Rencontre avec Benjamin Lazar
Soumis par Anonyme le mer, 12/01/2010 - 17:30Opéra Comique fourmillant de chanteurs, scène grouillant d’artistes, salle remplie de techniciens, c’est dans cette ambiance de travail intensif que nous rencontrons Benjamin Lazar, répétant pour la première fois dans ce lieu mythique la tragédie lyrique Cadmus et Hermione dont il est le metteur en scène. Ce spectacle, déjà joué en 2008, Benjamin Lazar le place dans la continuité de l'une de ses pièces de prédilection, Le Bourgeois gentilhomme, et de son travail avec Le Poème Harmonique. Il a profité de l’opportunité qui lui était offerte de répéter à Royaumont, une ancienne abbaye qui s’est convertie en résidence pour des formations musicales, permettant ainsi de créer une unité scénique autour d’une production composée de professionnels, qu’ils soient jeunes ou confirmés. S’ensuit un mois de répétition à l’Opéra Comique.
Le choix de monter Cadmus et Hermione n’est pas anodin ; outre la relation avec ses travaux précédents, le jeune metteur en scène apprécie que Lully et Quinault aient ouvert la scène à un nouveau genre, une tragédie lyrique au goût des Français, qui conserve un lien étroit avec l’œuvre de Molière et ses personnages, Arbas n’étant pas sans rappeler Sganarelle. Démarche artistique encore en formation se nourrissant de l’ancien et dans les pas de laquelle Benjamin Lazar a voulu se placer.
C’est ce que le public peut percevoir lorsqu’il s’installe dans son fauteuil et entend la déclamation baroque des chanteurs. Il peut aussi sentir le besoin du metteur en scène de restituer le plaisir qu’il a pris à passer du temps avec une œuvre si singulière. Car Benjamin Lazar ne veut pas produire un spectacle élitaire, conscient que l'accés au théâtre peut représenter une démarche difficile, mais s’adresser à un public curieux. Ce dernier a bien un rôle dans la création de Lazar, et ne demeure pas simple spectateur : un jeu complexe de miroirs s’insinue entre lui et la scène, espace de projection de son imagination. Au-delà, le metteur en scène propose une réflexion sur la langue française en reconstituant la prononciation du XVIIe siècle ; il s’est donc lancé dans une recherche considérable, s’aidant du travail d’Eugène Green, de traités de déclamation de l’époque, de tableaux de Poussin et de toute une mémoire collective. Il s’agit ainsi d’explorer d’autres voies que celle du naturalisme lancée par le cinéma, de renforcer le discours de l’acteur par des gestes qui, à l’époque, étaient utilisés avec le naturel de l’aisance et s’opposent désormais au work in progress. Si tout n’est pas écrit, Benjamin Lazar et ses chanteurs-comédiens peuvent explorer une dimension de liberté, de création et d’improvisation.
Le théâtre, quant à lui, est fardé de toile peinte à la manière du XVIIe siècle et les costumes permettent de raconter un corps différent de celui du quotidien. Là encore, des gravures ont permis de reconstituer un décor d’époque, prenant aussi appui sur les codes d’alors comme ceux de la grotte. De quoi assouvir sa curiosité et imaginer quelle put être l'atmosphère des soirées de nos aïeux...