choix en matière de programmation et d'ouverture à de nouveaux publics et permettre la vente des billets de spectacle. Un quart des achats de places se font par internet, parfois même un tiers. Pourtant, il n'a pas été évident de démontrer l'utilité d'internet dans la stratégie de communication du Théâtre, il a fallu démontrer son utilité par un retour sur les ventes. Maintenant, le site reçoit 3000 à 3500 visiteurs par jour, voire même 5000 en période faste, c'est donc le fer de lance de la communication du Théâtre. Pour favoriser l'achat, le rédacteur web facilite l'accès à la billetterie en ligne ; le spectateur doit pouvoir y parvenir en trois clics. L'une des ressources pour fidéliser le public est de rendre le site attractif et surtout vivant. Le site ne doit pas être statique, il doit inciter les gens à aller voir les différentes rubriques et présentations des spectacles. Pour cela, Timothée met en ligne divers supports visuels, des images, des photographies et surtout des vidéos. Pour les gros spectacles, il met sur le site le suivi complet de la production, avec la captation vidéo d'une répétition ou de la création des costumes ou, plus traditionnellement, il réalise une bande-annonce ou filme un extrait chanté. C'est une façon de montrer qu'un théâtre de production ne vit que grâce au concours de nombreuses personnes, de mettre en avant la variété des métiers qui participent à la création d'un spectacle. Ce procédé est populaire, comme on peut le constater par le nombre de visionnages des vidéos sur le web. L'année passée, Timothée a mis en ligne quatre-vingt vidéos, c'est-à-dire environ une dizaine par grosse production. Néanmoins, si le fait d'être émetteur de ses propres images permet un contrôle des informations sur le théâtre, il faut respecter la sensibilité du public. Par exemple, le spectacle Sweeney Todd l'année passée était fort sanglant, Timothée a donc été particulièrement vigilant sur ce qu'il mettait en ligne.     
Ensuite, le rédacteur web lance sa campagne sur les réseaux sociaux. Comme le dit Timothée, « Avec Internet, on peut corriger le tir et de contrôler les informations qu'on donne ». Ainsi, toutes les vidéos sont postées sur Youtube et Timothée donne les images aux médias afin d'assurer leur visibilité. Le secteur de la communication web implique d'être toujours à l'affût de ce qui ce fait, de regarder partout les nouvelles idées et techniques pour imposer l'image du Châtelet. Par exemple, il a comme projet de monter un blog qui s'apparenterait à un journal de bord pour les grosses productions.
 
   Anne Marret prend alors la parole et commence par une mise en situation. Avec l'ancien directeur, le Théâtre avait une ligne de programmation claire, classique et chic. Cinquante pour cent des ventes se faisaient par abonnement, les spectacles s'attiraient un public fidèle et les contacts presse d'Anne leur faisaient presque toujours de bonnes critiques. Et c'est dans ce système bien rodé qu'arriva Jean-Luc Choplin. Ancien directeur d'Eurodisney, il suscite déjà la méfiance et la réprobation, mais lorsqu'il décide de commencer son mandat avec Le Chanteur de Mexico, le divorce entre le public du Châtelet et son directeur est consommé. Le Tout-Paris annonce la fin du Théâtre du Châtelet, les abonnements ne sont pas renouvelés et le monde de la presse est déstabilisé ; on critique la ligne de programmation qui semble floue et hétéroclite, le manque de qualité artistique présumé. Comble d'infamie, le traditionnel logo Châtelet est fragmenté et modernisé en rose fluo. « Un vrai défi pour une attachée de presse !» assène Anne.
Qu'à cela ne tienne. La jeune femme repart à zéro et s'adresse à des médias différents, plus populaires et moins enclins à détester par principe Lopez, le compositeur du  Chanteur de Mexico. Elle passe du Monde au Parisien et se tourne davantage vers la télévision. La bonne nouvelle, c'est que ces médias qui les boudaient lorsqu'ils avaient un répertoire classique leur déroulent maintenant le tapis rouge. Avec le succès, la confiance revient et les autres médias suivent.
Mais il ne faudrait pas se tromper sur les fondements de son métier. Etre attaché de presse c'est délivrer l'information  sans s'occuper de son traitement ultérieur. Anne Maret donne à ses interlocuteurs des faits, des données vérifiables, ce qui permet d'établir avec eux une relation de confiance. Pour cela, elle compose des dossiers de presse ou des dossiers de saison à partir des éléments, parfois maigres au départ, dont elle dispose. Elle ne sait pas plus que ses partenaires ce que va donner le spectacle car ce travail intervient en amont de la production, c'est donc un pari qu'elle prend à chaque fois. Elle relance la presse et propose à ceux qui sont intéressés différentes options pour qu'ils se fassent une idée du spectacle, comme assister aux répétitions ou rencontrer le metteur en scène par exemple. L'une des petites astuces d'Anne est d'envoyer des dossiers de presse bien soignés et toujours par courrier et non par mail, afin d'interpeler son interlocuteur par une démarche peu commune. Elle communique avec absolument tout type de presse et comme il s'agit d'un petit milieu, elle connaît tout le monde.
L'arrivée d'internet a considérablement modifié son travail car aucun contrôle de l'information n'est possible sur la toile. Alors qu'Anne exige toujours un droit de réponse  quand des erreurs sont publiées dans la presse écrite, beaucoup d'inexactitudes passent sur internet. De plus, le net exige un travail de veille et d'adaptation permanent. Enfin, elle doit toujours s'arranger pour qu'entre la presse écrite et le web, ce soit toujours le journaliste qui garde la primauté de l'information.

Lorsque les MCEI sortent du Théâtre du Châtelet, ils sont galvanisés malgré le froid et la tempête. Les conseils distillés par Anne et Timothée durant tout l'entretien sont vraiment encourageants,  « de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace », ce qui nous permet, somme toute de considérer notre avenir professionnel sous un jour plus rassurant et plus enthousiasmant. 
 

Hélène COURAU