Véritable histoire et faux menteurs

sam, 12/04/2010 - 13:47

Issu du Master professionnel « Mise en scène et Dramaturgie » de Nanterre, le collectif ImNotaliar But voit le jour en 2009. Il rassemble des artistes de multiples origines (Allemagne, Canada, France, Mexique, Pologne, Roumanie et Russie). Ces étudiants ont des parcours déjà denses et surtout très variés, ainsi que des formations théoriques différentes (en philosophie, lettres, histoire, arts plastiques, arts du spectacle). Ils ont l'expérience des planches dans des domaines aussi divers que le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et la scénographie. Ce qui les unit ? La même volonté de penser la mise en scène. La grande variété des profils fait la particularité de ce collectif et donne un spectacle aux personnages hétéroclites. Dans les coulisses, on retrouve cette même alternance des rôles puisque les artistes sont tour à tour metteur en scène, écrivain et acteur. Il n'y a pas de véritable meneur, chacun a son mot à dire. Ce collectif nous permettra de juger de sa qualité le mardi 7 décembre 2010, dans le cadre du festival "Nanterre sur scène" avec le Cabaret des vies coupables. Des cabarets, il y en a beaucoup... Oui, mais celui-là est bien particulier. Il met des criminels sous les feux de la rampe. Ce spectacle nous montre...




Des criminels qui traversent le temps. Au début du XXe siècle, le criminologue Alexandre Lacassagne se rend à la prison de Saint-Paul, à la rencontre de grands criminels pour leur faire écrire leur histoire. « il pourrait être le précurseur des ateliers d'écriture animés aujourd'hui par des associations ou des écrivains en prison », nous explique Sarah. Presque un siècle plus tard, Philippe Artières découvre dans les archives de la bibliothèque municipale de Lyon les récits de ces criminels. Il décidera plus tard de faire un livre de ces textes, Le Livre des vies coupables, Autobiographies de criminels. Après une longue préface de présentation, l'historien laisse parler dix de ces prisonniers, accompagnant parfois leur témoignage d'éléments au sujet de leur vie. « Ce qui est frappant dans ces récits, c'est de voir à quel point leurs auteurs donnent de la force à leur vie par la maitrise de l'écriture, l'organisation de leurs récits. », nous dit encore Sarah. Inspirés par ces autobiographies, les metteurs en scène réécrivent et s'approprient la matière d'Artières lors d'un atelier avec David Lescot, un de leurs professeurs. Le spectacle ne fait pas partie de la formation, il est simplement né de la bonne énergie du groupe. La rencontre entre la matière si particulière et la forme du cabaret séduit les étudiants. Ils se prennent au jeu et décident de présenter le projet en cours d'écriture au Festival « Nanterre sur scène ». « Finalement, il reste peu de la matière brute du livre. Les biographies ont été reprises sous formes diverses : rap, chant, dialogue, pantomime. », nous dit Natacha.


Un autre regard... C'est ce que cherche ce spectacle profondément humain. Les étudiants sont fascinés par l'humanité des criminels et la possibilité de s'identifier à eux. Pourquoi la prison s'est-elle trouvée sur leur chemin ? Pourquoi la société les a-t-elle jugés coupables ? Le spectacle interroge donc la responsabilité des autres dans le sort de ces proscrits, qui viennent en général de milieux modestes. On pense à Michel Foucault. On n'est pas loin non plus de Brecht et de son Opéra de quat'sous. Plutôt audacieux de faire de l'art à partir de ce que l'on veut généralement cacher ! Le collectif donne la parole à des marginaux oubliés au fond de leur cellule ainsi que l'occasion d'un tout dernier plaidoyer. Dans ces criminels ordinaires, on peut retrouver les grandes figures mythologiques, d’un Œdipe parricide ou Tirésias hermaphrodite...


Le crime artistique. Les artistes vont plus loin. Ils ont choisi d'adopter le point de vue de Thomas de Quincey ou des Surréalistes et de poser l'assassinat comme une œuvre d'art. Le cabaret repose sur la performance d'un présentateur qui fait son show. Il fait un casting des coupables. Louise passe ainsi un entretien d'embauche sur scène. « Depuis combien de temps faites-vous ce métier ? - Depuis toujours. - Qui était votre premier employeur ? - Mon mari. - Avez vous fait des études ? - J'ai commencé sur le tas. Puis j'ai passé mon bac Domestique et un Master pro par validation des acquis... ». Et c'est ainsi que nous sont montrés les personnages : comme des virtuoses dans leur catégorie, des virtuoses du crime. Reste à se demander dans quelle mesure la voix que nous entendons est celle, authentique, des prisonniers. Elle fut successivement orientée par les questions du criminologue, réécrite peut-être, retransmise ensuite par Artières et se fait enfin entendre sur scène. Adaptation après adaptation, les criminels deviennent à chaque fois un peu plus figures. Ils tendent ainsi toujours plus à l'universel. Une matière riche donc puisque Lacassagne l'a trouvée digne d'intérêt, qu'Artières presque un siècle plus tard en a adapté les éléments et que nos artistes s'y sont retrouvés encore pour lui donner une nouvelle forme.


En un mot, ce cabaret est unique. Pas de secret, c'est le fruit d'une démarche originale au sein d'un collectif hors du commun. Ces artistes aux multiples talents vous offrent un spectacle total !




Janine Manguin et Alexandra Buisson-Labis




Petite histoire du collectif


Décembre 2009, Théâtre du Rond-Point,lecture et mise en voix des Histoires de la folie ordinaire de Petr Zelenka, dirigées par Éric Vigner.


Février 2010, Théâtre Ouvert, Drames brefs, Le Couloir, Voilà et C’est l’anniversaire de Michèle, lecture dirigée par Philippe Minyana.


Mars et Mai 2010, Marquis’Art Le public est invité à déambuler parmi différentes performances (théâtre, danse, arts plastiques, vidéo, musique) dans les murs de l’hôtel de la Marquise de Sévigné, place des Vosges, réquisitionné par Jeudi Noir.




En ce moment


Décembre 2010, Théâtre Ouvert, poursuite du travail avec Philippe Minyana autour de sa pièce Ça va.


 


A venir


Septembre 2011, Projet de festival étudiant de formes courtes et de performances.