Rencontre avec Marc Woog, un auteur metteur en scène qui "adore les acteurs"
dim, 11/28/2010 - 23:38
Auteur, metteur en scène et également directeur de la compagnie L’Evaporée, Marc Woog, vingt-six ans, est à l’affiche du festival Nanterre sur Scène avec sa première pièce, Les Curieux. Nous brûlions de curiosité de le rencontrer, c’est chose faite ! Avec enthousiasme et passion, il nous parle de son amour pour le théâtre, de sa pièce et de ses projets. Lumière sur un artiste complet.
MCEI : Votre pièce, Les Curieux, fait partie de la sélection officielle du festival Nanterre sur Scène. Pourquoi avoir choisi d’y participer ?
M.W. : Pour plusieurs raisons. Je dirais d’abord que le cadre de l’université m’intéresse, l’idée de mêler les études et le théâtre. La pédagogie et la recherche sont deux dimensions centrales de mon travail : j’ai fait un master en métiers de la production théâtrale et je donne beaucoup de cours pour les adolescents. Deuxièmement, le Théâtre Bernard-Marie Koltès est une très bonne salle, une des meilleures pour jeune compagnie. On y a d’ailleurs déjà joué il y a quelques années avec Macbeth de Shakespeare…
M.W. : Pour plusieurs raisons. Je dirais d’abord que le cadre de l’université m’intéresse, l’idée de mêler les études et le théâtre. La pédagogie et la recherche sont deux dimensions centrales de mon travail : j’ai fait un master en métiers de la production théâtrale et je donne beaucoup de cours pour les adolescents. Deuxièmement, le Théâtre Bernard-Marie Koltès est une très bonne salle, une des meilleures pour jeune compagnie. On y a d’ailleurs déjà joué il y a quelques années avec Macbeth de Shakespeare…
MCEI : Est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours ? Comment s’est passée votre rencontre avec le théâtre ?
M.W. : J’ai commencé à douze ans, au collège, avec des cours facultatifs donnés par des professionnels, puis j’ai passé un baccalauréat Théâtre / Anglais en Suisse. Ensuite, j’ai suivi une formation de comédien au Cours Florent. En parallèle, j’ai collaboré à plusieurs mises en scène pour l’opéra comme le théâtre. Et petit à petit, comme j’ai toujours lu et que l’écriture m’accompagnait tout le temps – j’ai un master en Lettres modernes – je me suis finalement mis à écrire cette pièce, qui est la première.
En réalité, je ne me souviens pas de ma rencontre avec le théâtre, je crois que j’ai toujours voulu en faire.
M.W. : J’ai commencé à douze ans, au collège, avec des cours facultatifs donnés par des professionnels, puis j’ai passé un baccalauréat Théâtre / Anglais en Suisse. Ensuite, j’ai suivi une formation de comédien au Cours Florent. En parallèle, j’ai collaboré à plusieurs mises en scène pour l’opéra comme le théâtre. Et petit à petit, comme j’ai toujours lu et que l’écriture m’accompagnait tout le temps – j’ai un master en Lettres modernes – je me suis finalement mis à écrire cette pièce, qui est la première.
En réalité, je ne me souviens pas de ma rencontre avec le théâtre, je crois que j’ai toujours voulu en faire.
MCEI : J’ai vu que vous aviez aussi une licence en Psychologie clinique, est-ce que cela influence votre travail ?
M.W : C’est vrai que tout le monde s’interroge sur cette licence parce que le jeu psychologique au théâtre est sujet à beaucoup de questionnements, mais moi je ne m’en sers pas du tout. Ce qui m’intéressait, c’était surtout l’orientation psychanalytique avec ses implications philosophique et anthropologique. Bien sûr, cela influence mon écriture, puisque mes personnages sont des archétypes que je pousse à l’extrême : le narcissique, le mélancolique, l’hystérique. Mais si je m’inspire de catégories diagnostiques, c’est avant tout pour en faire de la poésie.
M.W : C’est vrai que tout le monde s’interroge sur cette licence parce que le jeu psychologique au théâtre est sujet à beaucoup de questionnements, mais moi je ne m’en sers pas du tout. Ce qui m’intéressait, c’était surtout l’orientation psychanalytique avec ses implications philosophique et anthropologique. Bien sûr, cela influence mon écriture, puisque mes personnages sont des archétypes que je pousse à l’extrême : le narcissique, le mélancolique, l’hystérique. Mais si je m’inspire de catégories diagnostiques, c’est avant tout pour en faire de la poésie.
MCEI : Pouvez-vous nous parler de la genèse de cette pièce, Les Curieux, dont vous êtes l’auteur et le metteur en scène ?
M.W. : Dans Macbeth, il y a une scène qui m’a passionné et que beaucoup de metteurs en scène coupent. C’est la scène 3 de l’acte IV où, sur le plateau, un homme dit : « Je ne serai pas un bon roi puisque tous les rois sont tyranniques. » Et c’est vrai qu’elle pose problème parce qu’elle empêche le happy end, et en même temps, ce n’est pas forcément une vision négative du monde. Pour moi, on échappe à la fatalité car, à partir du moment où l’homme dit ses perversités, il est sauvé, en quelque sorte. Tout est parti de là, j’ai eu envie d’écrire une histoire avec un roi qui abandonnerait son peuple, une pièce avec plusieurs dimensions. J’aime beaucoup le théâtre dans le théâtre, mais pas forcément lorsque le personnage principal est un metteur en scène et le second un auteur, par exemple. J’ai cherché à rendre cela plus subtil, et l’idée de créer autour d’un mort me semblait un procédé qui pouvait répondre aux mêmes attentes. Il y a aussi une dimension très conte de fée. Lorsque ces trois personnages des rues, qui sont des clichés de la pauvreté, trouvent un cadavre, ils lui inventent un destin qui est forcément celui d’un roi. Et ce qui m’intéressait, c’est qu’ils n’en font pas un sauveur, mais un roi qui va les abandonner. Ce qui veut dire que ces pauvres gens, apparemment dans le besoin, ne vont pas imaginer quelqu’un qui va venir à leur secours, mais qui va, au contraire, leur donner toute la liberté, y compris celle d’en rester là où ils sont.
M.W. : Dans Macbeth, il y a une scène qui m’a passionné et que beaucoup de metteurs en scène coupent. C’est la scène 3 de l’acte IV où, sur le plateau, un homme dit : « Je ne serai pas un bon roi puisque tous les rois sont tyranniques. » Et c’est vrai qu’elle pose problème parce qu’elle empêche le happy end, et en même temps, ce n’est pas forcément une vision négative du monde. Pour moi, on échappe à la fatalité car, à partir du moment où l’homme dit ses perversités, il est sauvé, en quelque sorte. Tout est parti de là, j’ai eu envie d’écrire une histoire avec un roi qui abandonnerait son peuple, une pièce avec plusieurs dimensions. J’aime beaucoup le théâtre dans le théâtre, mais pas forcément lorsque le personnage principal est un metteur en scène et le second un auteur, par exemple. J’ai cherché à rendre cela plus subtil, et l’idée de créer autour d’un mort me semblait un procédé qui pouvait répondre aux mêmes attentes. Il y a aussi une dimension très conte de fée. Lorsque ces trois personnages des rues, qui sont des clichés de la pauvreté, trouvent un cadavre, ils lui inventent un destin qui est forcément celui d’un roi. Et ce qui m’intéressait, c’est qu’ils n’en font pas un sauveur, mais un roi qui va les abandonner. Ce qui veut dire que ces pauvres gens, apparemment dans le besoin, ne vont pas imaginer quelqu’un qui va venir à leur secours, mais qui va, au contraire, leur donner toute la liberté, y compris celle d’en rester là où ils sont.
MCEI : A propos de votre processus de création, est-ce que la perspective de la mise en scène joue sur votre écriture ?
M.W. : Pas tout à fait. Certes, j’ai écrit les personnages pour les comédiens, que j’avais déjà dirigés, donc leur phrasé, leur gestuelle m’ont influencé. Mais je ne me suis pas tellement préoccupé, à ce moment-là, des questions de scénographie. En revanche, le texte a continué d’évoluer avec la mise en scène. Sa première partition étant très écrite, presque lyrique, toutes les dimensions réalistes, de commentaire, naissent au moment de la mise en scène. C’est cette confrontation qui donne lieu à une nouvelle version du texte : toute une partie des choses que l’on verra sur le plateau ne sont pas écrites.
M.W. : Pas tout à fait. Certes, j’ai écrit les personnages pour les comédiens, que j’avais déjà dirigés, donc leur phrasé, leur gestuelle m’ont influencé. Mais je ne me suis pas tellement préoccupé, à ce moment-là, des questions de scénographie. En revanche, le texte a continué d’évoluer avec la mise en scène. Sa première partition étant très écrite, presque lyrique, toutes les dimensions réalistes, de commentaire, naissent au moment de la mise en scène. C’est cette confrontation qui donne lieu à une nouvelle version du texte : toute une partie des choses que l’on verra sur le plateau ne sont pas écrites.
MCEI : Et est-ce que votre expérience d’acteur influence votre mise en scène ?
M.W. : Oui, et comme j’adore les acteurs, je crois que je les dirige comme j’aimerais l’être, d’une certaine manière, sans frustration et dans une volonté d’arriver ensemble à quelque chose. De toute façon, je pense que cela influence tout metteur en scène d’avoir été acteur parce qu’il y a des impossibilités dont on a conscience. Par exemple, à Nanterre, l’acoustique est très particulière : le son n’arrive pas en même temps à l’acteur et au spectateur. Mon expérience me permet d’en avoir conscience et de les aider à ce niveau-là.
M.W. : Oui, et comme j’adore les acteurs, je crois que je les dirige comme j’aimerais l’être, d’une certaine manière, sans frustration et dans une volonté d’arriver ensemble à quelque chose. De toute façon, je pense que cela influence tout metteur en scène d’avoir été acteur parce qu’il y a des impossibilités dont on a conscience. Par exemple, à Nanterre, l’acoustique est très particulière : le son n’arrive pas en même temps à l’acteur et au spectateur. Mon expérience me permet d’en avoir conscience et de les aider à ce niveau-là.
MCEI : Avec cette pièce, vous vouliez parler de la curiosité. Est-ce qu’être curieux, ce ne serait pas finalement une métaphore de la création artistique ?
M.W. : Oui, tout à fait, ce n’est presque que cela. Vouloir savoir, être étrange, ce sont les principes mêmes de la mise en scène et de toute création artistique qui revient à sonder l’âme humaine. La curiosité, c’est une volonté de savoir, mais surtout de poser la question. Savoir, je ne sais pas si c’est ce à quoi je suis parvenu, car à la fin, on n’en sait pas plus !
M.W. : Oui, tout à fait, ce n’est presque que cela. Vouloir savoir, être étrange, ce sont les principes mêmes de la mise en scène et de toute création artistique qui revient à sonder l’âme humaine. La curiosité, c’est une volonté de savoir, mais surtout de poser la question. Savoir, je ne sais pas si c’est ce à quoi je suis parvenu, car à la fin, on n’en sait pas plus !
MCEI : Tous les personnages de votre pièce semblent marqués autant par la stérilité que par la sexualité. Qu’avez-vous voulu dire par là ?
M.W. : En fait, ma vision du monde est fondée sur le désir qui, d’un point de vue psychanalytique, est orienté vers la sexualité. Par exemple, mes trois personnages sont tous teintés de sexualité, mais pas tout à fait de la même manière. Malik loue son ignorance, Lou sa double sexualité et Noria son ventre. Or, pour moi, le désir est forcément perverti par la manière dont on est dirigés, par le pouvoir. Ce qui est bien normal, parce qu’à partir du moment où il y a eu groupement d’hommes, il a fallu quitter l’animalité et placer des interdits pour tendre vers un but commun. Aujourd’hui, avec la société de consommation, on ne tend plus vers un but commun – ou alors seulement sur le plan économique – mais plutôt individuel et autoérotique. A partir de là, ce qui m’intéresse, ce n’est pas de juger, mais de me demander comment mes personnages peuvent avoir un but commun, parce que je n’ai pas envie d’écrire quelque chose de fatal. Et en ce sens, une morale manque peut-être à ma pièce. Les personnages, même s’ils inventent un roi tyrannique qui les abandonne, l’ont fait à trois. Ils avaient donc un but commun, fortement teinté d’égoïsme, parce que c’est quelque chose que j’aime énormément dans la vie et surtout au théâtre – les personnages égoïstes donnent un jeu incroyable ! En tout cas, ensemble, ils créent la représentation, donc du théâtre, et c’est déjà cela.
M.W. : En fait, ma vision du monde est fondée sur le désir qui, d’un point de vue psychanalytique, est orienté vers la sexualité. Par exemple, mes trois personnages sont tous teintés de sexualité, mais pas tout à fait de la même manière. Malik loue son ignorance, Lou sa double sexualité et Noria son ventre. Or, pour moi, le désir est forcément perverti par la manière dont on est dirigés, par le pouvoir. Ce qui est bien normal, parce qu’à partir du moment où il y a eu groupement d’hommes, il a fallu quitter l’animalité et placer des interdits pour tendre vers un but commun. Aujourd’hui, avec la société de consommation, on ne tend plus vers un but commun – ou alors seulement sur le plan économique – mais plutôt individuel et autoérotique. A partir de là, ce qui m’intéresse, ce n’est pas de juger, mais de me demander comment mes personnages peuvent avoir un but commun, parce que je n’ai pas envie d’écrire quelque chose de fatal. Et en ce sens, une morale manque peut-être à ma pièce. Les personnages, même s’ils inventent un roi tyrannique qui les abandonne, l’ont fait à trois. Ils avaient donc un but commun, fortement teinté d’égoïsme, parce que c’est quelque chose que j’aime énormément dans la vie et surtout au théâtre – les personnages égoïstes donnent un jeu incroyable ! En tout cas, ensemble, ils créent la représentation, donc du théâtre, et c’est déjà cela.
MCEI : Vous dites que vous refusez l’idée de la fatalité et pourtant, à la fin de la pièce, il y a quand même un retour à des paroles prononcées au début. Une dimension cyclique apparaît…
M.W. : Je suis d’accord. Il y a l’idée que tout recommence et qu’une continuité existe entre la monarchie de droit divin et ce que l’on a aujourd’hui comme dimension démocratique républicaine : on a gardé des investissements du souverain tels que le statut de guide, de sauveur. Mais pour que cette idée ne soit pas uniquement vue comme une fatalité, cela m’intéressait de ne pas finir sur une fin mais sur un début. C’est mon happy end à moi !
Et puis, j’avais aussi envie de me demander qui invente quoi. Comme on revient sur le personnage du début, je voulais que l’on se demande si ce n’est pas lui qui aurait tout inventé.
M.W. : Je suis d’accord. Il y a l’idée que tout recommence et qu’une continuité existe entre la monarchie de droit divin et ce que l’on a aujourd’hui comme dimension démocratique républicaine : on a gardé des investissements du souverain tels que le statut de guide, de sauveur. Mais pour que cette idée ne soit pas uniquement vue comme une fatalité, cela m’intéressait de ne pas finir sur une fin mais sur un début. C’est mon happy end à moi !
Et puis, j’avais aussi envie de me demander qui invente quoi. Comme on revient sur le personnage du début, je voulais que l’on se demande si ce n’est pas lui qui aurait tout inventé.
MCEI : Pour terminer, avez-vous d’autres projets en tant qu’auteur ou metteur en scène ?
M.W. : Je monte Phèdre de Sénèque cette année, en Suisse et à Paris. Puis, j’aimerais bien faire une tournée, pour laquelle j’ai un projet un peu spécial ; à chaque déplacement, le chœur serait constitué d’adolescents de la région, de manière à implanter vraiment le spectacle, et à essayer de bouleverser un petit peu les habitudes des gens.
Sinon, j’ai écrit une nouvelle pièce qui reprend les personnages des Curieux. On m’a souvent reproché, avec raison, une surabondance des thèmes, j’ai donc eu envie d’en développer certains, de les pousser plus loin. Lou, Malik et Noria sont confrontés à un jeune homme vivant cette fois. Utilisant leur drame, il vient leur proposer d’assassiner le président de la République. Et ils vont accepter…
M.W. : Je monte Phèdre de Sénèque cette année, en Suisse et à Paris. Puis, j’aimerais bien faire une tournée, pour laquelle j’ai un projet un peu spécial ; à chaque déplacement, le chœur serait constitué d’adolescents de la région, de manière à implanter vraiment le spectacle, et à essayer de bouleverser un petit peu les habitudes des gens.
Sinon, j’ai écrit une nouvelle pièce qui reprend les personnages des Curieux. On m’a souvent reproché, avec raison, une surabondance des thèmes, j’ai donc eu envie d’en développer certains, de les pousser plus loin. Lou, Malik et Noria sont confrontés à un jeune homme vivant cette fois. Utilisant leur drame, il vient leur proposer d’assassiner le président de la République. Et ils vont accepter…
Propos recueillis par Marine Badetz et Aurélie Laurière
Photographie : Elsa Kedadouche