Visages d'Islam

sam, 10/27/2012 - 18:12

Depuis septembre, le Louvre nous invite en terres d'Orient, à la rencontre des Arts de l'Islam. Baigné dans un océan de débats houleux, cet îlot de curiosités éveille avec lui de nombreux espoirs.

Les voyages commencent toujours par une envie. Bercée des éloges qui ont plu de toutes parts à l'occasion de son ouverture, je décide d'embarquer à la découverte de ce nouvel espace. Quelques trains plus tard, les portes du palais s'ouvrent devant mes yeux impatients. Plus fascinante qu'intimidante, une foule m'accompagne, qui étonne par sa diversité. Dans la salle, vaste et voilée d'or, le regard se pose d'abord sur une mosaïque d'écrans, harmonieusement animée d'objets à venir. L'aventure peut commencer. Les premières pièces se révèlent : décors muraux de Samarra et céramiques engobées sont à l'honneur. Un peu plus loin, quelques notes d'un poème d'Abd al-Rahman 1er se glissent à nos oreilles et ponctuent ce début de promenade :  

          Au coeur d'al-Rusafa, il m'est apparu un palmier
          Exilé des siens sur la terre d'Occident, loin du pays des palmiers
          [...]

On déambule librement dans ce pays, de monnaies omeyyades en faïences de Samarkand et de bijoux profanes en gravures chiites. Un garçon m'amuse, courant raconter, d'un côté à sa mère, de l'autre à son père, la source de son émerveillement. Un imposant chandelier de Khorasan trône là, fait d'une seule feuille de cuivre dont on a martelé les formes de l'intérieur... De l'artisanat à l'Art, la frontière est ici mince, et l'impression d'autant plus forte. Tout est dessiné pour séduire l'œil ; l'alliance d'un décor sobre contrastant avec le raffinement des œuvres est d'une élégance absolue. Plus bas, la vague dorée de M. Bellini et R. Ricciotti, qui caressait nos têtes, s'évanouit derrière de grands murs noirs. La délicatesse des calligraphies fait le lien, et l'on évolue ensuite dans un clair-obscur savamment ordonné. Plusieurs pièces maîtresses attendent que se posent sur elles le regard amoureux des visiteurs ; les immenses mosaïques ottomanes nous absorbent, la gueule ouverte du Lion de Monzón semble nous aspirer tout entier...

Entre les objets qui se mêlent, pourtant, on aurait aimé que les superbes vantaux de portes mamloukes nous ouvrent plus grande encore l'entrée de ce monde ; que le Louvre soit un peu plus qu'un musée. On voyage entre les œuvres d'art, quand on aurait espéré voyager à travers l'Art. De Cordoue à Bamiyan, un récit manque à cette promenade, un conte dont l'Islam est pétri. Dans ce parcours que R. Piérard et M. Bellini ont souhaité si fluide, les trésors sont dévoilés, le mystère est oublié. Il faut louer cette entreprise admirable, cette volonté affirmée ; une bien belle manière de combattre l'ignorance. Mais devant tant de splendeurs, le souffle se retient, le dialogue s'éteint. Il est l'heure ; les portes se referment. Avant de sortir, je croise à nouveau le regard de ce jeune garçon. Il a fait un beau voyage. C'est bien là l'essentiel.

 Tiphaine Mérot


Département des Arts de l'Islam au Musée du Louvre, Paris (1er)
 ; ouvert tous les jours de 9h à 18h sauf le mardi, nocturnes le mercredi et le vendredi jusqu'à 21h45 ; tarif collections permanentes : 11 € (gratuit pour les moins de 26 ans résidents de l'U.E.)