Rencontre avec le baryton David Serero
Il est des rencontres qui surprennent et enchantent ; celle-ci en fait partie.
Atypique, tel serait le mot qui caractériserait David Serero si on devait le décrire. Ce jeune artiste de vingt-huit ans qui gagne à être connu et reconnu a plus d’une corde à son arc : comédien, chanteur d'opéra depuis huit ans seulement, il parcourt autant les scènes internationales que parisiennes. Avec simplicité, modestie et humour, il revêt l’habit de l’interviewé et se prête au jeu. Découverte d’un baryton au parcours artistique diversifié, aux idées débordantes et éclectiques. Un artiste du peuple qui reste avant tout proche du public.
MCEI : Vous avez commencé à apprendre l’art lyrique en 2002, il n’y a pas donc si longtemps que cela. Qu’est-ce qui vous a attiré dans l’opéra ? Pourquoi avoir choisi cette voie ?
David Serero : J’aime communiquer, me mettre en scène. J’adore le théâtre et c’est ainsi que je suis arrivé à l’opéra. J’aimais chanter, jouer. Je faisais du théâtre et puis un jour on m’a fait travailler les comédies musicales. Les anciennes : South Pacific, My Fair Lady… A partir de là, je me suis dirigé vers l’opéra. En fait, j’ai toujours été attiré par la scène : j’ai d’abord commencé par être pianiste, puis j’ai suivi des cours d’art dramatique.
MCEI : Le fait d’être comédien vous a-t-il aidé ? Puisque l’opéra est un art qui réunit le théâtre, le chant et la musique.
D. S. : Non. Au début, pas du tout. Parce que je n’étais pas moi. D’ailleurs des amis m’ont fait remarquer qu’ils ne me reconnaissaient pas lorsque j’étais sur scène. Et quand je suis sur scène, je suis moi : j’essaye d’être heureux, de sourire, d’effacer tous les stéréotypes et tous les a priori qu’on pourrait avoir sur l’opéra. Je ne joue pas au chanteur d’opéra. Ce n’est pas ainsi que je suis dans la vie. Naturel, avec de la joie de vivre. Et c’est ce qui permet, en réalité, de faire vraiment ressortir mon identité. Je ne copie pas n’importe quel signe théâtral, peut-être parce que je pense vraiment comme un acteur : je pars du texte, et j’en crée ainsi à ma propre interprétation. Par exemple je fais comme si, moi, j’étais Figaro ou Don Giovanni. Je ne vais pas reproduire les gestes des siècles passés : j'adopte les attitudes d'aujourd'hui. C’est vrai que lorsque je joue un rôle dans un opéra, je suis LE personnage et je ne suis pas complètement « David Serero ». Quand il s’agit de monter un opéra, c’est le metteur en scène qui me dirige. Mais dans mes concerts, je suis maître à bord !
MCEI : Vous créez également vos propres spectacles ?
D. S. : Oui, tout à fait. D’ailleurs mon dernier spectacle, que j’ai joué jusqu’au mois de mars, est un spectacle musical intitulé Un Baryton à Broadway.
MCEI : Votre carrière semble s'être élancée rapidement.
D. S. : Oui, c’est allé très vite, même si au début je n’avais pas forcément les qualités vocales. Si j'avais suivi le cursus habituel, je devrais, aujourd'hui, sortir tout juste du Conservatoire, alors que j’ai déjà donné 150 représentations. Je suis très content du chemin parcouru parce que j’ai l’expérience de la scène et du concert, mais je n’en suis encore qu’au début. Il me reste beaucoup de travail !
MCEI : Vous évoquiez votre attitude sur scène lors de vos concerts. Quelle est-elle précisément ?
D. S. : C’est comme un « one man show » ! D’ailleurs, c’est en partie grâce à mes concerts que tout s’enchaîne très rapidement. Je commence avec de l’opéra, Mozart, Puccini, Verdi, Rossini ; je vais directement vers la plus belle musique, pas de détours ! Je pars du principe que dans la salle la moitié des spectateurs connaît l’opéra et que l’autre moitié n’y connaît rien. Il faut donc amener autre chose à ceux qui connaissent tout et faire découvrir l’art lyrique au public qui n’y comprend rien. Je chante alors des airs de comédies musicales de Broadway, et j’emmène le public vers les musiques du monde. Un concert n’est pas un opéra, c’est très différent. Il faut savoir le faire avec beaucoup d’intelligence. Pendant cinq ans, avant de lancer mon premier concert, je suis allé voir un grand nombre de spectacles, et je notais ce qui n’allait pas, ce qu’il ne fallait pas faire. Je repérais aussi les idées à retenir, celles dont je pouvais m’inspirer. J’ai vu aussi ce que moi, en toute humilité, je pouvais changer. Il faut aller chercher les spectateurs, ne pas oublier qu’il y a un public. Lors de mes concerts, il y a comme des vagues : j’amène les gens vers le rire, vers l’émotion, je les fais pleurer et participer.
MCEI : Comment les spectateurs perçoivent-ils cette manière de promouvoir la musique ?
D. S. : Ils sont enchantés par ces découvertes, cet éclectisme. Ils apprécient aussi la mise en scène, les improvisations et la manière assez théâtrale avec laquelle je joue et je chante.
MCEI : J’ai eu l’occasion de vous écouter, non pas à l’un de vos concerts, mais lors de la première édition des Envolées Lyriques (Festival d’Art Lyrique en Ile-de-France). J’ai découvert une partie de votre talent, et c’est justement votre théâtralité qui m’a le plus frappé.
D. S. : Merci. Surtout quand je joue des rôles ; je m’investis pleinement dans un personnage dès que j’entre sur scène. J’improvise aussi beaucoup. Toute la vie est faite d’improvisations. Il faut avoir la capacité à être réactif et à improviser.
MCEI : Quel serait votre plus grand rêve ? S’il ne s’est pas déjà réalisé…
D. S. : Je me demande si je ne suis pas en train de le vivre : être sur scène.
MCEI : Y a-t-il un rôle dans l’opéra que vous affectionnez tout particulièrement ?
D. S. : J’aime cette diversité : les rôles dramatiques, comiques… J’aime vraiment tout. Jouer Escamillo de Carmen me plaît beaucoup parce que c’est un personnage qui a du punch et qui est apprécié du public. Les gens attendent de le voir apparaître. Au fil des années, il y aura sûrement une évolution : au début on aime les rôles plus jeunes, plus romantiques, et peut-être que dans quelques années je préfèrerai les rôles de pères. Je ne serai plus crédible aussi. Mais bon, j’ai encore du temps. (rires)
MCEI : Vous êtes un artiste complet, qui joue de l’éclectisme de son art et de ses techniques pour diversifier les spectacles et attirer tous les publics, mais vous vous battez également pour une noble cause avec la fondation « Talents Interdits » que vous avez créée. De quoi s’agit-il ?
D. S. : Le but de « Talents Interdits » est de promouvoir la musique de talent qui était interdite par le régime nazi. 99% des compositeurs sont juifs, mais il y a également ceux qui n’ont pas voulu adhérer au parti nazi. Il faut leur redonner une place, et c’est ce que j’essaye de faire depuis un an à mon humble niveau. C’est quelque chose qui a beaucoup d’importance pour moi, à cause de mes origines. Et surtout, il ne faut pas oublier tous ces compositeurs talentueux. Leur rendre hommage, leur rendre la mémoire.
MCEI : De beaux projets en perspective. Quand vous retrouve-t-on sur scène ?
D. S. : Le lundi 10 mai 2010, au Conservatoire Serge Rachmaninoff (26 avenue de New-York, 75016, Paris, Métro Iéna ou Passy), dans le cadre de la saison culturelle France-Russie. Ce sera un concert très populaire avec l’entremêlement d’airs d’opéras russes : Eugène Onéguine, La Dame de Pique, Boris Godounov, Le Prince Igor, de romances avec Rachmaninov, et de folklores russes.
Je chante aussi dans des galas et donne des concerts humanitaires. Mais ce que je préfère avant tout, c’est aller vers les spectateurs. J’aime les gens, tellement. Après mes concerts, je les attends dans la salle pour leur dire que je les aime !
Site internet officiel de David Serero : www.davidserero.com
(Propos recueillis par Aurore Bachelet)
Commentaires
Superbe baryton
Superbe baryton, je l'ai deja vu en concert, il est topissime. Je vais retourner le voir, c'est geant.